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26 septembre 1962

Nyomtatóbarát változat
l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

(Aprčs avoir écouté un passage du manuscrit:)

C'est trčs bien!

Je voudrais voir leur tęte... ce serait amusant.

Aprčs, je passerai ŕ Alipore: le Supraconscient.

Ça va ętre passionnant.

C'est difficile.

Non, c'est trčs bien.

Ce sera un beau livre, unusual. C'est une présentation qui n'est pas commune. C'est intéressant, mon petit.

Il faudra que je te pose des questions un jour oů tu auras le temps. Parce que, pour le Supraconscient, il y a des choses qui ne sont pas bien claires dans mon esprit.

Tu peux me poser des questions, mais je pense que tu trouveras les réponses dans ce qu'il a écrit, non?

Oui et non.

Qu'est-ce que tu veux savoir?

Surtout, je voudrais comprendre la différence entre le surmental et le Supramental? C'est surtout cette question que je voudrais comprendre d'une façon non pas abstraite mais concrčte.

Le surmental n'est pas intellectuel. C'est le domaine des dieux.

C'est le domaine des dieux et c'est le domaine qui a gouverné la terre. Tous les dieux que les hommes ont connus et adorés et avec lesquels ils ont été en rapport, c'est lŕ.

Oui, un domaine de dieux, avec des vies de dieux, des maničres de dieux – ce n'est pas le Supramental.

Oui, justement, qu'est-ce qui fait la différence vraiment?

Mais je ne crois pas que les dieux ont le Supramental.

Oui, les dieux s'arrętent au surmental.

Je ne connais pas les traditions hindoues purement hindoues, mais les dieux, ce sont les ętres avec lesquels les Védas et les gens de l'époque védique étaient en rapport, du moins je le pense. Ce que je connais des dieux, je l'ai connu avant, par l'autre tradition, chal-déenne. Mais Théon disait que la tradition védique (qu'il connaissait d'ailleurs) et cette tradition-lŕ étaient sorties d'une tradition antérieure commune. D'aprčs lui, il y a cette histoire des premiers Émanés qui, dans leur parfaite indépendance, se sont séparés du Supręme dans leur action et ont créé tout le désordre – c'est ça, la cause du Désordre de la création. Aprčs, il y a eu l'émanation des dieux: les dieux ont été émanés pour réparer le mal qui était fait et organiser le monde selon la Volonté supręme. Naturellement, c'est une façon enfantine de dire les choses, mais c'est compréhensible. Et alors tous ces dieux travaillent dans l'harmonie, dans l'ordre. C'est ce que dit cette ancienne tradition.

La tradition indienne, autant que je l'aie comprise, a inclu tout ce qui provient des premiers Émanés dans son panthéon, puisque tous les dieux de destruction, les dieux d'inconscience, les dieux de souffrance, tout cela est compris parmi ses dieux.

Au fond, c'est ŕ chacun, je crois, d'appeler du nom qu'il veut ce qu'il veut. C'est toujours comme cela que je l'ai senti. Męme dans la tradition hindoue, il est écrit: «L'homme est un bétail pour les dieux, méfiez-vous des dieux.»

Pour moi, tout ça, ce sont des langages – des mots pour chacun suivant ce qui est le plus conforme ŕ sa nature.

J'ai eu des rapports conscients avec tous les ętres de la tradition telle que je l'avais connue par Théon, et des rapports avec tous les ętres tels qu'ils sont expliqués dans la tradition indienne, et au fond, autant que je sache, j'ai eu des rapports avec toutes les divinités de toutes les religions. Ça s'échelonne (geste en gradin). Il y a des ętres depuis... męme dans le vital, il y en a; dans le mental, les hommes ont déifié beaucoup de choses: tous les ętres qui pour eux n'étaient pas exactement comme eux, facilement ils en faisaient des dieux. Si on est éclectique, on peut avoir des rapports avec tous. Et tous ont leur réalité, leur existence.

C'est une région qui juste domine la terre et le Mental (męme le mental le plus haut). Mais l'évolution – l'évolution terrestre, n'est-ce pas, qui a son rythme propre, plus condensé, concentré, et on pourrait dire plus aigu que l'évolution universelle dans son ensemble –, cette évolution terrestre a, ŕ travers l'espčce humaine, créé une sorte d'intellectualité supérieure qui est capable de traverser la région surmentale ou la région des dieux et d'aller directement ŕ un Principe plus élevé.

Mais cette région surmentale, cette région des dieux qui ont le pouvoir de gouverner l'univers et partiellement la terre, elle a sa réalité propre; on peut entrer en rapport avec elle et on peut s'en servir – les «ancętres» des Védas s'en servaient, les occultistes s'en servent, męme les tantriques s'en servent. Mais il y a une autre voie, qui justement se méfie des dieux et qui passe au travers par une sorte de... on pourrait dire d'ascétisme intellectuel qui se méfie des formes, des images, des expressions variées, et qui s'en va comme une flčche toute droite, trčs fičre et trčs pure, vers la Lumičre supramentale. Ça, c'est une expérience vivante.

Sri Aurobindo a pręché le yoga intégral oů tout était compris, et par conséquent on peut avoir toutes les expériences. En fait, l'univers a été créé pour ętre un champ d'expériences, n'est-ce pas. Il y a des gens qui aiment mieux les chemins courts, directs et étroits – c'est leur affaire. Mais il y en a d'autres qui aiment perdre leur temps en route aussi – c'est leur affaire! Et il y en a qui sont portés ŕ avoir toutes les expériences, et par conséquent qui se promčnent trčs souvent et longtemps dans ce monde surmental. Il y en a naturellement (la grande majorité), la grande majorité de ceux qui ont des aspirations religieuses, ça les met en rapport avec des divinités, et ils s'en tiennent lŕ, c'est pour eux suffisant.

Mais tout ce que je viens de dire, c'est seulement un trčs petit peu de tout ce qu'il y a.1

Au fond, ce domaine des dieux, c'est du męme côté que le nôtre, seulement c'est ŕ la dimension des dieux: le pouvoir des dieux, les possibilités des dieux, la conscience des dieux, la liberté des dieux, et puis ils sont immortels. C'est une vie de dieux! C'est... je crois que la majorité des ętres humains serait plus que satisfaite avec ça!

Ils viennent aussi s'amuser sur la terre, toutes les histoires nous le racontent (je sais qu'il y en a qui viennent sur la terre prendre un corps humain pour avoir un ętre psychique – mais ce n'est pas tous). La plupart, ça les amuse d'ętre en rapport avec les ętres humains. En tout cas, dans leur domaine propre, ils ont un corps – on n'a pas du tout l'impression de n'avoir pas de corps. Ils ont un corps. Ils ont un corps immortel.

Oui, mais dans le Supramental aussi?

Mais les dieux ne vont pas dans le Supramental!

Non, ce que je voulais surtout savoir, c'est la différence quand on passe de l'autre côté, dans le Supramental. La différence de vision entre le Supramental et le surmental?

Je ne sais pas ce que Sri Aurobindo te dirait...

J'étais justement en train de regarder ça, ces jours-ci. Pour moi, la conscience surmentale est une conscience magnifiée, beaucoup plus belle, beaucoup plus haute, beaucoup plus puissante, beaucoup plus heureuse, beaucoup plus... avec beaucoup de beaucoup plus. Mais... Par exemple, je peux te dire une chose: les dieux n'ont pas le sens de l'Unité. Ils se disputent entre eux, ŕ leur maničre, mais enfin c'est pour dire qu'ils n'ont pas le sens de l'unité, ils n'ont pas le sens d'ętre tous un et d'ętre des expressions du Divin – du Divin unique. Par conséquent, ils sont encore de ce côté-ci. Ils sont encore de ce côté-ci dans une forme magnifiée, c'est-ŕ-dire avec des pouvoirs que nous ne comprenons pas, une puissance, par exemple, de changer leur forme comme ils veulent, d'ętre ŕ tous les endroits en męme temps comme ils veulent – toutes sortes de choses que les pauvres ętres humains ręvent d'avoir mais n'ont pas. Ils ont tout ça. Ils vivent une vie – une vie divine! Mais ce n'est pas le Supramen-tal.

Le Supramental, c'est la Connaissance. C'est la Connaissance pure. Oui, c'est savoir – savoir ce qui est ŕ savoir.

Ce n'est plus un jeu entre des gens et des choses, c'est... Vraiment, le signe du Supramental, c'est l'Unité. L'Unité qui n'est plus une addition d'un tas de choses différentes mais au contraire une Unité qui... qui joue avec Elle-męme. Il n'y a plus cette relation des dieux entre eux, des dieux avec le monde – ils appartiennent encore ŕ la diversité, mais sans l'ignorance. Il n'ont pas l'Ignorance, ils n'ont pas ce que nous avons ici, ce qu'a l'ętre humain. Ils n'ont pas l'Ignorance, ils n'ont pas l'Inconscience, mais ils ont le sens de la diversité et de la séparation.

Et cette expérience de Sri Aurobindo ŕ Alipore? Tu sais, la célčbre expérience quand il voit Nârâyana dans les prisonniers, Nârâyana dans les gardiens, Nârâyana partout?

Ça, c'est le Supręme. L'Unité.

C'est une expérience supramentale ou une expérience...

C'est supramental.

Supramental?

Oui, c'est l'expérience – il l'appelait Nârâyana parce qu'il était Indien.

C'est Supramental, ce n'est pas surmental?

Non, non.

C'est comme dans la Guîtâ telle que Sri Aurobindo l'a expliquée: ce n'est pas le surmental, c'est le Supramental. C'est l'Unité, c'est l'expérience de l'Unité.

Pour moi, l'expérience des dieux, ça n'a jamais été qu'une distraction – un amusement, une chose plaisante, une distraction. Tout ça ne me paraît ni essentiel ni indispensable. On peut se payer le luxe d'avoir toutes ces expériences, et ça augmente votre connaissance, votre pouvoir, votre ceci, votre cela, mais ça n'a pas autrement d'importance. N'est-ce pas, LA chose, c'est tout ŕ fait différent.

On peut s'en passer. On peut avoir le contact avec le Supramental sans aucune de ces expériences, ce n'est pas indispensable. Mais si on veut connaître l'univers et vivre l'univers, si on veut ętre identifié au Supręme dans Son expression, alors tout ça fait partie de Son expression ŕ des degrés différents, avec des pouvoirs différents. Tout ça fait partie de Son expérience. Et alors pourquoi pas? On peut se payer le luxe d'avoir tout ça. C'est trčs intéressant – c'est trčs intéressant: ce n'est pas indispensable.

Je pense que tout naturellement, une fois qu'on est identifié au Supręme, que le Supręme vous a choisi pour faire une śuvre sur la terre, eh bien, il vous gratifie naturellement de toutes ces choses parce que – parce que ça augmente votre pouvoir d'action, c'est tout. C'est tout.

Pour moi, il n'y a plus de problčmes, il n'y a plus de problčmes!

Cette classification [des plans de conscience], c'est trčs commode, c'est trčs nécessaire ŕ un moment donné, surtout au moment de l'ascension, de la prise de conscience, mais aprčs...

(silence)

Sri Aurobindo n'a pas beaucoup insisté sur le Surmental. Le seul point intéressant, c'est que ce Surmental a gouverné le monde ŕ travers toutes les religions. Et que c'est le lieu de toutes les divinités, de tous les ętres dont les hommes ont fait des dieux dans leurs religions. Ce sont des ętres qui existent dans leur monde, et il y a des hommes qui ont été en rapport avec eux, qui ont été comme submergés par leurs pouvoirs et leur supériorité, et qui en ont fait des religions – des religions et des dieux.

Mais il ne faudrait pas insister lŕ-dessus.2 Comme je l'ai dit, on peut passer sans passer au travers, ou męme on peut passer au travers sans s'en apercevoir. Dans les Védas, ce qui m'a intéressée, c'est qu'ils disent que si on ne fait pas l'ascension comme il faut et si on essaye de passer au travers sans passer par eux, il vous arrive des choses désagréables, on est arręté sur le chemin – tu te souviens?3 Ça te donne une idée de ce que c'est. C'est comme une zone intermédiaire. Trčs supérieure ŕ la terre, mais c'est une zone intermédiaire. Alors il y a ceux qui ont essayé de passer au travers sans s'arręter; et lŕ, ils disent qu'on a des ennuis. Moi, je n'en sais rien, je ne peux pas parler d'autre chose que de mon expérience, parce que c'était toujours une sorte de fraternité, n'est-ce pas (!) je les connaissais, je les fréquentais, alors il n'était pas question de passer au travers ou de ne pas passer au travers!

Mais l'impression que j'ai, trčs forte, c'est que c'est un monde semblable encore au nôtre, mais magnifié, et pas du tout cette Création Supramentale qui doit amener ici le sens du Supręme et de l'Unique – ça appartient au vieux chemin.

Au fond, ça appartient au vieux chemin, c'est la conséquence de ce qui est arrivé et la conséquence de toute la formation [universelle] telle que nous la connaissons. Les gens qui croient au Mal essentiel diraient: «C'est la conséquence de cet accident de la création.» – Est-ce un accident? J'ai mes doutes. Ça reste ŕ ętre révélé. Mais on ne le saura que quand... quand ce sera fini.

Je parle par énigmes, mais enfin!

Je veux dire que le pourquoi et le comment de comment c'est, on ne le saura que quand – quand la courbe sera finie.

Mais ils appartiennent ŕ cette courbe. Le surmental appartient ŕ cette courbe.

Tous ces dieux, ils sont trčs gentils! Quelquefois pour certaines personnes, ils sont insupportables (Mčre rit), mais ils sont trčs gentils! Ils ont leurs défauts, ils ont leurs qualités, ils sont trčs gentils. Ils ont toujours été trčs gentils avec moi!

Fini.4 (Mčre fait une croix sur sa bouche)

*
*   *

(Plus tard, Mčre cherche ŕ se rappeler un mot qui l'avait frappée quand Elle écoutait la lecture du manuscrit sur Sri Aurobindo:)

...C'est curieux, je m'aperçois que c'est avec une tout autre conscience que j'écoute. Il n'y a rien qui reste lŕ (geste au front), c'est seulement le son qui vient ici, mais j'écoute ailleurs.

Je ne me souviens pas physiquement du tout. Je ne me souviens pas du tout. J'ai seulement eu l'impression... J'ai vu un mot qui est devenu d'une lumičre bleutée, vivante, comme ça, alors je me suis dit «Tiens l un bon mot pour ma traduction!» (Mčre cherche encore ŕ se souvenir, puis y renonce)

Enfin l'important, c'est ce que tu m'as dit: l'expérience d'Ali-pore, c'est Supramental.

Oh! oui. Il a employé le mot Nârâyana parce qu'il n'avait pas encore élaboré sa propre terminologie, mais il ne se réfčre pas aux dieux: c'est l'expérience supramentale.

*
*   *

(Quelques jours plus tard, Mčre ajoute ceci ŕ propos de ses «oublis» et de sa maničre d'entendre «ailleurs»:)

Quelquefois aussi, j'entends un mot et ce n'est pas du tout ce qui a été dit!

Parce que, quand je cherche ŕ me rappeler, je vois une lumičre, tu comprends – c'est venu avec une lumičre. C'était une lumičre blanche frangée de bleu. Alors tu as peut-ętre dit un mot quelconque et j'ai entendu «ailleurs».

Je vois encore la męme chose: c'était blanc et c'était frangé de bleu – j'ai dit bleuté comme ça, mais la chose exacte c'est blanc et frangé de bleu.

Mais ça m'arrive quelquefois, parce que quand je lis l'anglais pour ma traduction, tout d'un coup viennent des choses [d'ailleurs] et alors je cherche et je trouve une traduction, et puis quand je veux me référer au texte anglais, je ne trouve plus du tout ce mot que j'avais vu – je ne le trouve plus!

Alors ne fais pas attention! (Riant) Pour les docteurs, je suis en train de déménager!

 

1 Les trois paragraphes suivants ne font pas partie de l'enregistrement.

En arričre

2 Dans le livre que le disciple est en train d'écrire.

En arričre

3 Il s'agit sans doute du colloque entre le Rishi Agastya et Indra (On the Veda p. 287 sqq) dont Mčre avait parlé l'année précédente. Voir Agenda, 22 janvier 1961, tome II, p. 41.

En arričre

4 Il existe un enregistrement de cette conversation. La suite n'a pas été conservée.

En arričre

 

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