16 mars 1963

Nyomtatóbarát változat
l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

(À propos de la conversation du 9 mars: cette «Expérience de quelques secondes qui donnait l'impression que le problème le plus central était résolu.» C'est cette expérience que Mère avait appelée «La mort de la mort».)

C'est curieux, ces choses-là... Activement, on ne se souvient plus, c'est-à-dire que l'expérience ne peut se traduire par aucune espèce de pensée; même la sensation active de l'expérience s'atténue, et pourtant on n'est plus la même personne – c'est ça qui est si remarquable! J'ai senti ce genre de phénomène plusieurs fois (je ne me souviens pas assez pour dire exactement combien de fois), mais plusieurs fois dans ma vie, et toujours c'était la même chose: pas la même personne, on est devenu quelqu'un d'autre. Tous les rapports avec la vie, les rapports avec la conscience, les rapports avec le mouvement, tout change. Et pourtant la chose centrale, c'est une vague impression. Au moment où on a l'expérience, pour cette seconde, c'est d'une clarté, d'une précision – c'est foudroyant. Mais... probablement le système cérébral et nerveux n'est pas en état de conserver. Mais toutes les relations sont changées, on est une autre personne.

Très souvent, j'ai vu ce phénomène. Par exemple, l'impression qu'on a dans la vie ordinaire (peu de gens s'en rendent compte, mais c'est une impression, je le sais, que tout le monde a) d'«être dessous» et... un Destin, une Fatalité, une volonté, un ensemble de circonstances (n'importe les mots, ça n'a pas d'importance), c'est quelque chose qui pèse sur vous et qui veut se manifester à travers vous. Mais qui pèse sur vous. C'était la première de mes expériences: passer au-dessus (il y a très longtemps, c'était au commencement du siècle). Et c'était une expérience comme cela, une seconde, mais tout d'un coup, oh! on est au-dessus. Je me souviens parce que, à ce moment-là, j'ai dit aux gens que je connaissais (je m'occupais déjà, peut-être, de la Revue Cosmique; c'était le début, peut-être avant), je leur ai dit: «Mais il y a un état dans lequel on est libre de décider ce que l'on va faire; quand on dit: «je veux», ça veut dire que ce sera.» Et c'était ça l'impression avec laquelle je vivais; au lieu de me dire: «Je voudrais bien faire cela, je voudrais bien que ceci arrive», avec ce sentiment d'une Fatalité qui décide, l'impression qu'on est au-dessus et qu'on décide: ce SERA comme ça, ce SERA comme ça.

C'est mon souvenir du commencement du siècle.

J'ai eu plusieurs expériences de ce genre – un nombre assez considérable. Et depuis cette expérience-là (la mort de la mort), qui a duré une seconde, j'ai l'impression... ce même genre d'impression. Avant, quand j'agissais pour les gens, soit pour les empêcher de mourir, soit pour les aider une fois qu'ils étaient morts – des centaines et des centaines de choses que je faisais tout le temps, mais je les faisais avec l'impression de la Mort qui était comme ça (geste au-dessus de Mère), comme quelque chose qu'il fallait vaincre ou dominer, ou il fallait réparer les conséquences; mais c'était toujours comme cela, la Mort était juste... (riant) un petit peu au-dessus. Et à partir de ce moment-là (la mort de la mort), la tête était au-dessus – la tête, la conscience, la volonté était au-dessus. C'était du côté du Seigneur.

J'ai eu une expérience il y a fort longtemps quand Sri Aurobindo était là: une nuit, j'avais eu l'expérience d'être en contact avec le Seigneur Suprême, et c'était concret:

«On ne meurt que quand Tu veux.»

Je ne me souviens plus exactement (je l'ai écrit), mais l'idée était celle-ci: le Seigneur ne vous fait mourir qu'avec votre consentement – il faut donner le consentement pour mourir. Et à moins que Lui ne décide, jamais on ne peut mourir. Ces deux choses-là: pour mourir, il faut que quelque chose (c'est-à-dire l'âme au-dedans d'elle) consente, que l'âme dise oui, alors on meurt; et quand l'âme dit oui, c'est le Seigneur qui décide. Et depuis ce moment-là, cette certitude qu'on ne peut mourir que quand le Seigneur le veut, que ça dépend entièrement et absolument de Sa Volonté, qu'il n'y a pas d'accidents, qu'il n'y a pas de «malheurs inattendus» comme les êtres humains le pensent – ça n'existe pas: c'est Lui qui veut. Et depuis ce moment-là jusqu'à cette toute dernière expérience (la mort de la mort), j'étais dans cette connaissance-là. Mais avec l'impression... pas tout à fait de l'inconnu mais de l'incompréhensible; qu'il y a quelque chose dans la conscience qui ne comprend pas (ce que j'appelle comprendre, c'est avoir le pouvoir de faire et de défaire, c'est ça que j'appelle comprendre; le pouvoir d'exécuter et de défaire, c'est ça la vraie compréhension, le POUVOIR), eh bien, ça échappait. C'était encore le mystère du Suprême Infini. Et au moment de cette expérience (la mort de la mort), ça a été: «Ah! maintenant ça y est! Je l'ai, j'ai attrapé! Cette fois-ci, je le tiens.»

Je ne l'ai pas tenu (riant), c'est parti! Mais ma position a changé. C'est encore une chose que je regarde d'en haut; je suis montée au-dessus, ma position est au-dessus.

J'observais beaucoup chaque fois que quelqu'un mourait ici dans l'Ashram, eh bien (une ou deux personnes sont mortes depuis cette expérience, notamment la sœur du vieux docteur), eh bien, c'était ABSOLUMENT DIFFÉRENT. C'était quelque chose que j'ai vu d'en haut. Et il n'y avait plus de mystère. Mais quant à me demander d'expliquer... Ça, je ne peux pas – les mots, le mental, non. Mais la POSITION de la conscience était différente – la position de la conscience. C'était tout à fait différent.

Et c'est arrivé chaque fois de cette façon-là.1 Mais alors, cela prend quelquefois des années pour se changer en un pouvoir conscient. Mais le pouvoir conscient, DANS CE CAS-CI, ce serait le pouvoir de donner et d'empêcher la mort également; de faire le mouvement de forces nécessaire – presque... presque une action sur les cellules, presque une action mécanique sur les cellules. Et ce pouvoir-là ferait que: on peut donner la mort, on peut empêcher la mort.

Et ce n'est plus du tout cette sensation qu'on a d'une opposition brutale entre la vie et la mort qui est son contraire – la mort n'est pas le contraire de la vie! À ce moment-là, j'ai compris ça, je ne l'ai jamais oublié: la mort n'est pas le contraire de la vie, ce n'est pas le contraire de la vie.2

C'est comme un changement dans le fonctionnement des cellules,3 ou dans leur arrangement... Mais ce que je dis là maintenant, c'est tâcher de tirer un souvenir qui est enfoui. Mais c'est ça. Et alors, une fois qu'on a compris ça (tout ce que l'on comprend, on peut le faire), une fois qu'on a compris ça, on peut faire; alors c'est très simple: on peut très bien empêcher que ça passe ici ou que ça passe là; on peut faire comme ça ou comme ça ou comme ça (Mère semble manipuler des forces ou déplacer la position de la conscience?). Et alors ça devient presque un jeu d'enfant de faire mourir ou de faire vivre! Mais ça, on ne pourrait pas le dire.

Mais c'est sûr! ça arrivera... Je ne sais pas dans combien d'années, je ne sais pas, mais c'est une chose qui est devenue évidente. Et ça me paraissait (comme je l'ai dit l'autre jour), ça me paraissait un secret assez central – pas le plus central de tous, non, mais assez central pour la vie terrestre.

C'est... évidemment ce serait une phase nouvelle de la vie terrestre.

(silence)

Et ça pourrait presque se traduire (plus tard, après une courbe ascendante de la science moderne), par une connaissance matérielle. Ce ne serait pas ça (l'expérience de Mère) mais l'image de ça: comme dit Sri Aurobindo, a figure, a representation; le mot le plus proche, c'est «image». C'est une image; ce n'est pas la chose elle-même, c'est sa projection, comme sur un écran de cinéma.

(silence)

Il est évident... Il est évident que les choses approchent de ce qui, pour la conscience ordinaire, est le Merveilleux.

(long silence)

Au fond, comprendre la création, c'est pouvoir la faire – c'est ça. Quand on comprend, on peut faire. Et tout ce que les hommes font, c'est avec une volonté consciente ici (Mère fait un geste comme si elle avait des œillères), mais un Pouvoir invisible qui vient ou qui ne vient pas, qui est à leur disposition ou qui ne l'est pas. Mais c'est ce Pouvoir invisible qui FAIT. Ça, les hommes conçoivent, mais ils ne peuvent pas. Et alors, quand on fait ce mouvement-là, de passer de là à (geste au-dessus), on s'aperçoit que toutes ces conceptions, c'est presque comme les notes d'un instrument universel; on peut jouer sur toutes les notes, c'est très bien, ça fait un très bel orchestre, mais ce n'est pas essentiel, c'est accessoire. C'est Ça (le Pouvoir invisible) qui est nécessaire. C'est Ça qui sait comment on doit faire et comment on doit jouer.

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1 Plus tard, Mère a ajouté ceci: «C'est-à-dire une expérience extrêmement puissante mais qui ne reste pas, sauf dans un effet: que je suis une autre personne, que j'ai changé de position. Je ne pourrais pas décrire l'expérience mais j'ai changé de position. C'est ce qui est arrivé chaque fois. C'est très différent des autres expériences – qui restent, que l'on comprend complètement, qui ne s'effacent pas –, mais qui n'ont pas ce pouvoir de changer la personne. Ce sont deux genres d'expériences, toutes les deux très utiles mais très différentes. Et ces expériences-là, qui sont très fortes mais très courtes, ce sont elles qui se représentent ensuite sous l'autre forme. Les autres expériences sont les expériences qui établissent dans un certain domaine de conscience, qui établissent cette première expérience qui était venue seulement comme un choc – un choc impératif, mais impermanent. Et quelquefois il se passe longtemps (avant, il se passait des années entre la première expérience et la suite), maintenant ça paraît être un peu plus court, mais ça prend encore du temps. Et chaque fois c'est comme cela: quelque chose qui vient, qui a l'effet que ça doit avoir, et puis c'est comme si la conscience s'endormait sur ce chapitre, comme s'il fallait un temps d'incubation silencieuse – on ne s'occupe plus du sujet activement –, et ça revient après une longue courbe, mais comme si c'était digéré, assimilé et qu'on était prêt pour l'expérience complète.»

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2 Nous pensons, avec une sorte d'incompréhensible compréhension, à ces paroles des Rishis védiques: «Il découvrit les deux mondes, éternels et dans un même nid.» (Rig-Véda, 1.62.7)

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3 C'est donc à la frontière des cellules que se trouve la clef, le lieu du passage, non pas dans un «autre» monde mais dans ce même monde où la mort n'est pas le contraire de la vie – où la mort n'est plus (ce même monde où l'on tombe sur les silex sans gravitation et sans écorchures?).

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