117-121 ("Il n'est pas vrai qu'il y ait eu un temps ou Je n'étais point, ni toi ...)

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117 — "Il n'est pas vrai qu'il y ait eu un temps ou Je n'étais point, ni toi ni ces rois; il n'est pas vrai non plus qu'aucun de nous doive jamais cesser d'être." Non seulement le Brahman est éternel, mais les êtres et les choses dans le Brahman sont éternels; leur création et leur destruction sont un jeu de cache-cache avec notre conscience extérieure.

118 — L'amour de la solitude est le signe d'une disposition à la connaissance; mais on ne parvient à la connaissance que quand on perçoit la solitude invariablement et partout, dans la foule et dans la bataille, et sur la place du marché.

119 — Si tu peux percevoir que tu ne fais rien, alors même que tu accomplis de grandes actions et que tu mets en mouvement des résultats formidables, sache que Dieu a retiré son sceau de tes paupières.

120 — Si tu peux percevoir que tu conduis des révolutions, alors même que tu es assis tout seul, immobile et sans paroles au sommet de la montagne, tu as la vision divine et tu es libre des apparences.

121 —L'amour de l'inaction est sottise, et sottise le mépris de l'inaction — il n'y a pas d'inaction. La pierre inerte sur le sable, que tu envoies promener d'un coup de pied distrait, a produit son effet sur les hémisphères.

C'est l'expérience que j'ai eue ces jours-ci, hier ou avant-hier. Le sentiment d'une Puissance irrésistible qui gouverne tout : le monde, les choses, les gens, tout, tout, sans que l'on ait besoin de bouger matériellement, et que cette suractivité matérielle est seulement comme l'écume qui se forme quand l'eau court très vite — l'écume de la surface —, mais que la Force court dessous comme un flot tout-puissant.

Il n'y a rien d'autre à dire.

On en revient toujours à cela : savoir, ça va bien; dire, c'est bon; faire, c'est bien; mais être, c'est la seule chose qui ait du pouvoir.

N'est-ce pas, les gens sont à s'agiter parce que cela ne va "pas vite"; alors j'avais cette vision de la formation, de la création divine qui se fait, en dessous, toute-puissante, irrésistible, et en dépit de tout, tout ce brouhaha extérieur.

Mais ce grand courant de Puissance, pour s'exprimer, il a besoin d'instruments?

Un cerveau.

Mais justement, pas seulement d'un cerveau. Cette Puissance peut s'exprimer, comme dans le passé, d'une façon mentale ou surmentale ; elle peut s'exprimer vitalement par la force ; elle peut s'exprimer par des muscles ; mais comment peut-elle s'exprimer physiquement, purement, directement (parce que tu parles souvent du "pouvoir matériel") ? Quelle différence y a-t-il entre l'Action là-haut et l'Action vraie ici?

Chaque fois que j'ai été consciente du Pouvoir, l'expérience a été similaire. La Volonté d'en haut se traduit par une vibration, qui certainement se revêt de puissance vitale, mais agit dans un physique subtil. On a la perception d'une certaine qualité de vibration, qu'il est difficile de décrire mais qui donne l'impression d'une chose coagulée (pas morcelée), quelque chose qui semble plus dense que l'air, qui est extrêmement homogène, d'une luminosité dorée, avec une puissance de propulsion formidable, et qui exprime une certaine volonté (qui n'a pas la nature de la volonté humaine, qui a plutôt la nature de la vision que celle de la pensée; c'est comme une vision qui s'impose pour être réalisée) dans un domaine très proche de la Matière matérielle, mais invisible, excepté pour la vision intérieure; et ça, cette Vibration-là, exerce une pression sur les gens, les choses, les circonstances, pour les mouler selon sa vision. Et c'est irrésistible. Même les gens qui pensent le contraire, qui veulent le contraire, font ce qui est voulu sans le vouloir; même les choses qui s'opposent par leur nature même sont retournées.

Pour les événements nationaux, les rapports entre les nations, les circonstances terrestres, ça agit comme cela, constamment, constamment, comme une Puissance formidable. Et alors, si l'on est soi-même en état d'union avec la Volonté divine, sans intervention de la pensée et de toutes les conceptions ou les idées, on suit, on voit et on sait 1

Les résistances de l'inertie dans les consciences et dans la Matière font que cette Action, au lieu d'être directe et parfaitement harmonieuse, devient confuse, pleine de contradictions, de chocs et de conflits; au lieu que tout s'arrange, on pourrait dire "normalement", sans heurts (comme cela devrait être), toute cette inertie qui résiste, qui s'oppose, fait que cela commence à avoir un mouvement entremêlé où les choses s'entrechoquent et où il y a des désordres et des destructions, qui ne sont rendus nécessaires que par la résistance, mais qui n'étaient pas indispensables, qui auraient pu ne pas être — qui n'auraient pas dû être, pour dire la vérité. Parce que cette Volonté, ce Pouvoir, est un Pouvoir de parfaite harmonie, où chaque chose est à sa place, et il organise merveilleusement : ça vient comme une organisation absolument lumineuse et parfaite, que l'on peut voir quand on a la vision, mais quand ça descend et que ça presse sur la Matière, tout commence à bouillonner et à résister. Par conséquent, vouloir imputer à l'Action divine, au Pouvoir divin, les désordres et les confusions et les destructions, c'est encore une sornette humaine. C'est l'inertie (sans parler de la mauvaise volonté), l'inertie qui produit la catastrophe. Ce n'est pas que la catastrophe soit voulue, ce n'est même pas qu'elle soit prévue : elle est produite par la résistance.

Et alors, s'ajoute à cela la vision de l'action de la Grâce, qui vient atténuer les résultats partout où c'est possible, c'est-à-dire partout où elle est acceptée. Et c'est cela qui explique que l'aspiration, la foi, la confiance totale de l'élément terrestre, humain, ont un pouvoir d'harmonisation, parce qu'elles permettent à la Grâce de venir réparer les conséquences de la résistance aveugle.

C'est une vision claire, claire, même claire dans les détails.

On pourrait, si l'on voulait, prophétiser en disant ce qui est vu. Mais il y a une sorte de super-compassion qui empêche cette prophétie, parce que la Parole de Vérité a un pouvoir de manifestation, et que d'exprimer le résultat de la résistance concrétiserait cet état et diminuerait l'action de la Grâce. Et c'est pourquoi, même quand on voit, on ne peut pas dire, on ne doit pas dire.

Mais certainement, Sri Aurobindo voulait dire que c'est ce Pouvoir ou cette Force qui fait tout — qui fait tout. Quand on la voit ou que l'on est un avec elle, en même temps on sait, et on sait que ça, c'est vraiment la seule chose qui agit et qui crée; le reste, c'est le résultat du domaine ou du monde ou de la matière ou de la substance dans laquelle ça agit — c'est le résultat de la résistance, mais ce n'est pas l'Action. Et s'unir avec ça veut dire que l'on s'unit avec l'Action; s'unir avec ce qui est en bas veut dire que l'on s'unit avec la résistance.

Et alors, parce que ça frétille, ça bouge, ça s'agite, ça veut, ça pense, ça fait des plans... ça s'imagine que ça fait quelque chose — ça résiste.

Plus tard (un peu plus tard) je pourrai donner des exemples pour de toutes petites choses, montrant comment la Force agit et ce qui intervient et qui se mélange, ou qui est mû par cette Force et qui déforme son mouvement, et le résultat, c'est-à-dire l'apparence physique telle que nous la voyons. Même un exemple pour une toute petite chose absolument sans importance mondiale donne une claire notion de la façon dont tout se produit et se déforme ici.

Et c'est pour tout, pour tout, tout le temps, tout le temps. Et alors, quand on fait le yoga des cellules, on s'aperçoit que c'est la même chose: il y a la Force qui agit, et puis (Mère rit) ce que le corps fait de cette Action !...

(silence)

Tout de suite vient le pourquoi et le comment. Mais c'est du domaine des curiosités mentales, parce que le fait important, c'est de faire cesser la résistance. Ça, c'est la chose importante, c'est de faire cesser la résistance afin que l'univers devienne ce qu'il doit être : l'expression d'une puissance harmonieuse, lumineuse, merveilleuse, d'une beauté sans pareille. Après, quand la résistance aura cessé, si par curiosité on veut savoir pourquoi elle s'est produite... cela n'aura plus d'importance. Mais maintenant, ce n'est pas en cherchant le pourquoi que l'on peut amener le remède, c'est en prenant la position véritable. C'est la seule chose qui importe.

Faire cesser la résistance par l'abandon total, le don de soi total, dans toutes les cellules si l'on peut le faire.

Elles commencent à avoir cette joie intense de ne plus être que par le Seigneur, pour le Seigneur, dans le Seigneur.

Quand ce sera établi partout, ce sera bien. .

6 juillet 1966

 


1 Il est intéressant de noter que, peu avant cette conversation, Mère avait reçu la question suivante :

La présence et l'intervention des Américains au Vietnam sont-elles justifiables?

À quoi Mère avait répondu :

À quel point de vue poses-tu cette question?

Si c'est au point de vue politique — la politique est en plein mensonge et je ne m'en occupe pas.

Si c'est au point de vue moral — la morale est le bouclier que les hommes ordinaires brandissent pour se protéger de la Vérité.

Si c'est au point de vue spirituel — seule la Volonté Divine est justifiable et c'est Elle que les hommes travestissent et déforment dans toutes leurs actions. (En arrière)

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