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Volume 1 — 1951-60

Mère l'Agenda Volume 1 — 1951-60

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Sans date 1957/1

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

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Quand on a une décision grave ŕ prendre, comment savoir de quel côté est son vrai destin?1

On n’a pas un destin, mais plusieurs destins.

Chacun a le droit de rejoindre son Origine supręme, quelle que soit sa place dans l’ordre du monde – cela, c’est le don que le Divin a fait ŕ la matičre, et c’est votre vrai destin. Et c’est un don spécial fait ŕ la terre, il n’existe pas dans les autres mondes. En męme temps, chacun a un rôle particulier dans la manifestation, qui lui est fixé par le Supręme, mais ce męme rôle peut se situer ŕ des niveaux différents selon le degré d’évolution de «cela» qui est en vous. Si cela en vous est encore trčs jeune, votre réalisation pourra ętre absolue et vous pourrez effectivement rejoindre le Supręme, mais le champ de la réalisation dans le monde sera limité, tout petit. Sur le plan vertical, vous pourrez toucher directement au Supręme, malgré votre petitesse, mais sur un plan horizontal, l’étendue de votre réalisation sera infinitésimale. Nous pouvons prendre l’exemple de Maheshwarî, la Mčre de Puissance et de Toute-Sagesse. Cet aspect de la Mčre pourra revętir des formes différentes suivant le degré d’évolution de «cela» en vous: ce pourra ętre un simple petit chef de groupe, une reine, une impératrice. Elle sera dans le chef de groupe comme dans l’impératrice, mais le champ de la réalisation sera évidemment différent.

Ainsi, sur cette męme ligne verticale qui vous conduit ŕ votre Origine divine, vous pourrez avoir plusieurs destins extérieurs selon votre état de développement. Le yoga cherche ŕ brűler les étapes, mais ce n’est pas toujours possible. Il y a des combinaisons psychologiques dans l’ętre qui ne peuvent se résoudre que par l’expérience. Cette expérience peut se faire en quelques vies, quelques années, quelques mois, quelques minutes.

Quand on voit, dans la conscience supręme, le déroulement de tous les destins et de toutes les possibilités de destin, c’est quelque chose d’infiniment intéressant. Il y a des ętres que l’on accuse de mégalomanie parce qu’ils ont de vastes projets, de grands desseins qui ne cadrent pas toujours avec les possibilités présentes du monde. Le plus souvent, c’est un simple manque de jugement de leur part, un manque de connaissance. Ils sont bien entrés en communication avec une vérité supérieure, quelque chose qui correspond peut-ętre ŕ une phase future de leur destin (et c’est pourquoi ils sont tellement convaincus), mais par manque de jugement, ils ne voient pas que le moment de cette vérité n’est pas encore venu, que les circonstances ne sont pas prętes, ou que les conditions dans lesquelles ils sont nés les empęchent d’exécuter ce qu’ils sentent ętre vrai. Il y a un décalage entre la vision de la vérité et ses possibilités actuelles de réalisation. Mais il ne faut pas tuer ces grands ręves, car c’est tuer quelque chose de votre propre avenir. Il faut surtout refuser, rejeter énergiquement cette moralité hideuse du «Gros-Jean comme devant», ce bon sens plat et vulgaire ŕ la Sancho Pança. Il faut simplement savoir attendre et nourrir longtemps ses ręves.

Pour conclure, voici ce que l’on peut dire: dans l’univers, il n’est pas, il ne peut y avoir deux destins semblables.

C’est inévitablement le destin de chaque ętre qui s’accomplit pour lui, et plus on est proche du Divin, plus ce destin revęt des qualités divines.

 

1 Cette conversation a été notée de mémoire. Il n’y avait pas encore de magnétophone ŕ l’époque et Satprem, hélas, croyait bon d’éliminer tous les éléments personnels afin de ne laisser que le côté «enseignement». La «décision grave» dont il s’agit ici était de quitter l’Ashram.

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16 mai 1960

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

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Il y a une nécessité fondamentale, c’est l’humilité. Être humble. Pas humble au sens où on l’entend d’ordinaire, pas simplement se dire: je suis petit, je ne suis rien – non, autre chose... Parce que les pièges sont innombrables, et plus on avance dans le yoga, plus ils deviennent subtils, plus l’ego se déguise sous des apparences merveilleuses et saintes. On dit: «Je ne veux plus dépendre de rien, que de Lui. Je veux fermer les yeux et reposer en Lui seul», et ce «Lui» bien confortable, qui est exactement comme on le veut, c’est l’ego, ou c’est un formidable Asoura, un Titan (selon la capacité de chacun). Et ils sont là partout sur la terre: c’est leur domaine. Alors la première chose à faire, c’est de mettre l’ego dans sa poche – pas pour le garder, mais pour le semer le plus tôt possible!

Et chaque fois que quelque chose au-dedans insiste: «Moi, je sens comme cela, et je pense comme cela, et je vois comme cela: c’est ma manière d’être, c’est ma façon de comprendre, c’est ma relation avec le Divin, etc.», on peut être sûr que le Dieu qu’on s’est fait est un Dieu de l’ego.

Et on dit: «Je veux fermer les yeux pour ne voir que Lui; je ne veux plus du monde extérieur.» Et on oublie qu’il y a l’Amour! C’est cela, le grand Secret, ça qui est derrière l’Existant et le Non-Existant, le Personnel et l’Impersonnel – l’Amour. Pas un amour entre deux choses, deux êtres... Un Amour qui contient tout.

Au début du siècle, j’avais écrit Prières et Méditations, et je parlais de «Lui», aussi, mais j’avais écrit cela avec toute mon aspiration, toute ma sincérité (du moins avec toute la sincérité des parties conscientes de mon être) et j’avais enfermé cela dans un tiroir, à clef, pour que personne ne le voit. C’est Sri Aurobindo qui m’a demandé plus tard de le publier, parce que cela pouvait être utile... Si j’avais su alors, il y a cinquante ans, ce que je sais maintenant, j’aurais été écrasée!... Toute cette «ignominie», cette «indignité»...

Au fond, c’est bon de savoir peu à peu, bon d’avoir des illusions – pas en tant qu’illusions mais comme une étape nécessaire sur le chemin.

Tout vient quand c’est le moment.

Et ce qui est merveilleux, c’est qu’à chaque instant, la Grâce, la Joie, la Lumière, l’Amour ne cessent de se déverser au milieu de tout cela, malgré l’ego, malgré l’indignité, l’ignominie. Etre humble...

*
*   *

Peu après

J’ai été malade il y a deux jours, ce rhume, la fièvre. Je sais pourquoi: un point a transformer. Peut-être le corps y a-t-il mis trop d’ardeur, alors ça a basculé. Mais grâce à cela, j’ai eu une expérience intéressante: X.1 avait mis sur moi sa force pour hâter la guérison. Et naturellement, suivant la nature de chacun, la force se colore, si je puis dire: elle revêt une couleur différente. Cela s’était traduit en moi par une expérience physique nouvelle qui a duré de quatre heures du matin jusqu’à six heures et demie, jusqu’au moment où j’ai été obligée de parler aux gens et de m’occuper de choses extérieures. C’était une sorte d’éternité, une sorte d’immobilité physique absolue dans laquelle il n’y avait plus aucune possibilité de maladie – en fait, il n’y avait plus rien dans cette immobilité, c’était comme un nirvana. Mais cela ne m’empêchait pas de faire tous les gestes habituels pour ma toilette.

J’ai passé toute ma journée d’hier à comprendre cette expérience.

Et je me suis aperçue que dans cette sorte d’éternité physique (qui a duré deux heures et demie: c’est long pour une expérience), il y avait quelque chose qui manquait, quelque chose qui n’était pas là: la joie de la conscience. Parce que toute ma vie, je me suis habituée à être consciente de tout, toujours, à chaque seconde. Et la joie de la conscience n’était pas là. Alors j’ai remercié la Grâce qui m’a fait voir: cette sorte de nirvana, c’était tout simplement du tamas2 physique.

(silence)

X. a le pouvoir de rendre très matérielles les choses; c’est cela son grand pouvoir. Et c’est pourquoi les choses se dérangent quand il vient ici. Tout d’un coup, celui qui progressait se trouve aux prises avec des difficultés; et l’argent qui devait venir cesse de venir; on tombe malade, les choses se détraquent – c’est justement parce qu’il a le pouvoir de donner une matérialité aux choses d’en-haut. Car, n’est-ce pas, on peut aller tout en haut de sa conscience, et de là-haut balayer les difficultés (il y a un moment de la sâdhanâ où vraiment les difficultés n’existent plus; il suffit d’attraper la vibration indésirable et c’est fini, on la pulvérise). Et tout là-haut, on est très bien; mais en dessous, c’est le grouillement. Quand X. vient, c’est justement tout ce grouillement qui devient sensible.

Il faut que la maîtrise soit une vraie maîtrise, une maîtrise très humble, très austère, qui part de tout en bas et qui, pas à pas, établit le contrôle. En fait, c’est une bataille contre des petites choses, toutes petites: des habitudes d’être, des façons de penser, de sentir, de réagir.

Quand cette maîtrise tout en bas s’alliera à la conscience tout en haut, alors on pourra vraiment commencer à faire du travail – pas seulement du travail sur soi mais du travail pour tous.

 

1 Le gourou tantrique.

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2 Tamas: inertie. Plus tard, Mère allait s’apercevoir que ce n’était pas du tamas mais autre chose.

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Sans date (juin 1958)

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

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(Au moment de publier dans le «Bulletin» de l’Ashram l’Entretien suivant, du 19 mars 1958, Mère a rajouté certains commentaires qui rejoignent directement la précédente conversation sur le Jugement dernier et Elle y a incorporé tout un passage de la conversation de fin février 1958 à ce même sujet.)

Une chose paraît évidente, c’est que l’humanité est arrivée à un certain état de tension générale – tension dans l’effort, tension dans l’action, tension même dans la vie quotidienne –, avec une suractivité si excessive, une trépidation si généralisée, que l’ensemble de l’espèce semble être arrivé à un point où il faille faire éclater une résistance et surgir dans une conscience nouvelle, ou bien retomber dans un abîme d’obscurité et d’inertie.

Cette tension est si totale et si généralisée que quelque chose doit évidemment se briser. Cela ne peut pas continuer ainsi. On peut prendre cela comme un signe certain de l’infusion dans la matière d’un principe nouveau de force, de conscience, de pouvoir, qui, par sa pression même, produit cet état aigu. Extérieurement, on pourrait s’attendre aux vieux moyens employés par la Nature quand elle veut produire un bouleversement; mais il y a un caractère nouveau, qui n’est visible évidemment que dans une élite, mais même cette élite est suffisamment généralisée – ce n’est pas localisé en un point, un endroit du monde, on en trouve des signes dans tous les pays, sur toute la terre: la volonté de trouver une solution ascendante, nouvelle, plus haute, un effort pour surgir vers une perfection plus vaste, plus comprehensive.

Certaines idées d’une nature plus générale, plus étendue, plus collective pourrait-on dire, sont en train de s’élaborer et d’agir dans le monde. Et les deux vont de pair: une possibilité de destruction plus grande et plus totale, une invention qui augmente éperdument la possibilité de la catastrophe, une catastrophe qui serait beaucoup plus massive qu’elle ne l’a jamais été; et en même temps, la naissance, ou plutôt la manifestation d’idées et de volontés beaucoup plus hautes et plus compréhensives qui, lorsqu’elles seront entendues, apporteront un remède plus étendu, plus vaste, plus complet, plus parfait qu’auparavant.

Cette lutte, ce conflit entre les forces constructives d’évolution ascendante, de réalisation de plus en plus parfaite et divine, et des forces de plus en plus destructives – puissamment destructives, des forces d’une folie qui échappe à tout contrôle –, est de plus en plus évident, marqué, visible, et c’est une sorte de course ou de lutte à qui arrivera le premier à son but. Il semblerait que toutes les forces adverses, anti-divines, les forces du monde vital, soient descendues sur la terre, qu’elles s’en servent comme de leur champ d’action, et qu’en même temps une force spirituelle plus haute, plus puissante, nouvelle, soit aussi descendue sur la terre pour y amener une vie nouvelle. Cela rend la lutte plus aiguë, plus violente, plus visible, mais il semble aussi, plus définitive, et c’est pourquoi l’on peut espérer arriver à une solution prochaine.

Il y avait un temps, pas si lointain, où l’aspiration spirituelle de l’homme était tournée vers une paix silencieuse, inactive, détachée de toutes les choses de ce monde, une fuite hors de la vie, justement pour éviter le combat, pour monter au-dessus de la lutte, pour se libérer de l’effort; c’était une paix spirituelle où, avec la cessation de la tension, de la lutte, de l’effort, cessait aussi la souffrance sous toutes ses formes, et c’était considéré comme la vraie, l’unique expression de la vie spirituelle et divine. C’était cela que l’on considérait comme la grâce divine, l’aide divine, l’intervention divine. Et encore maintenant, à cette époque d’angoisse, de tension, de surtension, cette paix souveraine est de toutes les aides la mieux reçue, la bienvenue, le soulagement que l’on demande et que l’on espère. Encore, pour beaucoup, c’est le vrai signe de l’intervention divine, de la grâce divine.

En fait, quoi que l’on veuille réaliser, il faut commencer par établir cette paix, parfaite et immuable, c’est la base sur laquelle on doit travailler; mais à moins que l’on ne songe à une libération exclusive, personnelle et égoïste, on ne peut pas s’en tenir là. Il y a un autre aspect de la grâce divine, l’aspect de progrès qui remportera la victoire sur tous les obstacles, l’aspect qui projettera l’humanité dans une réalisation nouvelle, qui ouvrira les portes d’un monde nouveau, qui fera que non seulement quelques élus pourront bénéficier de la réalisation divine, mais que leur influence, leur exemple, leur pouvoir, apportera au reste de l’humanité une condition nouvelle et meilleure.

Cela ouvre des routes de réalisation dans l’avenir, des possibilités qui sont déjà prévues, où toute une partie de l’humanité, toute celle qui s’est ouverte consciemment ou inconsciemment aux forces nouvelles, sera comme soulevée vers une vie plus haute, plus harmonieuse, plus parfaite... Si les transformations individuelles n’y sont pas toujours permises ni possibles, il y aura une sorte de soulèvement de l’ensemble, d’harmonisation du tout, qui fera qu’un ordre nouveau, une harmonie nouvelle pourront s’établir et que l’angoisse du désordre et des luttes actuelles pourra disparaître et être remplacée par un ordre pour permettre un fonctionnement harmonieux du tout.

Il y aura d’autres conséquences, qui tendront par un moyen opposé à faire disparaître ce que l’intervention du mental dans la vie a créé de perversion, de laideur, tout un ensemble de déformations qui ont aggravé la souffrance, la misère, la pauvreté morale, toute une zone de misère sordide et repoussante qui fait de toute une part de la vie humaine quelque chose de si effroyable. Ça, cela doit disparaître. Ça, c’est ce qui fait que l’humanité, sur tant de points, est infiniment inférieure à la vie animale dans sa simplicité et dans ce qu’elle a de spontanément naturel, d’harmonieux malgré tout. Jamais la souffrance chez les animaux n’est aussi misérable, sordide, qu’elle ne l’est dans toute une section de l’humanité qui a été pervertie par l’emploi d’une mentalité exclusivement utilisée pour des besoins égoïstes.

Il faut monter au-dessus, surgir dans la Lumière et l’Harmonie, ou retomber au-dessous dans la simplicité d’une vie animale et saine, sans perversion.

(Après un temps de silence, Mère ajoute ceci:)

Mais ceux qui ne pourront pas être soulevés, ceux qui se refusent au progrès, perdront automatiquement l’usage de la conscience mentale et retomberont à un échelon infra-humain.

Je vais te dire une expérience qui m’est venue et qui t’aidera à mieux comprendre. C’était peu de temps après l’expérience supramentale du 3 février et j’étais encore dans cet état où les choses du monde physique semblaient si loin, si absurdes. Un groupe de visiteurs avait demandé la permission de me saluer et ils sont venus un soir au Terrain de Jeu. C’étaient des gens riches, c’est-à-dire qu’ils avaient plus d’argent qu’il ne leur en fallait pour vivre. Parmi eux, il y avait une femme en sari; elle était très grosse, son sari était arrangé de manière à cacher son corps. Quand elle a voulu se pencher pour recevoir mes bénédictions, un coin du sari s’est ouvert, découvrant une partie du corps, un ventre nu. Un ventre énorme. J’ai reçu cela comme un choc... Il y a des gens obèses qui n’ont rien de répugnant, mais j’ai vu tout à coup la perversion, la pourriture que cachait ce ventre, c’était comme un énorme abcès qui exprimait l’avidité, le vice, la dépravation du goût, le désir sordide et qui se satisfait comme aucun animal ne le ferait, avec grossièreté, et surtout avec perversité. J’ai vu la perversion d’un mental dépravé mis au service des appétits les plus bas. Alors tout d’un coup, quelque chose a jailli de moi, une prière, comme un Véda: «O Seigneur, c’est cela qui doit disparaître!»

On comprend très bien que la misère physique, l’inégalité de la répartition des biens de ce monde, pourrait être changée, on imagine des solutions économiques et sociales qui pourraient y remédier, mais cette misère-là, la misère mentale, la perversion vitale, c’est cela qui ne peut pas changer, qui ne veut pas changer. Et ceux qui appartiendront à cette sorte d’humanité, d’avance ils sont condamnés à la désintégration.

C’est cela, le sens du péché originel: la perversion qui a commencé avec le mental.

La partie de l’humanité, de la conscience humaine, qui est capable de s’unir au supramental et de se libérer, sera complètement transformée: elle avance vers une réalité future qui n’est pas encore exprimée dans sa forme extérieure; la partie qui est toute proche de la simplicité animale, de la Nature, sera réabsorbée dans la Nature et étroitement assimilée. Mais cette partie corrompue de la conscience humaine, qui par son mauvais usage du mental permet la perversion, sera abolie.

Cette sorte d’humanité fait partie d’un essai infructueux – à supprimer. Comme il y a eu d’autres espèces avortées qui ont disparu au cours de l’histoire universelle.

Certains prophètes du passé ont eu cette vision apocalyptique, mais comme d’habitude les choses ont été mélangées, et ils n’ont pas eu, en même temps que leur vision de l’apocalypse, la vision du monde supramental qui viendra soulever la partie consentante de l’humanité et transformer ce monde physique. Alors, pour donner un espoir à ceux qui sont nés là-dedans, dans cette partie pervertie de la conscience humaine, ils ont enseigné la rédemption par la foi: ceux qui ont foi en le sacrifice du Divin dans la matière seront automatiquement sauvés, dans un autre monde – la foi toute seule, sans la compréhension, sans l’intelligence. Ils n’ont pas vu le monde supramental, ni que le grand Sacrifice du Divin dans la matière est celui de l’involution qui doit aboutir à la totale révélation du Divin dans la matière elle-même.

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15 novembre 1960

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

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Je ne sais pas si c’est la visite de Z1 ou si, simplement, le temps était venu et que les choses ont concordé (parce que généralement c’est comme cela), mais tout un passé est ressorti – qui n’est pas un passé purement personnel: les contacts que j’ai eus autrefois, tout un ensemble de choses qui représentent non pas une vie individuelle mais une vie un peu collective (comme on l’est toujours: on est toujours une collectivité mais on ne s’en aperçoit pas; si on retranchait quelque chose, ça déséquilibrerait tout). Tout un ensemble de choses qui étaient absolument nettoyées complètement du souvenir (ça devait être enfoui quelque part dans le subconscient, le semi-conscient; enfin plus inconscient que le subconscient) et c’est tout remonté, oh! des choses, des choses... Si on m’avait demandé: «Vous vous souvenez de cela?» il y a seulement quinze jours, j’aurais dit: «Non, pas du tout!» Et c’est revenu de tous les côtés, oh! de telles pauvretés! (des pauvretés dans le sens conscience, expérience, activité) et tellement gris, tellement neutre, tellement plat! Et ce matin (c’était ce matin même, pendant que je me préparais pour le balcon), je me disais: est-ce que c’était possible de vivre comme ça!

Et alors c’était si clair que, derrière tout cela, il y avait toujours la même Présence, lumineuse, qui est partout, toujours, qui veillait sur tout.

Et j’ai regardé maintenant, la vie, les choses, l’ensemble, les gens, et j’ai vu que c’était identiquement la même chose, vu de ça, vu de cette conscience-là: si terne, si neutre, si insipide, si gris, sans intérêt, sans vie... oh! mais c’est toute la vie, quelle qu’elle soit, qui est comme cela, vue de cette conscience-là!

Alors j’ai compris que ça doit correspondre à un certain domaine d’expérience; j’ai compris tous ces gens qui disent: «Si ça ne peut pas être autrement que ça, que comme ça, alors...» (cette opposition, cet abîme entre une vie vraie, une conscience vraie, une activité vraie, quelque chose de vivant, de puissant, de réalisateur, et la vie telle qu’elle est maintenant), s’il y a toujours cette différence entre l’expression physique telle qu’elle est, telle qu’elle peut être dans les conditions actuelles, et la vraie vie, alors... Puisque malgré tout, avec cet écart formidable dans mon existence (ces souvenirs remontaient à quelque chose comme soixante ans), avec tout l’effort ascendant évolutif que j’ai fait depuis ce moment-là dans la Matière (je ne dis pas en laissant la Matière, je dis dans la Matière, dans l’action), si ça ne vous mène pas plus loin que cet écart-là entre la conscience véritable et la réalisation matérielle possible, alors on comprend – on comprend les gens qui disent: «C’est sans espoir.» (Naturellement ça n’a pas de sens pour moi le «sans espoir».)

Mais j’ai... (comment dire?) j’ai vécu leur expérience, j’ai vécu ça; et même les événements qui semblent extraordinaires, vus de loin et tels qu’ils apparaissent aux autres, même les choses historiques ou qui ont aidé à la transformation de la terre, aux bouleversements – n’est-ce pas, les grands événements, les grandes œuvres comme on les appelle –, c’est tissé de la même étoffe, c’est la même chose! Quand on voit de loin dans l’ensemble, ça peut faire de l’effet, mais la vie de chaque minute, de chaque heure, de chaque seconde est tissée de cette même étoffe, terne, neutre, insipide, sans vie vraie – seulement une réflexion de vie, une illusion de vie –, sans puissance, sans lumière et sans rien qui ressemble le moins du monde à de la joie. Oh!... si ça doit rester toujours comme ça, alors on n’en veut pas.

Voilà l’impression.

C’est parce que je sais que ça peut et que ça doit devenir autre chose, alors là c’est différent; alors toute cette Conscience qui est là, dans laquelle on est et qui a cette vision du monde, c’est cela qui doit venir et qui doit se manifester dans la vibration de chaque seconde – pas dans un ensemble qu’on voit de loin et qui vous paraît intéressant, mais dans la vibration de chaque seconde, dans la conscience de chaque minute, c’est là que ça doit venir, autrement...

(silence)

Ceux qui ne savent pas – ou à qui il n’a pas été montré ou révélé que l’on va vers autre chose, et que ce sera autre chose –, comme je les comprends!... C’est une telle sensation d’inutilité, de stupidité, de futilité, et puis absolument sans aucun... aucune intensité, aucune vie, aucune réalité, aucune ardeur, aucune âme – pouah! c’est dégoûtant.

Tout ça, c’est remonté et je me suis dit: comment est-ce possible?... Parce que, quand je vivais cela à cette époque-là (maintenant je suis en dehors des choses: je les fais mais je suis tout à fait en dehors, alors ça ne m’occupe pas; elles sont comme ceci, comme cela, ça n’a aucune espèce d’importance: je suis en train de faire mon travail, c’est tout), mais de ce temps-là, j’étais déjà consciente, mais j’étais tout de même dans ce que je faisais, dans une certaine mesure; j’étais dans cette trame de la vie sociale (Dieu merci, ce n’était pas ici, dans l’Inde, parce que si ça avait été ici, je n’aurais pas pu! je crois que j’aurais tout cassé, même toute petite, parce que c’est encore pire que là-bas). Là-bas, il y a tout de même... c’est un peu moins serré, c’est un peu plus lâche, on peut passer entre les mailles, un peu, pour avoir un peu d’air; mais ici, d’après tout ce que j’ai su par les gens que j’ai fréquentés et par ce que Sri Aurobindo m’a dit, c’est absolument intolérable (au Japon c’est la même chose: absolument intolérable). C’est-à-dire qu’on ne peut pas faire autrement que de tout casser. Là-bas, de temps en temps, on a un souffle d’air, mais c’est encore très relatif. Et je me demandais ce matin... (parce que j’ai vécu ça pendant des années: pendant des années et des années) et c’est au moment où je me demandais: comment a-t-il été possible que je vive cela et que justement je ne donne pas des coups de pied partout? Alors immédiatement, comme je regardais ça, j’ai vu, au-dessus de ça, au-dessus de cette... (c’est pire qu’une horreur, c’est une espèce de... oh! ce n’est pas un désespoir: il n’y a même pas d’intensité de sentiment – il n’y a RIEN! C’est neutre-neutre-neutre, et gris-gris-gris, serré comme ça, une trame serrée qui ne laisse passer ni l’air ni la lumière ni la vie – il n’y a rien), et alors immédiatement, j’ai vu, au-dessus, c’était une splendeur de lumière si douce – si douce, si pleine du vrai amour, de la vraie compassion, de quelque chose qui est si chaud, si chaud... le réconfort, le réconfort d’une éternité de douceur, de lumière, de beauté, dans une éternité de patience qui ne sent pas, ni le temps passé, ni l’inanité et l’imbécillité des choses – si merveilleuse! C’était tout à fait ça, je me disais: «C’est ça qui t’a fait vivre, sans ça tu n’aurais pas pu.» Oh! j’aurais pas pu – j’aurais pas pu vivre trois jours! C’est ça qui est là, toujours là, attendant son heure, qu’on veuille bien le laisser entrer.

(silence)

Et c’est la même chose; seulement maintenant je suis là (Mère fait un geste au-dessus de la tête), c’est là que je suis et c’est une autre affaire.

Ce n’est plus d’ici qu’on regarde en l’air, c’est de là-haut qu’on... on regarde comme si chaque regard sur chaque chose établissait un contact.

Ce matin au balcon, c’était ça.

Ce temps de pluie est tellement expressif de cet état de choses. C’était comme cela: dans cette grisaille interminable, une descente de douceur lumineuse (douceur n’est pas le vrai mot, il doit y avoir un mot sanscrit, mais c’est tout ce qu’on a!...) inlassablement.

*
*   *

Un peu plus tard, au cours de la conversation, Mère reprend le même thème:

Les choses ont commencé le jour où j’ai reçu la nouvelle que Z. arrivait. Je me suis dit: «Bon! voilà un morceau de vie qu’on me remet à clarifier. Il faut travailler là-dessus.» Et cela ne s’est pas arrêté là... C’est étrange comme tout ce passé avait été nettoyé: je ne savais plus les dates, je ne savais plus à quel moment Z. était ici, je ne savais plus les événements, tout ça était nettoyé – c’est-à-dire que ça avait été renvoyé dans le subconscient. Même je ne savais plus comment je lui parlais quand je le voyais, rien, c’était tout à fait parti. Il n’y avait qu’un ou deux mouvements ou faits qui étaient clairement branchés sur la vie psychique, la conscience psychique, alors ça c’était resté vivant – mais juste un ou deux ou trois souvenirs comme cela; tout le reste était parti.

Cette tranche-là est revenue; mais ça ne s’est pas arrêté là! Ça se prolonge, et de plus en plus, et ça va, des choses qui remontent à soixante ans maintenant, des choses de par-delà aussi, de soixante-dix ans, soixante-quinze ans, qui reviennent. Et alors il faut remettre tout ça en ordre.

Et c’est très curieux, ce qui m’a intéressée le plus, c’est que ce n’est pas une conscience personnelle, ce n’est pas «quelqu’un qui se souvient de sa vie»: ce sont des morceaux, des morceaux de construction de vie, un ensemble de gens et de circonstances qui viennent comme cela. Et c’est tellement clair qu’il est impossible de séparer l’individualité de tout ce qui est autour! Ça se tient comme... (si on change quelque chose, on change tout), ça se tient comme une masse agglomérée.

J’avais découvert cela de l’autre façon autrefois. Tout au début, quand je commençais à avoir la conscience de l’immortalité et que je mettais en présence cette vraie conscience de l’immortalité et la conception humaine de l’immortalité (ce qui est tout à fait différent), je voyais si clairement que l’être (même un être tout à fait ordinaire et qui n’est pas en soi une collectivité, comme le serait un écrivain, par exemple, un philosophe ou un chef politique), quand il se prolonge par l’imagination dans ce qu’il appelle «l’immortalité» (c’est-à-dire une durée indéfinie), ce n’est pas lui tout seul qui se prolonge: c’est toujours, nécessairement, tout un agglomérat, une collectivité, un ensemble de choses qui représente la vie et la conscience qu’il a dans son existence présente. Et alors j’ai fait cette expérience avec pas mal de gens; je leur ai dit: «Pardon, admettez que, par une discipline particulière ou une grâce particulière, votre vie se prolonge indéfiniment; nécessairement ce sont les circonstances dans lesquelles vous vivez, cette formation que vous avez faite autour de vous et qui est constituée par des gens, des rapports, des activités et tout un ensemble de choses plus ou moins vivantes ou inertes – c’est ça que vous prolongez. Mais ça ne peut pas se prolonger comme ça! parce que tout change constamment. Et il faut que vous suiviez, pour pouvoir être immortel, que vous suiviez ce changement perpétuel; autrement naturellement il arrive ce qui arrive maintenant: un jour vous mourez, parce que vous ne pouvez pas suivre. Donc, si vous suivez, tout ça tombera de vous! Comprenez que ce qui se prolongera, c’est quelque chose de vous que vous ne connaissez pas très bien, mais qui est la seule chose qui puisse se prolonger – et tout le reste va tomber tout le temps... Est-ce que vous tenez encore à être immortel?» – Il n’y en a pas un sur dix qui m’ait dit oui!... Je suis arrivée à leur faire sentir la chose concrètement, alors ils vous disent: «Ah! non! Ah! non, on peut aussi bien changer de corps alors, puisque tout le reste change! qu’est-ce que ça peut bien nous faire!» Mais la chose qui reste, c’est ça; c’est ça qu’il faut tenir à garder vraiment; mais pour cela il faut que ce soit ça qui soit vous, pas tout cet ensemble. Ce que vous appelez «vous» maintenant, ce n’est pas ça, c’est tout un ensemble de choses!

Cela, c’était le premier pas autrefois (il y a bien longtemps). Maintenant, n’est-ce pas, c’est tellement autre chose... On se demande comment il est possible d’avoir été dans un aveuglement aussi total, d’avoir pu appeler ça «soi» à n’importe quel moment de sa vie! C’est un ensemble de choses... Et quelle était la relation pour qu’on appelle ça «soi»? – C’est plus difficile à trouver. Seulement, quand on monte là-haut, alors on s’aperçoit: mais ça, ça travaille là, et ça pourrait travailler là, ça pourrait travailler là, et ici et ici... Tout d’un coup, quelquefois, il y a comme une goutte de quelque chose (oh! j’ai vu ça ce matin – c’était comme une goutte, une petite goutte, mais d’une lumière si intense et si parfaite...), alors là où ça tombe, là ça fait son centre et ça commence à rayonner et à agir. Et c’est ça qu’on peut appeler «moi» – rien d’autre. Et justement dans des circonstances si effroyablement inintéressantes, si inexistantes, c’est ça qui a permis de vivre. Et alors quand on est ça, à ce moment-là on voit comment, non seulement dans ce corps mais dans tous les corps et à travers tout le temps, comment ça, ça a vécu et ça s’est servi de tout.

Au fond ça, c’est l’expérience; ce n’est plus la connaissance. Je comprends maintenant clairement la différence entre cette connaissance que l’on a de l’âme éternelle, de la vie éternelle à travers tous les changements, et cette expérience concrète de la chose.

C’est très émouvant.

C’est curieux ce matin... Je suis arrivée quelques minutes en retard (j’ai accusé les pendules qui ne marchaient pas, mais ce n’étaient pas les pendules qui étaient responsables!) J’étais en train de faire ma toilette, et puis, tout ça est venu comme cela – il y a eu un moment... peut-être une ou deux minutes, ou quelques minutes, pas beaucoup – oh! l’émotion de l’expérience était... était très absorbante.

Ce n’était plus ça (c’est-à-dire la vie telle qu’elle est sur la terre) qui prenait conscience de Ça (c’est-à-dire l’âme éternelle, cette «portion du Suprême» comme dit Sri Aurobindo): c’était l’âme éternelle qui voyait la vie... à sa manière – mais sans séparation, sans séparation, pas comme quelque chose qui regarde d’en haut et qui se sent autre chose... Comme c’est drôle! ce n’est pas autre chose, ce n’est pas autre chose; ce n’est même pas une déformation, même pas... Cela perd ce caractère d’illusion que l’on décrit dans les vieilles spiritualités – ce n’est pas ça! Il y avait là justement, dans mon expérience, une... une émotion – je ne peux pas dire, il n’y a pas de mots. Ce n’était pas un sentiment, c’était quelque chose comme une émotion, c’était une vibration... à la fois de proximité si totale et d’une compassion, d’une compassion d’amour (oh! que les mots sont misérables!...) L’un était cette chose extérieure, qui était à la fois la négation totale de l’autre et en même temps l’autre, sans-sans séparation. C’était l’autre. Et ça faisait naître dans l’autre ce que ça faisait naître dans l’un, dans cette lumière éternelle. C’était justement cette douceur d’identité; d’identité qui était nécessairement une compréhension si totale avec un amour si parfait – mais «amour» est pauvre et tous les mots sont pauvres! c’est pas ça! c’est quelque chose d’autre. C’est quelque chose qui ne peut pas se dire.

Ça, je l’ai vécu ce matin, là-haut.

Et ce corps est... oh! comme il est faible et pauvre: tout ce qu’il trouve pour exprimer c’est seulement les yeux qui se mouillent! Pourquoi? – On ne sait pas.

Il y a beaucoup à faire encore pour que ce soit assez fort pour vivre ça.

C’était encore là quand je suis venue au balcon, quelque chose qui est comme une douceur... Et alors l’idée que les gens, les choses, la vie, tout ça est «différent», c’est impensable! On ne peut pas. Même la pensée est une drôle de chose!

(silence)

J’ai souvent de la difficulté à quitter le balcon. Et c’est seulement encore ce même Monsieur... (tu sais, le «censeur») qui vient me dire: «Tu les tiens comme ça, là, dehors sous la pluie, parce que toi, tu es dans une extase; tu les laisses là, comme ça, à se tremper et à attraper le torticolis en regardant en l’air, est-ce que tu ne vas pas les laisser partir!» – Alors quand il insiste trop, je m’en vais!

Peut-être que c’est pour cela qu’il est encore là, autrement si j’oubliais... (Mère rit)

 

1 Conversation du 8 novembre, le disciple «artiste» aux mœurs un peu relâchées.

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