30.
30 —J'ai vu un enfant se rouler dans la boue et le même enfant nettoyé par sa mère et resplendissant; mais chaque fois, j'ai tremblé devant son absolue pureté.
Un enfant peut-il garder cette pureté, même après avoir grandi?
En principe, il n'y a pas d'impossibilité à cela, et il se peut que certains êtres humains, nés loin des cités, des civilisations et des cultures, gardent pendant toute la vie de leur corps terrestre cette pureté spontanée, une pureté d'âme qui n'est pas obscurcie par le fonctionnement mental.
Car la pureté dont Sri Aurobindo parle ici est la pureté de l'instinct qui obéit à l'impulsion de la Nature, spontanément, sans calculer ni questionner, sans se demander si c'est bon ou mauvais, si ce que l'on fait est bien ou mal, si c'est une vertu ou un péché, si les résultats seront favorables ou défavorables. Toutes ces notions entrent en jeu quand l'ego mental fait son apparition et commence à prendre une position prépondérante dans la conscience et à voiler la spontanéité de l'âme.
Dans la vie "civilisée" moderne, les parents et les éducateurs ont vite fait, par leurs "bons conseils" pratiques et rationnels, d'ensevelir cette spontanéité, qu'ils qualifient d'inconscience, et de la remplacer par un ego mental bien petit, bien étroit, limité, replié sur lui-même et farci de notions de faute, de péché et de châtiment, ou d'intérêt personnel, de calcul et de profit; tout cela ayant pour résultat inévitable de faire croître les désirs du vital par compression, par crainte ou par justification.
Pourtant, si l'on veut être complet, il faut ajouter que l'homme étant un être mental, il doit, nécessairement, dans son évolution, quitter cette pureté inconsciente et spontanée, très semblable à la pureté des animaux, et, après avoir traversé une période inévitable de perversion et d'impureté mentales, surgir au-dessus du mental, dans la pureté supérieure et lumineuse de la Conscience divine.
27 avril 1960