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Volume 4 — 1963

Mère l'Agenda Volume 4 — 1963

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6 mars 1963

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

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(À propos d'un ancien Entretien du 4 décembre 1957 où Mère demande: «Y aura-t-il un passage progressif entre ce que nous sommes maintenant et ce que notre esprit intérieur aspire à devenir, ou est-ce qu'il y aura une rupture, c'est-à-dire que nous serons obligés de laisser tomber cette forme humaine actuelle pour attendre l'apparition d'une forme nouvelle – apparition dont nous ne prévoyons pas le procédé et qui n'aura aucun rapport avec ce que nous sommes maintenant? Pouvons-nous espérer que ce corps, qui est maintenant notre moyen de manifestation terrestre, aura la possibilité de se transformer progressivement en quelque chose qui pourra exprimer une vie supérieure, ou est-ce qu'il faudra abandonner cette forme totalement pour entrer dans une autre qui n'existe pas encore sur la Terre?» Mère ajoute:)

Pourquoi pas les deux?

Les deux seront en même temps; l'une n'exclut pas l'autre.

Oui, mais est-ce que c'est l'une qui se transformera en l'autre?

L'une se transformera et sera comme une ébauche de l'autre. Et l'autre, parfaite, apparaîtra quand celle-ci sera en existence. Parce que les deux choses ont leur beauté et leur raison d'être, par conséquent elles seront là toutes les deux.

Le mental essaie toujours de choisir, de décider – ce n'est pas comme cela. Même tout ce que nous pouvons imaginer est beaucoup moins que ce qui sera. À dire vrai, chacun qui a une aspiration intense et une certitude intérieure sera appelé à la réaliser.

Partout, dans tous les domaines et toujours et éternellement, tout sera possible. Et tout ce qui est possible, tout, SERA à un moment donné – à un moment donné plus ou moins prolongé, mais tout sera.

De même qu'on a trouvé toutes sortes de possibilités entre les animaux et l'homme, qui ne sont pas restées, de même il y aura toutes sortes de possibilités: chacun essaiera à sa manière. Et tout ça ensemble aidera à préparer la réalisation future.

La question que l'on pourrait poser: est-ce que l'espèce humaine sera comme certaines espèces qui ont disparu de la terre? – Certaines espèces ont disparu de la terre (mais pas des espèces qui ont duré aussi longtemps que l'espèce humaine, je ne pense pas (?) et justement pas les espèces qui avaient en elles ce germe de progrès, cette possibilité de progrès). On a plutôt l'impression que l'évolution suivra une courbe qui se rapprochera de plus en plus d'une espèce supérieure, et peut-être tout ce qui est encore trop près des espèces inférieures tombera, comme ces espèces sont tombées.

On oublie toujours que non seulement tout est possible – tout, même les choses les plus contradictoires –, mais que tous les possibles ont au moins un moment d'existence.

*
*   *

(Peu après, Mère passe à la préparation des Aphorismes pour le prochain «Bulletin»:)

84 – Le surnaturel est un naturel que nous n'avons pas encore atteint ou que nous ne connaissons pas encore, ou dont nous n'avons pas encore conquis les moyens d'accès. Le goût du miracle, si répandu, est le signe que l'ascension de l'homme n'est pas encore terminée.

85 – Il est rationnel et prudent de se méfier du surnaturel; mais y croire aussi est une sorte de sagesse.

86 – De grands saints ont accompli des miracles; de plus grands saints les ont raillés; les plus grands d'entre eux les ont à la fois raillés et accomplis.

87 – Ouvre les yeux et vois ce qu'est réellement le monde et ce qu'est Dieu; débarrasse-toi des imaginations vaines et plaisantes.

Tu as des questions?

Oui, il y a deux sortes de questions...

Il y a deux choses très différentes.

D'abord on peut se demander: qu'est-ce qu'un miracle? Parce que souvent Sri Aurobindo a dit qu'il n'y a «pas de miracle», et en même temps, dans «Savitri», par exemple, il dit: «Tout est miracle ici-bas et par miracle peut changer»?1

Ça dépend comment on regarde: de ce côté-ci ou de ce côté-là.

On appelle miracle seulement les choses dont l'explication n'est pas claire, dont on n'a pas l'explication mentale. De ce point de vue, on peut dire qu'il y a une quantité innombrable de choses qui arrivent et qui sont des «miracles», parce qu'on ne peut expliquer ni le comment ni le pourquoi.

Qu'est-ce qui serait un vrai miracle?

Je ne vois pas ce qui peut être un vrai miracle, parce que qu'est-ce qu'un miracle, alors?

Un vrai miracle... Ce n'est que le mental qui a la notion de miracle, parce que le mental décide, avec sa logique propre, qu'étant donné ceci et cela, telle autre chose peut ou ne peut pas être. Mais ça, ce sont toutes les limitations du mental. Parce que, au point de vue du Seigneur, comment peut-il y avoir un miracle? – Tout est Lui-même qu'il objective.

Alors nous entrons dans le grand problème de la route suivie, cette Route éternelle comme l'explique Sri Aurobindo dans Savitri, Naturellement, on conçoit que ce qui s'est objectivé en premier est ce qui avait le goût de l'objectivation. La première chose à admettre, et qui paraît logique avec le principe de l'évolution, c'est que l'objectivation est progressive, elle n'est pas totale éternellement... (silence) C'est très difficile à dire parce que nous ne pouvons pas sortir de notre habitude de concevoir que c'est une quantité définie qui se déroule indéfiniment, et que ce n'est qu'avec une quantité définie qu'il peut y avoir un commencement. Nous avons toujours (au moins dans notre façon de parler) l'idée d'un «moment» (riant) où le Seigneur décide de s'objectiver. Et comme cela, l'explication est facile: Il s'objective graduellement, progressivement, ce qui donne une évolution progressive. Mais c'est seulement une façon de dire. Parce qu'il n'y a pas de commencement, il n'y a pas de fin, et pourtant il y a une progression. Le sens de la succession, le sens de l'évolution, le sens du progrès, n'existe qu'avec la Manifestation. C'est seulement si on parle de la terre que l'on peut expliquer très véridiquement et rationnellement, parce que la terre a un commencement – pas dans son âme, mais dans sa réalité matérielle.

Probablement aussi, un univers matériel a un commencement.

(silence)

Et si on regarde comme cela, un miracle serait, pour un univers, l'intrusion soudaine de quelque chose venant d'un autre univers. Et pour la terre (qui réduit le problème à quelque chose de très compréhensible), un miracle est l'intrusion subite de quelque chose qui n'appartenait pas à la terre – ça fait un changement radical et immédiat par l'entrée d'un principe qui n'appartenait pas à ce monde physique qu'est la terre.

Mais là encore, il est dit qu'au centre même de chaque élément tout est, en principe; alors même ce miracle-là n'est pas possible.

On peut dire que le sens du miracle n'appartient qu'à un monde fini, qu'à une conscience finie, qu'à une conception finie. C'est l'entrée – l'intrusion, l'intervention, la pénétration – subite, sans préparation, de quelque chose qui n'existait pas dans ce monde physique. Alors évidemment, toute manifestation d'une volonté ou d'une conscience qui appartient à un domaine plus infini et plus éternel que la terre est nécessairement un miracle sur la terre. Mais si on sort du monde fini et de la compréhension du monde fini, le miracle n'existe pas. Le Seigneur peut jouer au miracle, si ça l'amuse, mais il n'y a pas de miracle – Il joue à tous les jeux possibles.

On ne peut commencer à Le comprendre que quand on sent comme cela, qu'il joue à tous les jeux possibles – et «possible» ne veut pas dire possible selon la conception humaine, mais possible selon Sa conception à Lui!

Et là, il n'y a pas de place pour le miracle, à moins d'avoir l'air d'être un miracle.

(silence)

Si, au lieu d'une lente évolution, ce qui appartient au monde Supramental apparaissait subitement... ça, l'homme en tant qu'être mental, même dans la perfection de sa mentalité, de son domaine mental, peut l'appeler miracle, parce que c'est l'intervention de quelque chose qu'il ne porte pas consciemment en lui-même et qui intervient dans sa vie consciente. Et en fait, si on regarde ce goût du miracle, qui est très fort (beaucoup plus fort chez les enfants ou chez les cœurs qui sont restés enfants que chez les êtres très mentalisés), c'est la foi dans la réalisation de l'aspiration au Merveilleux, de ce qui est supérieur à tout ce que l'on peut espérer de la vie normale.

Au fond, on devrait toujours, dans l'éducation, encourager les deux tendances parallèlement: la tendance à avoir soif du Merveilleux, de ce qui paraît irréalisable, de quelque chose qui vous remplit d'un sentiment de divinité, tout en encourageant en même temps, dans la perception du monde tel qu'il est, l'observation exacte, correcte, sincère, l'abolition de toute imagination, le contrôle constant, le sens le plus pratique et le plus minutieux dans l'exactitude des détails. Il faudrait que les deux marchent parallèlement. Généralement, on tue l'un avec l'idée que c'est nécessaire pour faire croître l'autre – c'est tout à fait une erreur. Les deux peuvent être simultanés, et il y a un moment où la connaissance est suffisante pour savoir que ce sont deux aspects d'une même chose, qui est la clairvoyance, un discernement supérieur. Mais au lieu d'une clairvoyance et d'un discernement limités, étroits, le discernement devient tout à fait sincère, correct, exact – mais il est immense et il inclut tout un domaine qui n'appartenait pas encore à la Manifestation concrète.

Au point de vue éducatif, ce serait très important.

Voir le monde tel qu'il est, exactement, crûment, de la façon la plus terre-à-terre et concrète, et voir le monde tel qu'il peut être, avec la vision la plus libre, la plus haute, la plus pleine d'espoir et d'aspiration et d'une certitude merveilleuse, comme les deux pôles du discernement. Tout ce que nous pouvons imaginer de plus splendide, de plus merveilleux, de plus puissant, de plus expressif, de plus total, n'est rien en comparaison de ce que cela peut être, et en même temps, notre exactitude minutieuse du détail le plus minime n'est jamais suffisamment exacte. Et les deux doivent aller ensemble. Quand on sait ça (geste en bas) et qu'on connaît Ça (geste en haut), on est capable de mettre les deux ensemble.

Et c'est le meilleur usage possible du besoin de miracles. Le besoin de miracles est un geste d'ignorance: «Oh! je voudrais que ce soit ainsi!» C'est un geste d'ignorance et d'impuissance. Et alors ceux qui disent: «Vous vivez dans le miracle», ce sont ceux qui ne connaissent que le bout en bas (et encore ne le connaissent-ils qu'imparfaitement) et qui n'ont aucun contact avec autre chose.

Il faut changer ce besoin de miracles en une aspiration consciente vers quelque chose – qui est déjà, qui existe – et qui sera manifesté avec L'aide de toutes ces aspirations: toutes ces aspirations sont nécessaires, ou, si l'on regarde d'une façon plus vraie, sont un accompagnement – un accompagnement agréable – dans le déroulement éternel.

Au fond, les gens d'une logique très sévère vous disent: «Pourquoi prier? Pourquoi aspirer, pourquoi demander? Le Seigneur fait ce qu'il veut et Il fera ce qu'il veut.» C'est de toute évidence, il n'est pas besoin de le dire, mais cet élan: «Seigneur, manifeste-Toi!», ça donne une vibration plus intense à Sa Manifestation.

Autrement Il n'aurait jamais fait le monde comme il est – il y a une puissance spéciale, une joie spéciale, une vibration spéciale dans cette intensité d'aspiration du monde pour redevenir ce qu'il est.

Et c'est pour cela – «pour cela» en partie, fragmentairement – qu'il y a une évolution.

Un univers éternellement parfait, manifestant éternellement l'éternelle perfection, manquerait de la joie du progrès. C'est une chose que je sens très intensément. Très intensément. Parce que nous ne voyons pas plus loin que le bout de notre nez, même pas une seconde de l'Infini, et que cette seconde ne contient pas tout ce que nous voulons sentir et savoir, nous nous plaignons et disons: «Ah! non! ce monde n'est pas bien.» Mais si nous sortons de notre seconde et que nous entrions dans le Tout, tout de suite on sent d'une façon si intense tout ce que ce besoin de progrès a apporté à la Manifestation.

Et encore... c'est encore limité à l'instrument qui reçoit. Il y a un moment où même la Force créatrice de cet univers-ci se sent tout d'un coup toute petite si Elle ne se fond pas, ne s'unit pas à la Force créatrice de tous les autres univers.

Il y a, là aussi, une ascension ou une progression constante dans l'identification.

(Mère se retourne soudain vers le disciple)

Tu ne vas pas raconter tout ça!?

Mais... Mais si!

(Riant) Non, tu coupes toute la fin.

Maintenant, nous n'avons plus le temps, autrement peut-être t'aurais-je posé une question.

Dis. Quelle question?

Pourquoi Sri Aurobindo ou toi n'avez-vous pas utilisé davantage le miracle comme un moyen de vaincre les résistances dans les consciences humaines extérieures? Pourquoi cette espèce d'effacement vis-à-vis de l'extérieur, de non-intervention, si on peut dire, ou de discrétion?

Pour Sri Aurobindo, je sais seulement ce qu'il m'a dit plusieurs fois: les gens n'appellent «miracle» que des interventions dans le monde matériel ou dans le monde vital. Et ces interventions sont toujours mélangées à des mouvements d'ignorance ou d'arbitraire.

Mais le nombre de miracles dans le Mental que Sri Aurobindo a faits est incalculable; mais naturellement c'était seulement si l'on avait une vision très droite, très sincère, très pure, qu'on pouvait le voir – moi, je le voyais. Il y en a d'autres qui l'ont vu. Mais il se refusait (ça, je le sais), il se refusait à faire aucun miracle vital et matériel, à cause de ce mélange.

Mon expérience est ainsi: c'est que dans l'état où le monde est maintenant, un miracle direct (matériel ou vital) doit tenir nécessairement compte d'une quantité d'éléments mensongers que l'on ne peut pas admettre – ce sont nécessairement des miracles mensongers. Et ça, on ne peut pas l'admettre. Pour moi, je m'y suis toujours refusée. J'ai vu ce que les gens appellent des «miracles», j'en ai vus avec Madame Théon, par exemple, mais ça admettait qu'un tas de choses aient le droit d'être, qui pour moi sont inadmissibles.

Je ne sais pas si c'est ça, je ne sais pas si simplement c'était parce que ça ne devait pas être. C'est tout.

J'aurais beaucoup de choses à dire, mais... En tout cas, je te les dirai peut-être un jour mais ça ne peut pas servir pour le Bulletin – ce ne sont pas des choses publiques.

Mais ce que les hommes appellent maintenant «miracle», c'est presque toujours fait par des êtres du Vital, ou par des hommes qui sont en rapport avec des êtres du Vital, et c'est mélangé – ça admet la réalité de certaines choses, la vérité de certaines choses qui ne sont pas vraies. Et c'est sur cette base que ça agit. Alors c'est inacceptable.

Un autre jour je te dirai peut-être, mais ce que j'aurai à te dire personnellement sera bon pour l'Agenda, pas du tout bon pour le «Bulletin». Voilà.2

 

1 All's miracle here and can by miracle change. (i.v.85)

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2 Il existe un enregistrement de cette conversation.

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15 mai 1963

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

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88 – Ce monde fut construit par la Mort afin qu'elle puisse vivre. Voudrais-tu abolir la mort? Alors la vie périrait du même coup. Tu ne peux pas abolir la mort, mais tu peux la transformer en un mode de vie plus grand.

89 – Ce monde fut construit par la Cruauté afin qu'elle puisse aimer. Voudrais-tu abolir la cruauté? Alors l'amour périrait du même coup. Tu ne peux pas abolir la cruauté, mais tu peux la transfigurer en son contraire: un Amour et un Délice impétueux.

90 – Ce monde fut construit par l'Ignorance et par l'Erreur afin qu'elles puissent connaître. Voudrais-tu abolir l'ignorance et l'erreur? Alors la connaissance périrait du même coup. Tu ne peux pas abolir l'ignorance et l'erreur, mais tu peux les transmuer en ce qui dépasse la raison.

91 – Si la Vie existait seule, sans la mort, il ne pourrait pas y avoir d'immortalité. Si l'amour existait seul, sans la cruauté, la joie ne serait qu'un tiède ravissement éphémère. Si la raison existait seule, sans l'ignorance, notre réalisation la plus haute ne dépasserait pas un rationalisme étroit et une sagesse mondaine.

92 – Transformée, la Mort devient la Vie qui est Immortalité; transfigurée, la Cruauté devient l'Amour qui est extase intolérable; transmuée, l'Ignorance devient la Lumière qui bondit par-delà la sagesse et la connaissance.

C'est la même idée. C'est-à-dire que l'opposition et les contraires sont un stimulant du progrès. Parce que, dire que sans Cruauté, l'Amour serait tiède... le principe de l'Amour, tel qu'il est au-delà du Manifesté et du Non-Manifesté, n'a rien à voir avec la tiédeur ou la cruauté. Seulement l'idée de Sri Aurobindo, semblerait-il, est que les opposés sont le moyen le plus efficace et le plus rapide de pétrir la Matière pour qu'elle puisse intensifier sa manifestation.

Comme expérience, c'est absolument certain, en ce sens que, d'abord, quand on entre en contact avec l'Amour éternel, l'Amour suprême, immédiatement on a une... (comment appeler cela?) une perception, une sensation (ce n'est pas une compréhension, c'est quelque chose de très concret): la conscience matérielle même la plus éclairée, la plus pétrie, la plus préparée, est INCAPABLE de manifester Ça! La première impression, c'est cette espèce d'incapacité. Puis vient une expérience: justement quelque chose qui manifeste une forme de... on ne peut pas dire exactement «cruauté» parce que ce n'est pas la cruauté telle que nous la concevons; mais dans l'ensemble des circonstances, il y a une vibration qui se présente avec une certaine intensité de refus de l'amour tel qu'il est manifesté ici – c'est exactement cela, quelque chose dans le monde matériel refuse la manifestation de l'amour telle qu'elle existe maintenant (je ne parle pas du monde ordinaire, je parle de la conscience à son maximum maintenant). C'est une expérience, je parle de quelque chose qui a eu lieu. Alors la partie de la conscience qui a été touchée par cette opposition fait un appel direct à l'origine de l'Amour, AVEC UNE INTENSITÉ QU'ELLE N'AURAIT PAS EUE SANS L'EXPÉRIENCE DE CE REFUS. Il y a des limites qui se brisent, un flot qui descend, qui ne POUVAIT PAS se manifester avant, et quelque chose s'exprime qui n'était pas exprimé. Ceci s'est passé il n'y a pas très longtemps.

Et voyant ça, il y a évidemment une expérience analogue au point de vue de ce que l'on appelle la vie et la mort. C'est cette espèce de «surplombement» (ça me vient en anglais, c'est pour cela que c'est difficile), de cette présence constante de la Mort ou de la possibilité de la mort; comme il dit dans Savitri: on a un compagnon constant pendant tout le trajet entre le berceau et la tombe; on est constamment accompagné par cette menace ou cette présence de la Mort. Eh bien, il y a, avec ça, dans les cellules, une intensité d'appel à une Puissance d'Éternité, qui ne serait pas là sans cette menace constante. Et on comprend – on commence à sentir d'une façon tout à fait concrète – que toutes ces choses sont seulement des moyens d'intensifier, de faire progresser et de rendre plus parfaite la Manifestation. Et si les moyens sont grossiers, c'est parce que la Manifestation est très grossière. Et à mesure qu'elle se perfectionnera et qu'elle deviendra plus propre à manifester ce qui est ÉTERNELLEMENT PROGRESSIF, on passera des moyens très grossiers à des moyens plus subtils, et le monde progressera sans avoir besoin de ces oppositions si brutales. C'est seulement parce que le monde est dans l'enfance et que la conscience humaine est tout à fait dans l'enfance.

C'est une expérience très concrète.

Par conséquent, quand la terre n'aura plus besoin de mourir pour progresser, il n'y aura plus de mort. Quand la terre n'aura plus besoin de souffrir pour progresser, il n'y aura plus de souffrance. Et quand la terre n'aura plus besoin de haïr pour aimer, il n'y aura plus de haine.

(silence)

C'est le moyen le plus rapide et le plus efficace pour faire sortir la création de son inertie et la faire avancer vers son épanouissement.

(long silence)

Il y a un certain aspect de la création (qui est peut-être un aspect très moderne): c'est un besoin de sortir du désordre et de la confusion – de la désharmonie, la confusion. Une confusion, un désordre qui prend toutes les formes, qui se change en luttes, en efforts inutiles, en gaspillage. Cela dépend du domaine où l'on se trouve, mais matériellement, dans l'action, ce sont les complications inutiles, le gaspillage d'énergie et de matériel, la perte de temps, l'incompréhension, la mal-compréhension, la confusion, le désordre – c'est ce que dans l'ancien temps on appelait la déformation, crookedness dans les Védas (je ne sais pas l'équivalent de ce mot; quelque chose qui est tordu, qui au lieu d'aller droit au but, va par des zigzags inutiles et aigus). C'est l'une des choses les plus contraires à l'harmonie de l'action purement divine – qui est d'une simplicité!... qui paraît enfantine... directe – directe, au lieu d'être en circonvolutions absurdes et complètement inutiles. Eh bien, il est évident que c'est la même chose: ce désordre est une façon de stimuler le besoin de la simplicité pure et divine.

Le corps sent beaucoup-beaucoup que tout pourrait être si simple, si simple!

Et pour que l'être – cette espèce d'agglomérat individuel – puisse se transformer, il a justement besoin de se simplifier-simplifier-simplifier. Toutes ces complications de la Nature, que l'homme commence à comprendre maintenant et à étudier, qui sont tellement compliquées pour la moindre chose – le moindre de nos fonctionnements physiques est le résultat d'un système tellement compliqué que c'est presque impensable... certainement, il serait impossible à la pensée humaine de prévoir et de combiner toutes ces choses –, maintenant la science les découvre. Et on voit très clairement que pour que le fonctionnement puisse être divin, c'est-à-dire échapper à ce Désordre et à cette Confusion, il faut qu'il se simplifie-simplifie-simplifie.

(long silence)

C'est-à-dire que dans la Nature, ou plutôt la Nature dans sa tentative d'expression, a été obligée d'avoir recours à une complication incroyable et presque infinie pour reproduire la Simplicité première.

Et on revient à la même chose: c'est par cet excès de complication que vient la possibilité de la simplicité qui ne serait pas un vide – une simplicité pleine. Une simplicité qui contient tout, tandis que sans ces complications, la simplicité est un vide.

C'est mon expérience de ces jours-ci.

Ils sont en train de faire des découvertes comme cela. En anatomie, par exemple, ils font des découvertes pour les traitements par la chirurgie qui sont incroyables de complication! C'est comme leur division des éléments de la Matière: c'est d'une complexité! effroyable. Et ça, c'est tout avec le but, dans l'effort pour exprimer l'Unité, la Simplicité une – l'état divin.

(silence)

Peut-être que ça ira vite... Mais la question se réduit à ceci, à l'aspiration suffisante, suffisamment intense et efficace, pour attirer Ce qui peut transformer ça: la complication en Simplicité, la cruauté en Amour... et ainsi de suite.

Et ce n'est pas la peine de se plaindre et de dire que c'est dommage. Parce que c'est comme cela. Pourquoi c'est comme cela?... Probablement, quand ce ne sera plus, on saura. On pourrait dire autrement: si on le savait, ce ne serait plus.

Alors, les spéculations: «Il aurait mieux valu que ce ne soit pas», etc., tout ça, ce n'est pas pratique; ça ne sert à rien du tout, c'est inutile.

Il faut se dépêcher de faire le nécessaire pour que ce ne soit plus, c'est tout, c'est la seule chose pratique.

Pour le corps, c'est très intéressant. Mais c'est une montagne, n'est-ce pas! une montagne d'expériences, toutes petites en apparence, mais qui prennent leur place par leur multiplicité.1

 

1 Lorsque nous avons lu le texte de cette conversation à Mère, Elle a fait la remarque suivante: «Les savants vont nier, ils vont dire que je dis des bêtises; mais c'est parce que je n'emploie pas leurs mots, c'est seulement une question de vocabulaire.» (Il existe un enregistrement de cette conversation.)

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25 mai 1963

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

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(À propos d'une lettre d'un ami personnel du disciple aux Éditions du Seuil, qui lui laisse prévoir le refus du deuxième manuscrit sur Sri Aurobindo [«L'Aventure de la Conscience»]: «Je ne sais pas si P.A.L l'a lu, il ne m'en a pas encore parlé, mais dès les premières pages, j'ai senti que ce manuscrit ne serait jamais édité par le Seuil. Il a des défauts, des maladresses: mais ce n'est pas à cause de cela qu'il sera refusé...»)

Bon! (rires) On verra ce qu'ils vont dire. Ça, n'est-ce pas, pas une minute je n'ai pensé que ces gens-là pouvaient le publier – d'autres gens.

Quand NOUS l'aurons publié, je suis sûre – sûre – qu'il y aura des gens qui voudront le publier. Et puis ce n'est pas un livre qui aura du succès pendant quelque temps et puis ça tombe. Ça doit avoir une longue action.

Qu'est-ce qu'il appelle «maladresse»? – Ce que lui, n'a pas compris!

C'est un homme qui comprend bien. Il veut dire probablement du point de vue littéraire, des choses qui sont peut-être longues. Enfin, je ne sais pas, il m'écrira. Il me dira... Je serais bien curieux de savoir ce qu'il a compris. Mais c'est un homme ouvert.

Moi, j'ai plutôt l'impression que pour vraiment apprécier ce livre, il faut déjà savoir beaucoup – beaucoup plus que ce que ces gens-là ne savent.

J'ai vraiment l'impression – et c'est pour cela que ce livre intéressait tellement Sri Aurobindo et qu'il s'en est tant occupé – que c'est la façon d'expliquer la plus compréhensible pour ceux qui ont été éduqués en Europe. Ou peut-être éduqués d'une façon moderne, dans l'esprit moderne, parce que pour l'Amérique aussi, c'est très bien. Et toute la partie de l'Inde qui est sous l'influence de l'éducation anglaise, ça les mettra en contact sous un angle qui leur fera comprendre.

Pas une seconde, je n'ai pensé qu'ils publieraient ça – au fond, pour te dire la vérité, je n'en serais pas trop contente non plus! Ce n'est pas un livre pour leur «Collection». Leur Collection est beaucoup trop banale, superficielle.

De toute façon, ça n'aurait pas été pour la «Collection» parce qu'il a 300 pages et plus, et leur collection en a 150. Mais cela aurait pu être en dehors de leur collection – mais enfin ce ne sera pas... Je serais bien curieux de connaître leurs critiques.

Ah! ça, ils ne comprendront rien.

Donne-moi l'écriture.

(Mère regarde la lettre)

Oh! il est intuitif, cet homme-là. Oh! oh!

Oh! il est très bien! Beaucoup mieux que ce qu'il dit.1

*
*   *

J'aurais aimé te poser une petite question. Dans ce livre sur Sri Aurobindo, je dis en passant que les trois aspects – Transcendant, Immanent, Cosmique – correspondent probablement à la Trinité catholique, Père-Fils-St-Esprit. Pourrais-tu me dire quelle est la correspondance exacte? Le Père, on voit bien que c'est le Transcendant, mais le Fils?...

Le Fils, c'est l'Immanent.

Mais alors, ce Saint-Esprit qui descend?

Oui, je me suis demandé ça plusieurs fois.

Il y avait un temps où je le savais, c'est-à-dire que j'en ai parlé avec l'ami d'un cardinal, et c'est lui qui m'a donné l'explication en me disant que c'était cette façon de comprendre que l'on enseignait aux cardinaux d'une façon ésotérique, en leur défendant d'en jamais rien dire. On leur enseignait aussi que la Vierge était la Nature, la Mère universelle.

Mais ce St-Esprit qui descend avec des «langues de feu», le jour de la Pentecôte, qu'est-ce que c'est? Ces «langues de feu» n'ont pas l'air d'être un symbole cosmique?

Mais je ne vois pas comment le Christ serait cosmique? Tandis que c'est très clairement le dieu dans l'homme.

Et pourquoi? Le St-Esprit descend partout, ou c'est limité?

D'après la tradition, il descend le jour de la Pentecôte.

Qu'est-ce que c'est, le «jour de la Pentecôte»?

Je crois que c'est quarante jours après Pâques.

Quarante jours après la résurrection.

À ce moment-là, les douze apôtres étaient réunis et il y a eu la «descente» du St-Esprit sous forme de langues de feu.

Mais l'Immanent ne «descend» pas, mon petit!

Eh bien, oui, évidemment! Mais comment le Cosmique (en supposant que le St-Esprit soit un symbole cosmique) «descend-il» aussi? et sous forme de langues de feu?

Peut-être que l'on veut forcer la comparaison et que c'est autre chose.

(silence)

Cela pourrait plutôt faire partie de l'annonce (pas l'annonciation!) du monde nouveau – d'un monde nouveau. Le St-Esprit serait le monde qui descendra après le monde humain.

Je dis cela parce que Théon annonçait toujours l'arrivée du «monde nouveau»; il ne parlait pas de «Supramental», mais il disait: «Il y aura de nouveaux cieux et une nouvelle terre.» C'était cette explication. Alors, peut-être que, originairement, dans la religion catholique à son origine, on avait aussi l'idée que quarante jours après (ça peut vouloir dire quelque chose? peut-être 40 siècles, peut-être 40 âges), il y aura la descente du St-Esprit sous forme de flammes qui entreront dans ceux qui sont prêts. Cette explication-là me paraît plus logique.

Évidemment, l'oiseau, cette «colombe blanche» dont on parle, ce pourrait être l'Universel. Il serait manifesté ouvertement comme résultat de cette descente?

Au fond, on essaye de couper en petits morceaux les choses. C'est évidemment la manifestation, une manifestation nouvelle du Divin, et qui se produit un certain temps après que le Divin dans l'homme a ressuscité. Le Divin dans l'homme a ressuscité, c'est très clair: il est devenu conscient. Et un certain temps après (4 c'est la manifestation, 10 c'est la perfection de la manifestation), la perfection de la manifestation du Dieu ressuscité dans l'homme permet à cette chose universelle ou cosmique de se manifester. Prends-le comme cela, ça a un sens.2

Cette chose «universelle», ce serait peut-être une transformation collective. Une transformation qui n'est plus seulement individuelle – la descente du Saint-Esprit dans la collectivité?

On m'avait dit que même dans le Collège des cardinaux, les choses étaient suggérées seulement et qu'on laissait à chacun la capacité de comprendre vraiment ou pas. C'est très probable. Mais qui est-ce qui a gardé la tradition telle qu'elle est?... Nous n'en savons rien.

Enfin, comme cela, ça a un sens.3

 

1 L'enregistrement du début de cette conversation ne sera pas diffusé étant donné son caractère épisodique.

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2 Le paragraphe suivant a été rajouté par Mère plus tard.

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3 Il existe un enregistrement de cette conversation.

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28 aoűt 1963

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

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J'ai reçu une lettre d'un de mes amis éditeur. Il me dit les vraies raisons pour lesquelles on a refusé mon manuscrit sur «Sri Aurobindo ou l'Aventure de la Conscience».

Tiens-tiens!

C'est intéressant. Tu veux que je te lise ça... (le disciple lit)... «Je vous avais déjŕ confié mes prévisions pessimistes.1 Quant aux motifs de la décision, nous en revenons toujours au męme point: une volonté sincčre (mais ambiguë) d'oecuménisme, une curiosité intellectuelle plus large que profonde, permettent ŕ des mentalités comme celles qui donnent ŕ notre maison sa direction et son visage d'accorder quelque attention ŕ des exposés académiques sur des questions considérées (ŕ tort en l'occurence) comme relevant de la fameuse «spiritualité orientale». Mais, dčs qu'il s'agit d'exposés vécus de l'intérieur, les bonnes volontés rentrent dans leur coquille. La réaction s'aggrave encore si l'auteur est un «renégat», un Occidental passé ŕ l'ennemi. (Croyez bien que j'en sais quelque chose!2) J'insiste sur le fait que tout ce processus est non seulement involontaire, mais plus encore: inconscient (ce qui n'est pas une excuse, mais une circonstance aggravante). Le barrage qui se dressait devant votre premier manuscrit,3 s'est plutôt durci devant le second, nettement plus personnel, je veux dire moins «détaché», moins «objectif» encore que le premier – et plus ample. Par le biais de la littérature, vous pouviez faire passer ce que vous vouliez» Par le moyen de l'exposé direct, vous n'atteindrez – mais tant pis, ou tant mieux – que ceux qui cherchent. Notre maison et son public n'appartiennent pas, en ces matičres, ŕ la catégorie de ceux qui cherchent.»

Il est conscient!

C'est évident, je te l'ai dit tout le temps: ce n'est pas fait pour eux. Ceux qui cherchent, il n'y en a pas beaucoup.

Ceux qui cherchent... vraiment, il n'y en a pas beaucoup.

Je vois les lettres qu'on reçoit de ceux qui sont convaincus, non seulement qu'ils cherchent mais qu'ils ont trouvé... les lettres de prétendus disciples de Sri Aurobindo, qui viennent de lŕ-bas, de France, d'Allemagne, d'Angleterre – comprennent pas, ils ne comprennent pas!

Enfin ça ne fait rien, ce sera pour plus tard.

Surtout, ils croient avoir tout compris.

Ah! moins on sait, plus on croit que l'on sait.

Oui, ils savent tout, on ne peut rien leur apprendre.

Il faut qu'ils te renvoient tes manuscrits, les deux. Ce n'est pas la peine qu'ils moisissent lŕ-bas.

Mais on ne voit pas ce qui peut toucher ça?

Non-non! ce n'est pas la peine d'essayer.

Mais c'est quand męme la peine au point de vue du Travail – comment est-ce qu'un jour ça entrera?

Oh!... Tu te souviens de cet Aphorisme de Sri Aurobindo?... Moi, je comprends trčs bien ce qu'il veut dire.

Ce sera le jour de la culbute.

Un petit enfant...

[76 – L'Europe se vante de son organisation et de son efficacité pratiques et scientifiques. J'attends que son organisation soit parfaite, alors un enfant la détruira.]

Je n'ai pas voulu le commenter... Mais c'est vrai.

Parce qu'ils sont imprenables. Ils sont imprenables, ces gens-lŕ.

Mentalement.

Ce n'est pas mentalement qu'on peut les prendre.

Mais comment?... C'est ou par la force – la force violente – ou alors un miracle (ce qu'ils appellent un «miracle»)... qui les laissera sidérés.

Ce sont des gens tout ŕ fait vulnérables (vulnérables, c'est-ŕ-dire sans défense), ŕ la force spirituelle. Le jour oů elle se manifestera physiquement, ce sera la débâcle.

Déjŕ ici, ces gens qui sont tellement habitués par leur tradition au Pouvoir, au vrai Pouvoir spirituel, déjŕ quand ça se manifeste un petit peu, ils... ils tremblent. Mais lŕ-bas oů ils le nient... c'est-ŕ-dire qu'ils sont complčtement sans défense.

Je ne sais pas quand ça viendra – je ne sais pas, peut-ętre que ce ne sera pas bientôt –, mais je sais une chose, quand ça viendra, ce sera la panique – n'est-ce pas, LA Panique.

Et alors, dans une panique, on peut faire quelque chose.

(silence)

En tout cas, ton livre va ętre publié ici, c'est-ŕ-dire qu'il touchera les quelques-uns qui sont pręts – pas lŕ-bas.

Les Américains sont plus ouverts, parce qu'ils sont restés plus enfants – ils croient tout savoir au point de vue matériel, mais ils savent qu'il y a des choses qu'ils ne savent pas. Tandis que les autres... ils ont «dépassé les croyances religieuses enfantines», n'est-ce pas!

Et ce n'est męme pas vrai parce que dčs qu'il y a un petit quelque chose qui bouge dedans (geste au centre du cśur), ils se replongent dans leur catholicisme.

Enfin...4

*
*   *

(Suit une discussion entre Mčre et le disciple pour savoir si l'on doit publier in extenso, dans le «Bulletin», le commentaire sur le dernier Aphorisme [du renoncement] ou n'en donner que des extraits. Mčre trouve tout d'abord que c'est trop «personnel». Ainsi se trouve posé le problčme des publications de Mčre.)

...Il aurait fallu que ce soit dit d'une façon objective, pas dire «mon expérience». Et si je commence ŕ dire «mon expérience», il faut que j'aille tout au bout de mon expérience, je ne peux pas rester au milieu.

Ce n'est vraiment touchant que quand, justement, c'est TON expérience.

Oui, mais alors il faudrait tout dire.

C'est exactement la męme chose que dans cette lettre de ton ami: si on vous présente une théorie «objective», alors c'est bien – les gens le prennent ou ne le prennent pas, et ça ne fait rien; mais introduire cet élément personnel...

Non pas que je craigne que les gens n'apprécient pas (ça m'est absolument indifférent), c'est que j'ai peur que cela ne fasse du mal ŕ certains.

Du mal, comment?

Quand on lit une chose pour laquelle on n'est pas pręt, ça ne fait pas de bien.

Encore, si je l'avais dit d'une façon didactique...

Oui, mais d'une façon didactique, ça n'a pas cette richesse, cette force.

C'est évident, mais c'est ce que les gens considčrent comme «intellectuel».

Moi, je crois qu'il faut s'en moquer.

Il faut, ou bien que je donne des leçons, ou que... Mais j'avoue que maintenant ça ne m'amuse pas. Et ça me paraît si enfantin de dire: «Les choses se passent comme cela.» – Je sais parfaitement bien que ça ne se passe pas «comme cela»! Ça se passe comme cela et ça se passe d'une autre façon, et tout est possible. On ne peut pas dire tout le temps aux gens: «Vous savez, tout est possible.» Chaque fois répéter: «Vous savez, tout est possible», c'est absurde.

Alors, ou il faut que je me taise, ou...

Tiens, encore un exemple, quand je réponds aux lettres des gens, il n'est jamais question de moi, il est question d'eux, mais c'est trčs personnel: c'est POUR EUX. Et justement, je suis en train de voir (d'une façon peu agréable) que d'une réponse personnelle, on veut faire un enseignement général – c'est absurde! C'est absurde. Je dis ça ŕ cet homme-lŕ ou ŕ cette femme-lŕ, et je dirais le contraire ŕ une autre! Et ils publient cela... Alors il ne faut plus rien publier.

Ou ne plus rien publier ou, ma foi, tant pis...

Si on doit tenir compte toujours de ceci et de cela, il n'y a rien ŕ faire, rien ŕ dire.

Je peux trčs bien ne rien publier, dire: «Maintenant, je ne parle plus, c'est fini.» Mais alors il faudrait arręter le Bulletin.

Je crois que tu n'as qu'ŕ introduire ton expérience, et puis c'est tout. Parce que, autrement, ŕ couper dans ces textes pour ne laisser que les choses «objectives», ça devient sec.

Oui, sec et creux.

Et incomplet, terriblement incomplet. Alors les gens peuvent comprendre d'une façon tout ŕ fait dogmatique – c'est mauvais.

Je crois qu'il vaut mieux tout mettre.

Au fond (riant) je m'en fiche! męme s'ils ont l'impression que l'on est en train de «déménager»...

Ceux qui ont de fausses impressions, les auront dans tous les cas.

Et puis, vraiment, sincčrement, ça m'est tout ŕ fait indifférent. C'est la męme chose quand les gens m'écrivent: «C'est admirable», j'ai un sourire, je me dis: «Qu'est-ce qu'ils peuvent comprendre!?» Je reçois des lettres... des lettres impayables! Des lettres tout ŕ fait exubérantes, pleines de mots redondants, et puis il y en a d'autres qui me disent trčs franchement qu'ils sont pleins de doute, que j'emploie tout simplement des «trucs» pour faire marcher «l'affaire» (!) comme une intelligence humaine ordinaire, et qu'ils n'ont pas du tout l'impression qu'il y ait rien de divin lŕ-dessous – ça me fait le męme effet, l'un et l'autre! (Mčre rit) C'est pour moi la męme chose. C'est leur impression – ils ont le droit d'avoir toutes les impressions qu'ils veulent. Ŕ vrai dire, tout ce qu'on pourrait leur répondre, c'est: «Ayez les impressions qui vous font progresser», que ce soit d'une façon ou d'une autre, ça n'a aucune importance!

Ce n'est pas cela... C'est peut-ętre la crainte (il y a une crainte quelque part, je n'en sais rien), la crainte d'ouvrir un peu trop l'intimité, pour les vibrations.

Mais (riant) je crois qu'il n'y a pas de danger!

J'ai vu, n'est-ce pas, j'ai donné des morceaux de l'Agenda, que j'ai choisis, ŕ A. Il est évident que A m'aime bien, et puis il fait des efforts pour comprendre spirituellement – eh bien, j'ai vu clairement pendant qu'il lisait, qu'il ne comprend pas. Il y avait toute une partie qui passait absolument au-dessus de sa compréhension, il ne comprenait pas, et ce qu'il attrapait, c'était une écorce.

Alors, au fond, ça n'a pas d'importance.

Il y a bien la rčgle qu'il n'est pas bon de parler de soi – c'est entendu. Mais maintenant de quoi puis-je parler, si ce n'est de mon expérience? Parce qu'il n'y a plus rien qui existe – toute la connaissance soi-disant «objective», c'est pour moi une activité mentale inutile.

Alors il n'y a qu'ŕ laisser faire.

Autrement des publications tronquées... Je trouve que c'est trčs mauvais; il vaut mieux rien du tout parce qu'elles sont comme vidées.

Oui, vidées de tout pouvoir.

Il n'y a qu'ŕ laisser.

 

1 Voir conversation du 25 mai.

En arričre

2 L'auteur de cette lettre est un Occidental devenu soufi.

En arričre

3 «Sri Aurobindo ou la Transformation du monde».

En arričre

4 Il existe un enregistrement de cette conversation. La suite n'a malheureusement pas été conservée.

En arričre

 

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16 mars 1963

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

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(À propos de la conversation du 9 mars: cette «Expérience de quelques secondes qui donnait l'impression que le problème le plus central était résolu.» C'est cette expérience que Mère avait appelée «La mort de la mort».)

C'est curieux, ces choses-là... Activement, on ne se souvient plus, c'est-à-dire que l'expérience ne peut se traduire par aucune espèce de pensée; même la sensation active de l'expérience s'atténue, et pourtant on n'est plus la même personne – c'est ça qui est si remarquable! J'ai senti ce genre de phénomène plusieurs fois (je ne me souviens pas assez pour dire exactement combien de fois), mais plusieurs fois dans ma vie, et toujours c'était la même chose: pas la même personne, on est devenu quelqu'un d'autre. Tous les rapports avec la vie, les rapports avec la conscience, les rapports avec le mouvement, tout change. Et pourtant la chose centrale, c'est une vague impression. Au moment où on a l'expérience, pour cette seconde, c'est d'une clarté, d'une précision – c'est foudroyant. Mais... probablement le système cérébral et nerveux n'est pas en état de conserver. Mais toutes les relations sont changées, on est une autre personne.

Très souvent, j'ai vu ce phénomène. Par exemple, l'impression qu'on a dans la vie ordinaire (peu de gens s'en rendent compte, mais c'est une impression, je le sais, que tout le monde a) d'«être dessous» et... un Destin, une Fatalité, une volonté, un ensemble de circonstances (n'importe les mots, ça n'a pas d'importance), c'est quelque chose qui pèse sur vous et qui veut se manifester à travers vous. Mais qui pèse sur vous. C'était la première de mes expériences: passer au-dessus (il y a très longtemps, c'était au commencement du siècle). Et c'était une expérience comme cela, une seconde, mais tout d'un coup, oh! on est au-dessus. Je me souviens parce que, à ce moment-là, j'ai dit aux gens que je connaissais (je m'occupais déjà, peut-être, de la Revue Cosmique; c'était le début, peut-être avant), je leur ai dit: «Mais il y a un état dans lequel on est libre de décider ce que l'on va faire; quand on dit: «je veux», ça veut dire que ce sera.» Et c'était ça l'impression avec laquelle je vivais; au lieu de me dire: «Je voudrais bien faire cela, je voudrais bien que ceci arrive», avec ce sentiment d'une Fatalité qui décide, l'impression qu'on est au-dessus et qu'on décide: ce SERA comme ça, ce SERA comme ça.

C'est mon souvenir du commencement du siècle.

J'ai eu plusieurs expériences de ce genre – un nombre assez considérable. Et depuis cette expérience-là (la mort de la mort), qui a duré une seconde, j'ai l'impression... ce même genre d'impression. Avant, quand j'agissais pour les gens, soit pour les empêcher de mourir, soit pour les aider une fois qu'ils étaient morts – des centaines et des centaines de choses que je faisais tout le temps, mais je les faisais avec l'impression de la Mort qui était comme ça (geste au-dessus de Mère), comme quelque chose qu'il fallait vaincre ou dominer, ou il fallait réparer les conséquences; mais c'était toujours comme cela, la Mort était juste... (riant) un petit peu au-dessus. Et à partir de ce moment-là (la mort de la mort), la tête était au-dessus – la tête, la conscience, la volonté était au-dessus. C'était du côté du Seigneur.

J'ai eu une expérience il y a fort longtemps quand Sri Aurobindo était là: une nuit, j'avais eu l'expérience d'être en contact avec le Seigneur Suprême, et c'était concret:

«On ne meurt que quand Tu veux.»

Je ne me souviens plus exactement (je l'ai écrit), mais l'idée était celle-ci: le Seigneur ne vous fait mourir qu'avec votre consentement – il faut donner le consentement pour mourir. Et à moins que Lui ne décide, jamais on ne peut mourir. Ces deux choses-là: pour mourir, il faut que quelque chose (c'est-à-dire l'âme au-dedans d'elle) consente, que l'âme dise oui, alors on meurt; et quand l'âme dit oui, c'est le Seigneur qui décide. Et depuis ce moment-là, cette certitude qu'on ne peut mourir que quand le Seigneur le veut, que ça dépend entièrement et absolument de Sa Volonté, qu'il n'y a pas d'accidents, qu'il n'y a pas de «malheurs inattendus» comme les êtres humains le pensent – ça n'existe pas: c'est Lui qui veut. Et depuis ce moment-là jusqu'à cette toute dernière expérience (la mort de la mort), j'étais dans cette connaissance-là. Mais avec l'impression... pas tout à fait de l'inconnu mais de l'incompréhensible; qu'il y a quelque chose dans la conscience qui ne comprend pas (ce que j'appelle comprendre, c'est avoir le pouvoir de faire et de défaire, c'est ça que j'appelle comprendre; le pouvoir d'exécuter et de défaire, c'est ça la vraie compréhension, le POUVOIR), eh bien, ça échappait. C'était encore le mystère du Suprême Infini. Et au moment de cette expérience (la mort de la mort), ça a été: «Ah! maintenant ça y est! Je l'ai, j'ai attrapé! Cette fois-ci, je le tiens.»

Je ne l'ai pas tenu (riant), c'est parti! Mais ma position a changé. C'est encore une chose que je regarde d'en haut; je suis montée au-dessus, ma position est au-dessus.

J'observais beaucoup chaque fois que quelqu'un mourait ici dans l'Ashram, eh bien (une ou deux personnes sont mortes depuis cette expérience, notamment la sœur du vieux docteur), eh bien, c'était ABSOLUMENT DIFFÉRENT. C'était quelque chose que j'ai vu d'en haut. Et il n'y avait plus de mystère. Mais quant à me demander d'expliquer... Ça, je ne peux pas – les mots, le mental, non. Mais la POSITION de la conscience était différente – la position de la conscience. C'était tout à fait différent.

Et c'est arrivé chaque fois de cette façon-là.1 Mais alors, cela prend quelquefois des années pour se changer en un pouvoir conscient. Mais le pouvoir conscient, DANS CE CAS-CI, ce serait le pouvoir de donner et d'empêcher la mort également; de faire le mouvement de forces nécessaire – presque... presque une action sur les cellules, presque une action mécanique sur les cellules. Et ce pouvoir-là ferait que: on peut donner la mort, on peut empêcher la mort.

Et ce n'est plus du tout cette sensation qu'on a d'une opposition brutale entre la vie et la mort qui est son contraire – la mort n'est pas le contraire de la vie! À ce moment-là, j'ai compris ça, je ne l'ai jamais oublié: la mort n'est pas le contraire de la vie, ce n'est pas le contraire de la vie.2

C'est comme un changement dans le fonctionnement des cellules,3 ou dans leur arrangement... Mais ce que je dis là maintenant, c'est tâcher de tirer un souvenir qui est enfoui. Mais c'est ça. Et alors, une fois qu'on a compris ça (tout ce que l'on comprend, on peut le faire), une fois qu'on a compris ça, on peut faire; alors c'est très simple: on peut très bien empêcher que ça passe ici ou que ça passe là; on peut faire comme ça ou comme ça ou comme ça (Mère semble manipuler des forces ou déplacer la position de la conscience?). Et alors ça devient presque un jeu d'enfant de faire mourir ou de faire vivre! Mais ça, on ne pourrait pas le dire.

Mais c'est sûr! ça arrivera... Je ne sais pas dans combien d'années, je ne sais pas, mais c'est une chose qui est devenue évidente. Et ça me paraissait (comme je l'ai dit l'autre jour), ça me paraissait un secret assez central – pas le plus central de tous, non, mais assez central pour la vie terrestre.

C'est... évidemment ce serait une phase nouvelle de la vie terrestre.

(silence)

Et ça pourrait presque se traduire (plus tard, après une courbe ascendante de la science moderne), par une connaissance matérielle. Ce ne serait pas ça (l'expérience de Mère) mais l'image de ça: comme dit Sri Aurobindo, a figure, a representation; le mot le plus proche, c'est «image». C'est une image; ce n'est pas la chose elle-même, c'est sa projection, comme sur un écran de cinéma.

(silence)

Il est évident... Il est évident que les choses approchent de ce qui, pour la conscience ordinaire, est le Merveilleux.

(long silence)

Au fond, comprendre la création, c'est pouvoir la faire – c'est ça. Quand on comprend, on peut faire. Et tout ce que les hommes font, c'est avec une volonté consciente ici (Mère fait un geste comme si elle avait des œillères), mais un Pouvoir invisible qui vient ou qui ne vient pas, qui est à leur disposition ou qui ne l'est pas. Mais c'est ce Pouvoir invisible qui FAIT. Ça, les hommes conçoivent, mais ils ne peuvent pas. Et alors, quand on fait ce mouvement-là, de passer de là à LÀ (geste au-dessus), on s'aperçoit que toutes ces conceptions, c'est presque comme les notes d'un instrument universel; on peut jouer sur toutes les notes, c'est très bien, ça fait un très bel orchestre, mais ce n'est pas essentiel, c'est accessoire. C'est Ça (le Pouvoir invisible) qui est nécessaire. C'est Ça qui sait comment on doit faire et comment on doit jouer.

L'enregistrement du son fait par Satprem    

This text will be replaced

 

1 Plus tard, Mère a ajouté ceci: «C'est-à-dire une expérience extrêmement puissante mais qui ne reste pas, sauf dans un effet: que je suis une autre personne, que j'ai changé de position. Je ne pourrais pas décrire l'expérience mais j'ai changé de position. C'est ce qui est arrivé chaque fois. C'est très différent des autres expériences – qui restent, que l'on comprend complètement, qui ne s'effacent pas –, mais qui n'ont pas ce pouvoir de changer la personne. Ce sont deux genres d'expériences, toutes les deux très utiles mais très différentes. Et ces expériences-là, qui sont très fortes mais très courtes, ce sont elles qui se représentent ensuite sous l'autre forme. Les autres expériences sont les expériences qui établissent dans un certain domaine de conscience, qui établissent cette première expérience qui était venue seulement comme un choc – un choc impératif, mais impermanent. Et quelquefois il se passe longtemps (avant, il se passait des années entre la première expérience et la suite), maintenant ça paraît être un peu plus court, mais ça prend encore du temps. Et chaque fois c'est comme cela: quelque chose qui vient, qui a l'effet que ça doit avoir, et puis c'est comme si la conscience s'endormait sur ce chapitre, comme s'il fallait un temps d'incubation silencieuse – on ne s'occupe plus du sujet activement –, et ça revient après une longue courbe, mais comme si c'était digéré, assimilé et qu'on était prêt pour l'expérience complète.»

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2 Nous pensons, avec une sorte d'incompréhensible compréhension, à ces paroles des Rishis védiques: «Il découvrit les deux mondes, éternels et dans un même nid.» (Rig-Véda, 1.62.7)

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3 C'est donc à la frontière des cellules que se trouve la clef, le lieu du passage, non pas dans un «autre» monde mais dans ce même monde où la mort n'est pas le contraire de la vie – où la mort n'est plus (ce même monde où l'on tombe sur les silex sans gravitation et sans écorchures?).

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28 septembre 1963

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

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Tu te souviens du colloque de Savitri avec la Mort?... D'après cela, Sri Aurobindo a l'air de dire que le Désordre est arrivé quand la Vie est entrée dans la Matière.

(Mère feuillette le gros cahier de sa traduction)

Quoique Dieu ait fait le monde pour Sa félicité,

Un Pouvoir ignorant en a pris charge et a semblé être Sa Volonté

[Although God made the world for his delight,

An ignorant Power took charge and seemed his Will]

C'est-à-dire que ce Pouvoir a pris l'apparence de Sa Volonté.

Et la profonde fausseté de la Mort a maîtrisé la Vie.

Tout devint le jeu d'un Hasard simulant le Destin.

[And Death's deep falsity has mastered Life.

All grew a play of Chance simulating Fate.]

(X.III.629)

Et avant, Sri Aurobindo écrit:

Ô Mort, ceci est le mystère de ton règne...

[O Death, this is the mystery of thy reign.]

Il a l'air de dire que c'est seulement sur la terre:

Dans le champ anormal et tragique de la terre,

Portée dans son voyage sans but par le soleil

Au milieu des marches forcées de grandes étoiles muettes,

Une obscurité occupa les champs de Dieu...

[In earth's anomalous and tragic field

Carried in its aimless journey by the sun

Mid the forced marches of the great dumb stars,

A darkness occupied the fields of God,]

(Mère répète)

Une obscurité occupa les champs de Dieu,

Et le monde de la Matière fut gouverné par ta forme.

[A darkness occupied the fields of God,

And Matter's world was governed by thy shape.]

La forme de la Mort.

Ton masque a couvert la face de l'Eternel

[Thy mask has covered the Eternal's face,]

C'est admirable! 

La Félicité qui fit le monde s'est endormie.

Abandonnée dans l'immensité elle sommeilla:

Une transmutation mauvaise s'empara

De ses membres jusqu'à ce qu'elle ne se reconnût plus.

[The Bliss that made the world has fallen asleep.

Abandoned in the Vast she slumbered on:

An evil transmutation overtook

Her members till she knew herself no more.]

(X.III.627)

Etc., tout un passage. Et il a l'air de dire que c'est au moment où la Vie est entrée dans la Matière inerte, qu'une Puissance ignorante... ce que j'ai dit au commencement:

Un Pouvoir ignorant en a pris charge et a semblé être Sa Volonté

Et la profonde fausseté de la Mort a maîtrisé la Vie.

[An ignorant Power took charge and seemed his Will

And Death's deep falsity has mastered Life.]

Par conséquent, d'après cela, la Mort n'existerait que sur la terre.

(silence)

C'est ce que je suis en train de traduire (Mère referme son cahier).

Quelles conclusions en tires-tu?

Il faut que j'aille jusqu'au bout pour comprendre ce qu'il veut démontrer.

N'est-ce pas, j'avais toujours eu l'impression que la terre était une représentation symbolique de l'univers de façon à concentrer le Travail sur un point pour qu'il puisse se faire d'une façon plus consciente et voulue. Et j'ai toujours eu l'impression que Sri Aurobindo pensait comme cela aussi. Mais là... J'avais lu Savitri, je n'avais pas remarqué cela. Et maintenant que je le lis et que je suis tellement dans ce problème... C'est-à-dire que c'est presque comme si c'était LA question que l'on m'a donnée à résoudre.

Je me suis aperçue de cela en lisant.

(long silence)

Cela donnerait une sorte de légitimité ou de raison d'être à ceux qui veulent échapper complètement à l'atmosphère terrestre. L'idée serait que la terre est une expérience spéciale du Suprême dans Son univers; et alors ceux qui n'ont pas un goût très prononcé pour cette expérience (!) préfèrent en sortir (pour dire les choses d'une façon assez familière).

La différence est celle-ci: dans un cas, c'est une concentration du Travail (c'est-à-dire qu'il peut être plus rapide, plus conscient, plus parfaitement fait ici), alors il y a une raison sérieuse de rester et de le faire. Dans l'autre cas, c'est seulement une expérience au milieu de milliers d'autres, ou de millions d'autres; et si cette expérience ne vous paraît pas particulièrement intéressante, il est légitime de vouloir en sortir.

Je ne vois pas comment un point du Suprême pourrait ne pas être tout le Suprême. S'il y a une difficulté là, c'est une difficulté pour tout, non?

Pas forcément.

Pourquoi y aurait-il quelque chose d'à part?

Tout dépend, en fait (riant) de ce qu'il veut en faire!

On peut très bien concevoir qu'il fasse des expériences très diffé-

rentes les unes des autres. Et on pourrait passer d'une expérience à l'autre, n'est-ce pas.

Ce serait comme le Bouddha l'a dit: c'est un attachement, un désir qui vous tient ici, mais il n'y a pas de raison que vous y restiez.

(le disciple proteste sans mots)

Pour moi, tout est possible, n'est-ce pas, absolument tout est possible, même les choses qui paraissent les plus contradictoires – ça, je n'ai aucune possibilité d'objection mentale ou logique ou raisonnable, que ce soit comme ceci ou comme cela. Mais la question... (Mère reste au milieu de sa phrase). C'est-à-dire que la Volonté du Seigneur, pour Lui, est très claire, et que (riant) le tout est de s'unir à cette Volonté et de la connaître.

Pour moi, il m'avait toujours paru que c'était comme cela (la terre, point de concentration symbolique), mais j'ai tellement la conviction que Sri Aurobindo a vu plus vrai et plus totalement que n'importe qui, que, naturellement, quand il dit quelque chose, on a tendance à considérer le problème!

Je ne sais pas, je ne suis pas allée jusqu'au bout de Savitri maintenant. Parce que je m'aperçois (à une distance de quelques mois, pas même deux ans que je le relis) que c'est tout autre chose que la première fois où je l'ai lu. Tout autre chose: il y a infiniment plus que ce dont j'avais eu l'expérience; mon expérience était limitée, et maintenant elle est beaucoup plus complète (peut-être que si je le relisais encore dans un an ou deux, ce serait encore plus complet, je ne sais pas), mais il y a beaucoup de choses que je n'avais pas vues la première fois.

Ce passage que je viens de lire est peut-être seulement un aspect?... Je vais voir quand j'irai jusqu'au bout.

Ce qu'il annonce, et ce dont je suis sûre, c'est que la Victoire sera remportée sur la terre, et que la terre deviendra un être progressif (éternellement progressif) dans le Seigneur – c'est entendu. Mais ça n'empêche pas l'autre possibilité. L'avenir de la terre, il l'a annoncé clairement et c'est entendu que c'est l'avenir de la terre; seulement si cette possibilité (la mort, phénomène exclusivement terrestre) est ce que l'on pourrait appeler «historiquement» vraie, cela donnerait une sorte de légitimation à l'attitude de ceux qui s'en vont. Comment se fait-il que le Bouddha, qui était un Avatar indiscutablement, ait tant insisté sur le Départ comme conclusion? Et lui, il n'est resté que pour aider les autres... à s'en aller plus vite. Alors, c'est qu'il n'aurait vu qu'une partie?...

Ah! oui.

Mais s'il y a tout un univers, des milliers d'univers où les modes sont tout à fait différents, et que ce soit seulement un CHOIX pour être ici... alors le choix est libre, n'est-ce pas – il y a ceux qui aiment la conquête et la victoire, il y a ceux qui aiment à ne rien faire.

Mais le Bouddha représentait seulement une étape de la conscience. À CE MOMENT-LÀ, il était bon que ce soit ainsi, donc...

On peut concevoir que c'était une nécessité dans le tout, bien entendu. Mais tout ça, ce sont des conceptions, c'est toujours une chose mentale – j'ai eu entre les mains dernièrement une citation de Sri Aurobindo où il disait qu'il n'y a «Pas de problème que le mental humain ne puisse résoudre, s'il le veut.» (Riant) Il n'y a aucun problème qui ne puisse être résolu par le mental s'il s'applique à le faire! Mais cela m'est égal, je n'ai aucun besoin de logique mentale – je n'en ai pas besoin. Et ça n'aurait aucun effet sur mon action – ce n'est pas du tout ça, pas du tout! C'est seulement parce qu'il y a cette contradiction, qui devient de plus en plus aiguë, de la Vérité et de ce qui est. Ça devient douloureusement aigu. N'est-ce pas, cette souffrance, cette misère générale est une chose qui devient presque insupportable.

Il y avait un temps où je regardais tout ça avec un sourire – pendant longtemps. Pendant des années et des années, c'était un sourire, comme on sourit à un enfantillage. Maintenant, je ne sais pas pourquoi c'est venu... ça a été MIS en moi comme une sorte d'angoisse aiguë – qui est certainement une nécessité pour en sortir.

Pour en sortir, c'est-à-dire pour guérir, pour changer – pas pour s'enfuir. Je n'aime pas les fuites.

C'était ma grande objection aux bouddhistes: tout ce que l'on vous conseille de faire, c'est simplement pour vous donner la possibilité de vous enfuir – ce n'est pas joli.

Mais changer, oui.

(silence)

Il y a de ces vers, tout d'un coup, qui sont si magnifiques! Ils viennent avec une telle puissance, et puis écrit, ce n'est plus ça.

N'est-ce pas, on VOIT ça, cette image du masque de la Mort qui couvre la face du Suprême.

C'est admirable.

Tellement intense.

Et alors ce Pouvoir ignorant qui a pris charge de la terre et qui en a fait... qui a «semblé» être, SEMBLÉ être la Volonté du Suprême.

C'est tellement plein de signification.

 

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9 mars 1963

l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

AUROBINDO.RU
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J'aurais envie de te poser une question... Je n'ai pas très bien compris ce que tu entends par des «miracles dans le Mental»? Qu'est-ce que c'est, ces miracles? «Sri Aurobindo faisait des miracles dans le Mental», disais-tu.

C'est quand il introduisait dans la conscience mentale la Force supramentale. Il introduisait dans la conscience mentale (la conscience mentale qui régit tous les mouvements matériels)1 une formation, ou une puissance, ou une force supramentale, qui, immédiatement, change l'organisation. Et ça produit des effets immédiats... et en apparence illogiques parce que ça ne suit pas le cours des mouvements selon la logique mentale.

Il le disait lui-même: c'est quand il était en possession, quand il pouvait se servir volontairement de la Force, de la Puissance supramentale, et qu'il la plaçait à un endroit donné, avec un but défini. C'était irrévocable, inévitable: l'effet était absolu.

On peut appeler ça un miracle.

La force supramentale qu'il mettait dans le mental d'une personne était douée de...

Par exemple, prends quelqu'un avec une maladie, même avec une douleur; quand Sri Aurobindo était en possession de cette Puissance supramentale (il y avait des moments où il disait que c'était tout à fait sous son contrôle, c'est-à-dire qu'il en faisait ce qu'il voulait, il la mettait où il voulait), alors il mettait cette Volonté, disons dans un désordre quelconque, physique ou vital (ou mental naturellement), il mettait cette Force d'harmonie supérieure, d'ordre supérieur, supramental, la plaçait là, et ça agissait immédiatement. Et c'était un ordre – ça créait un ordre, une harmonie supérieure à l'harmonie naturelle. C'est-à-dire que s'il s'agissait d'une guérison, par exemple, la guérison était plus parfaite et plus complète qu'une guérison obtenue par les moyens ordinaires du physique et du mental.

Il y en a eu des quantités. Mais les gens sont si aveugles, n'est-ce pas, et si encroûtés dans leur conscience ordinaire, qu'ils donnent toujours des «explications». Ils peuvent toujours donner une explication. C'est seulement ceux qui ont la foi et l'aspiration et quelque chose de très pur en eux, c'est-à-dire qui veulent vraiment savoir, ceux-là s'en apercevaient.

C'est-à-dire qu'il y a une différence entre le miracle qui se produit à travers le mental et dans le mental, ou le miracle qui se produit directement dans le physique et dans le vital. Par exemple, tout ce que font les gens qui accomplissent des miracles: lévitation, déplacement d'objets, lumières... (Mère reste quelque temps silencieuse, puis abandonne le sujet). C'est un domaine qui n'est pas très vivant pour moi, il ne m'intéresse pas beaucoup.2

Mais pour les guérisons, c'était comme cela. Quand le Pouvoir était là, il disait que c'était même sans un effort, il n'avait que ça à faire: mettre cette Puissance d'ordre, d'harmonie supramentale, et puis instantanément ça agissait.3

La différence est difficile à expliquer.

(silence)

Mais tiens (ce n'est pas du tout à publier ni à raconter), je ne sais pas si je te l'ai dit. J'avais neuf-dix ans, et je courais avec des amies dans la forêt de Fontainebleau (je l'ai raconté quelque part). La forêt est suffisamment épaisse pour qu'on ne voie pas très loin devant. On courait, et, dans la rapidité de ma course, je n'ai pas vu que j'arrivais juste au bord de la route; et là où nous étions, ça surplombait la route d'à peu près trois mètres (plus haut qu'un étage), et la route était empierrée – fraîchement empierrée. Et on courait. C'était moi qui courais en avant, les autres étaient derrière. Et alors l'élan était si fort que je n'ai pas pu m'arrêter – poff! je suis partie dans l'air. Tu comprends, j'avais dix ans, onze ans peut-être au plus, aucune pensée de miraculeux ni de merveilleux ni rien-rien – simplement, j'étais projetée dans l'air. Et j'ai senti que quelque chose me supportait comme ça, quelque chose me supportait et j'ai été littéralement DÉPOSÉE par terre, sur les pierres. Je me suis relevée (ça m'a paru tout à fait naturel, tu comprends!): pas une écorchure, pas une poussière, rien, absolument intacte. Je suis tombée très-très lentement. Alors tout le monde s'est précipité pour voir, j'ai dit: «Mais c'est rien! Je n'ai rien.» Et c'est resté comme cela. Mais je me suis souvenue de cette impression: c'était comme quelque chose qui me portait (geste de chute douce, comme une feuille qui tombe en palier avec de légers arrêts): avec cette lenteur-là, je suis tombée. Et il y avait la preuve matérielle, ce n'était pas une illusion puisque j'étais intacte – la route était empierrée (tu sais, les silex de France?): pas une écorchure, rien. Pas une poussière.

L'âme était très vivante à ce moment-là, elle résistait de toute sa force à l'intrusion de la logique matérielle4 du monde – ça me paraissait tout à fait naturel. Simplement, je me disais: «Non, il ne peut pas m'arriver d'accident.»

Mais projetée comme ça!... Je me suis souvenue très longtemps de la SENSATION que j'avais: quelque chose qui faisait comme ça (geste de tout à l'heure) et qui m'a simplement déposée par terre. Quand j'ai travaillé avec Théon, je me suis souvenue et j'ai vu que c'était une entité; c'était ce que les gens d'Europe appellent des anges (comment disent-ils?)... anges gardiens, c'est cela. C'était une entité. Parce que Théon m'avait parlé de certains mondes (mondes intellectuels supérieurs – je ne me souviens plus, il avait donné tous les noms des différents plans) et il y a des êtres là qui appartiennent à ce monde et qui ont des ailes – de leur libre choix, parce qu'ils trouvent ça joli (!), et Mme Théon avait toujours vu deux de ces êtres avec moi. Pourtant, elle m'a connue plus de dix ans après. Il paraît qu'ils étaient toujours avec moi. Alors j'ai regardé et je les ai vus en effet. Il y en avait même un qui avait essayé de faire des dessins: il m'a demandé de prêter ma main pour faire des dessins. J'ai prêté ma main, puis j'ai vu le dessin (il a fait un dessin), mais je lui ai dit: «Les miens, ceux que je fais sans toi sont bien mieux!» Alors tout s'est arrêté là (!)5

Qu'est-ce que ça représentait?

Des dessins rigolos. Il y avait une mer avec un rocher et un petit personnage (c'était le plus réussi). Une grande falaise, un petit personnage et puis la mer. Ce n'était pas fameux!

Je prêtais ma main et je regardais ailleurs – je ne regardais pas ce que je faisais pour être sûre qu'il n'y ait pas d'action subconsciente. Et je sentais très bien sa main qui faisait mouvoir la mienne, et puis au bout d'un moment, je me suis dit: «Tiens, je vais voir.» J'ai regardé – «Oh! je lui ai dit: dis donc, ce n'est pas fameux!»

C'était à Tlemcen.

Je n'ai jamais été intéressée par ce genre de curiosité-là. Ça me paraissait tout naturel. Mais c'est cela que les gens appellent un miracle.

Il y a eu autre chose (c'était moins frappant), mais une fois, dans une chambre qui était aussi longue que celle-ci et plus large,6 qui était le salon dans la maison de ma famille, il y avait des petits camarades qui étaient venus et on s'amusait. Je leur ai dit: «Je vais vous montrer quelque chose: comment on doit danser.» Je me suis mise à un angle du salon pour avoir le chemin le plus long d'un coin à l'autre, et je leur ai dit: «Un seul pas au milieu.» Et je l'ai fait! (Mère rit) Pris mon élan (je n'ai même pas eu l'impression de sauter: comme si je dansais, n'est-ce pas, comme quand on fait des pointes), touché avec la pointe, rejaillie et arrivée à l'autre coin – on ne peut pas faire ça tout seul, même les champions. C'était une longueur qui dépassait les records; parce que j'ai demandé après, ici, quand on a fait des exercices physiques à 1'Ashram, j'ai demandé quel était le saut le plus long – c'était plus long! Et là, ils prennent leur élan, n'est-ce pas, ils courent et ils sautent. Mais je n'ai pas couru: j'étais debout, au coin, et hop! (je me suis dit «hop!» à moi-même, sans faire de bruit), et frrrt! je suis tombée sur la pointe du pied, rejaillie et arrivée de l'autre côté – j'ai été portée, c'était tout à fait évident.

Tout ça se passait avant treize-quatorze ans (entre huit et treize-quatorze ans). Beaucoup de choses comme cela, mais qui me paraissaient tout à fait naturelles – je n'avais jamais l'impression que je faisais quelque chose de miraculeux. Tout à fait naturel.7

Je me souviens aussi, une fois, il y avait des arceaux (je ne sais pas s'il y en a encore) qui bordaient les pelouses au bois de Boulogne – je me promenais là-dessus! C'était un défi que je lançais à mon frère (il y avait seize mois entre lui et moi; mon frère était plus grand – il était beaucoup plus sage!), et alors je lui disais: «Tu sais marcher là-dessus?» Il m'a dit: «Laisse-moi tranquille, ce n'est pas intéressant.» Je lui ai dit: «Tu vas voir!» Et j'ai commencé à marcher, avec une aisance! Comme si j'avais fait ça toute ma vie. Et c'était le même phénomène: je ne sentais pas de poids.

C'était le sentiment, toujours, d'être portée: quelque chose qui soutenait, quelque chose qui portait. Et alors maintenant, si je rapproche les mouvements ou la sensation... c'est la même chose que ce grand mouvement d'ailes – c'est la même vibration.

À partir de treize-quatorze ans, c'est devenu plus difficile. Mais avant, c'était très bien.

(silence)

C'est la même chose aussi quand j'avais fait cette formation du Surmental (on était en route pour faire des miracles!). Sri Aurobindo m'a dit un jour que j'avais amené dans Amrita8 une force de Brahma créateur (c'est le Verbe créateur, le Mot qui s'exécute automatiquement), et je ne sais pas ce qui s'était passé... quelque chose, je ne me souviens plus, qui m'avait fait voir que ça marchait très bien. Alors en moi, est venue comme une idée: «Tiens! si on essayait ce pouvoir avec les moustiques: les moustiques n'existent plus! Qu'est-ce qui se passerait?» (On était très embêté par les moustiques.) Avant de le faire (la séance de méditation était finie, c'aurait été pour la fois suivante), j'ai dit à Sri Aurobindo: «Eh bien, si on essayait ça avec cette force-là, qui répond; si on disait: les moustiques n'existent plus, on pourrait au moins les supprimer dans un certain champ d'action ou un certain champ de rayonnement?» Alors il m'a regardée (avec un sourire), puis il n'a rien dit, et puis un moment après, il s'est tourné vers moi et il m'a dit: You are in full Overmind. That is not the Truth that we want to manifest... [Vous êtes en plein Surmental. Ce n'est pas la Vérité que nous voulons manifester]. Je t'ai raconté cela. C'était à cette occasion.

Des choses comme cela, on aurait pu les faire.

Il m'a dit (Mère prend un ton ironique): «Oh! vous pouvez faire des miracles! Les gens seront émerveillés.»

(silence)

Mais moi, j'ai trouvé un bien plus joli miracle... C'était quand je jouais, je ne sais plus quoi (du Beethoven ou du Mozart), à Tlemcen. Théon avait un piano (parce que sa secrétaire anglaise jouait du piano), et ce piano était dans son salon qui était de plain-pied avec la moitié de la montagne, presque en haut de la montagne. C'est-à-dire que l'on montait des escaliers dans la maison (deux étages d'escalier) pour arriver au salon, mais le salon avait de grandes portes qui s'ouvraient de plain-pied avec la montagne – c'était très joli. Alors je jouais là l'après-midi, et les portes étaient grandes ouvertes; et un jour, quand j'ai eu fini de jouer, je me suis tournée pour me lever, j'ai vu un gros crapaud comme ça, tout pustulent – un gros crapaud – et puis il faisait peuff, peuff, peuff, (tu sais comme ils se gonflent et se dégonflent), il se gonflait, se dégonflait, se gonflait, se dégonflait... comme s'il était absolument aux anges! Il n'avait jamais entendu une chose si merveilleuse! Il était tout seul (gros comme ça), tout rond, tout noir, tout pustulent, au milieu de ces grandes portes – des grandes baies toutes ouvertes sur le soleil et la lumière. Il était au milieu. Et puis, pendant un petit moment, il a continué, et quand il a vu que la musique était partie, il a tourné, sauté-sauté-sauté... disparu.

Cette admiration d'un crapaud, ça m'a remplie de joie! C'était charmant.

(silence)

J'avais onze ans, douze ans aussi, c'était le moment où ma mère avait loué une petite maison chez des gens en bordure de la forêt: on n'était pas obligé de passer par la ville. Alors je sortais et j'allais m'asseoir toute seule dans la forêt – je m'asseyais et puis je rêvais. Et un jour (ça arrivait souvent), un jour, il y avait des écureuils qui étaient venus, il y avait plusieurs oiseaux, et puis des biches (Mère ouvre de grands yeux) qui regardaient... C'était très joli! Quand j'ai ouvert les yeux et que j'ai vu, j'ai trouvé ça charmant – ils sont partis.

Je me suis souvenue de toutes ces choses après, quand j'ai rencontré Théon – longtemps après, c'est-à-dire que j'avais plus de vingt ans –, plus de dix ans après. J'ai rencontré Théon et j'ai eu l'explication de ces choses, j'ai compris. Alors je me suis souvenue de ce qui m'était arrivé, j'ai dit: «Tiens!...» Parce que Mme Théon m'a dit (je lui racontais toutes les histoires de mon enfance), elle m'a dit: «Oh! mais oui, je sais: vous êtes ÇA et c'est marqué sur vous, et c'est ÇA.» Alors j'ai réfléchi à ce qu'elle me disait et j'ai vu: oui, c'est vrai. J'ai eu toutes ces choses qui étaient des indications très claires qu'il y avait certainement des gens dans l'invisible qui s'occupaient de moi! (Mère rit)

Ce qui était intéressant, c'est qu'il n'y avait rien de mental: je ne connaissais pas l'existence de ces choses, je ne savais pas ce qu'était la méditation – je méditais sans avoir la moindre idée de ce que c'était, je ne connaissais rien-rien-rien, ma mère avait gardé ça tout à fait tabou: ce sont des sujets qu'on n'aborde pas, qui vous rendent fou!

Après, le souvenir est venu.

*
*   *

(Vers la fin de l'entrevue, Mère demande quel est le prochain aphorisme pour le «Bulletin» et si le disciple a une question à poser,)

J'aurais envie de te poser une question sur la mort

Oooh!...

Tout ce que je croyais savoir me paraît maintenant tout à fait superficiel, et j'ai comme... touché du doigt quelque chose qui, alors, m'a donné l'impression d'une découverte formidable... Mais c'est seulement un éclair, je ne suis pas en possession de la chose. Je ne peux pas en parler. Alors il vaudrait peut-être mieux attendre un peu pour aborder ce sujet-là.

Il est question de la mort dans cet aphorisme?

Oui, il est question des dualités: la vie, la mort; l'erreur, la connaissance; l'amour, la cruauté,.. On peut très bien ne pas poser de questions sur la mort, mais enfin c'était celle qui m'était venue.

Je te dis, ça déflorera un sujet qui, peut-être, dans quelques mois, ou, je ne sais pas (quelques mois ou quelques années), s'éclairera; peut-être y aura-t-il quelque chose d'intéressant à dire.

Tu sais, il y a eu un moment où j'étais (Mère fait un geste flottant entre deux mondes),9 comme si juste, on me mettait en contact avec ce que j'ai appelé «la mort de la mort». C'était l'irréalité de la mort. Et à un point de vue TOUT À FAIT matériel. C'était une question de cellules et de conscience dans les cellules. Et c'était comme quand on est au bord de quelque chose: «Ça y est! je vais l'attraper, ça y est, ça y est!...» Et puis tout s'évanouit. C'est resté à l'état d'impression.

Une expérience de quelques secondes qui donnait l'impression que le problème le plus central était résolu. Et puis...

Quand ce sera comme ça, alors ce sera intéressant.10

*
*   *

(Au moment de partir)

Est-ce qu'il faut un autre aphorisme (pour le Bulletin)? Il y en a déjà trois.

Je rajouterai un morceau de ce que tu as dit au début, sur les miracles dans le mental...

Ce que Sri Aurobindo avait fait?

Oui, je t'ai demandé comment étaient ces miracles dans le mental. Tu m'as dit qu'il plaçait le Supramental dans le Mental... C'est intéressant.

Tu crois qu'il faut dire ça aux gens? Ils sont...

Parce que, moi personnellement, je ne comprenais pas très bien ce que ça voulait dire et pourquoi vous n'aviez pas fait de miracles. Mais de ce que tu as dit aujourd'hui, je ne mettrai pas tout.

Non-non-non! Oh! leur dire... C'est seulement pour s'amuser. Et ton livre, ça avance?

Doucement.

Je vais commencer à préparer le 29 février de l'année prochaine,11 et ton livre fait partie de la préparation... Je suis en train de chercher ce qui va être distribué – ce qui va se passer. Je ne sais pas encore ce qui va se passer. Mais tout le monde, dans tous les coins du monde, attend ce 29 février (de partout ils veulent venir), alors il faut, au moins, que j'aie quelque chose de prêt pour eux.

La seule chose qui se présente jusqu'à présent dans ma conscience, c'est que je sois dans un tel état intérieur que je puisse rester assise pendant deux ou trois heures, et que les gens défilent (naturellement, il n'est pas question de distribuer moi-même quoi que ce soit, c'est impossible). Mais simplement que, moi, je sois dans une telle contemplation que ça n'ait aucune importance, que le monde défile sans que cela puisse affecter l'état.

Ça m'a été suggéré sous forme de vision: j'étais assise sur une chaise un peu haute, en bas, tout en bas (dans le hall de méditation où je suis allée en 60), et les gens défilent. Mais alors, il faut qu'il y ait une distribution quelconque et je suis plus en faveur d'une chose imprimée que d'un objet matériel. L'objet matériel... d'abord je suis beaucoup trop pauvre. Une chose imprimée.

C'est vague – vague, non: c'est incomplet. Les détails sont précis, ce que je vois est précis, mais le tout n'est pas là. Ce sont seulement des points ici et là – c'est incomplet.

Tout ce que je sais, c'est que je veux que ton livre soit publié à ce moment-là, qu'il paraisse pour la fin de février, probablement pour le 21. Alors ces gens-là mettent très longtemps pour faire les choses convenablement. C'est pour cela que je te demande.

J'espère qu'au début du mois prochain, ce sera fini.

Bon. Au revoir, mon petit.

 

1 C'est-à-dire le mental physique, l'auteur de notre cage médicale, gravitationnelle et mortelle.

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2 Plus tard encore, Mère a fait la même remarque: «Ce domaine ne m'occupe pas beaucoup; je le vois sous l'autre angle. Ce dont on parle ici, c'est l'angle de bas en haut, et moi, je le vois de l'autre façon (geste de haut en bas), alors ça prend un tout autre caractère. On en reparlera plus tard.»

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3 Au cours de l'entrevue suivante, Mère a donné l'exemple tout récent d'une guérison par la force supramentale agissant dans le mental matériel: «Après avoir reçu trois avertissements, qu'il n'a pas écoutés, A (un disciple de Paris) s'est retrouvé à moitié paralysé un matin. Et le lendemain, ça commençait à prendre l'autre côté, le côté gauche. À ce moment-là, il a fait un appel – quelque chose l'a frappé, il a vu ce côté-là tout à fait paralysé et l'autre qui commençait à l'être, et il s'est vu dégringolant: il a fait un appel. Et il dit qu'en l'espace de quelques minutes, il y a eu une Force formidable qui est venue en lui et cette Force a dit: «Non!» Et presque automatiquement, tout s'est arrêté; et il n'a rien eu du tout au côté gauche, et le côté droit a commencé à s'améliorer. Et moi, quand j'ai reçu la première dépêche annonçant que A avait été obligé de s'aliter avec une «attaque», que l'on avait appelée «attaque cardiaque» (ce n'était pas le cœur: c'était une embolie au cerveau), j'avais la dépêche dans les mains et j'ai vu, sur les mots de la dépêche: «Ce n'est rien, il ne faut pas s'inquiéter» (!) Alors j'ai dit tranquillement: «Oh! ce n'est rien, il ne faut pas s'inquiéter! (Mère rit) Et puis la lettre est venue avec tous les détails: thrombose, etc. Mais il dit qu'il sent une Force (près de Mère) qui n'est pas dans son bonhomme là-bas, il dit que ça fait toute la différence – il y a quelque chose qui donne une vie qui n'est pas dans son bonhomme français. Mais enfin, cela, ça ressemble au miracle.»

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4 Justement celle qui gouverne l'«inévitabilité» des accidents, y compris la gravitation, les maladies et la mort.

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5 La question suivante et la réponse sont venues plus tard.

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6 Environ douze mètres de long et quatre mètres de large.

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7 Le paragraphe suivant a été rajouté plus tard par Mère.

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8 L'un des secrétaires de Mère.

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9 Quand Mère a failli ne pas revenir, en mars 1962.

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10 Il existe un enregistrement de cette conversation. La suite n'a pas été conservée.

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11 Deuxième anniversaire de la Manifestation supramentale.

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19 octobre 1963

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4 novembre 1963

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