72 (Le signe du commencement de la Connaissance est de sentir que l'on ne...)

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72 —Le signe du commencement de la Connaissance est de sentir que l'on ne sait encore rien ou peu; et pourtant, si seulement je pouvais connaître ma connaissance, je possède déjà tout.

 

Il arrive, dans le sommeil, qu'on ait une connaissance très exacte de ce qui va arriver, avec des détails matériels d'une précision surprenante, comme si tout était déjà là, accompli dans les moindres détails, sur un plan occulte. Est-ce exact? Quel est ce plan de connaissance? Y en a-t-il un ou plusieurs? Comment procéder pour y avoir accès consciemment en état de veille? Et comment se fait-il que des gens sérieux, qui ont une réalisation divine, puissent se tromper parfois grossièrement dans leurs prédictions?

Mais c'est un monde! Ce n'est pas une question, c'est vingt questions!

Il y a toutes sortes de rêves prémonitoires. Il y a des rêves prémonitoires à réalisation immédiate, c'est-à-dire rêver la nuit de ce qui arrivera le lendemain, et il y a des rêves prémonitoires à réalisation plus ou moins échelonnée dans le temps. Et suivant la place dans le temps, ces rêves ont été vus dans des domaines différents.

Plus on remonte vers une certitude absolue, plus la distance est grande, parce que ce sont des visions dans un domaine très proche de l'Origine, et que le temps entre la révélation de ce qui va être et la réalisation peut être très long. Mais la révélation est certaine, parce qu'elle est très proche de l'Origine. Il y a un endroit, quand on est identifié avec le Suprême, où l'on sait tout, d'une façon absolue, dans le passé, dans le présent, dans l'avenir et partout. Mais généralement, les gens qui vont là, quand ils reviennent, oublient ce qu'ils ont vu. Il faut une discipline particulièrement sévère pour se souvenir. Et ça, c'est le seul endroit où l'on ne se trompe pas.

Mais les mailles, ou les chaînons de communication ne sont pas toujours au complet et il est rare qu'on se souvienne.

Pour en revenir à ce que je disais, suivant le plan sur lequel on a vu, on peut plus ou moins juger du temps que la vision mettra à se réaliser; et les choses immédiates sont déjà réalisées, existantes, dans le physique subtil, et on peut les voir là — simplement, elles sont, elles existent là — et elles sont seulement la réflexion (même pas une transcription), la réflexion ou la projection de l'image dans le monde matériel, qui se produira le lendemain ou quelques heures après. Là, on voit la chose exacte et dans tous les détails, parce qu'elle est déjà; tout dépend donc de l'exactitude de la vision et du pouvoir de vision. Si vous avez un pouvoir de vision objectif et sincère, vous voyez la chose exactement; si vous y ajoutez des sentiments ou des impressions, ça colore. Donc, l'exactitude dans le physique subtil dépend exclusivement de l'instrument, c'est-à-dire de celui qui voit.

Mais dès que vous allez dans un domaine plus subtil, comme le domaine vital — et le domaine mental encore bien plus, mais déjà dans le domaine vital, il y a une petite marge de possibilités — alors, grosso modo, on peut voir ce qui va arriver, mais, dans les détails, ce peut être comme ceci ou comme cela — il y a des volontés ou des influences qui ont la possibilité d'intervenir et de créer une différence.

Et ceci, parce que la Volonté originelle est reflétée, pour ainsi dire, dans des domaines différents, et chaque domaine change l'organisation et la relation des images. Le monde dans lequel nous vivons est un monde d'images. Ce n'est pas la chose elle-même dans son essence, c'est la réflexion de cette chose. On pourrait dire que nous sommes, dans notre existence matérielle, seulement une réflexion, une image de ce que nous sommes dans notre réalité essentielle. Et ce sont les modalités de ces réflexions qui introduisent toutes les erreurs et toutes les falsifications —ce que l'on voit dans l'essence est parfaitement vrai et pur et existe de toute éternité; les images sont essentiellement variables. Et suivant le degré de mensonge introduit dans les vibrations, le degré de déformation et de transformation augmente. On pourrait dire que toute circonstance, tout événement, toute chose, a une existence pure, qui est l'existence vraie, et un nombre considérable d'existences impures ou déformées, qui sont l'existence de la même chose dans les divers domaines de l'être. Par exemple, dans le domaine intellectuel, il y a tout un commencement de déformation; le domaine mental a une quantité considérable de déformations et, à mesure que tous les domaines émotifs et sensoriels interviennent, les déformations augmentent. Et une fois qu'on arrive au plan matériel, le plus souvent c'est méconnaissable, unrecognizable. C'est complètement déformé. Au point qu'il est parfois très difficile de savoir que ceci est l'expression matérielle de cela — ça ne se ressemble plus beaucoup.

C'est une façon un peu nouvelle d'aborder le problème et qui peut donner la clef de beaucoup de choses.

Ainsi, quelqu'un que l'on connaît bien et qu'on a l'habitude de voir matériellement, si on le voit dans le physique subtil, il y a déjà des choses qui deviennent plus prononcées, plus visibles, plus importantes, et que l'on n'avait pas vues physiquement, parce que dans la grisaille matérielle elles avaient passé sur le même plan que beaucoup d'autres choses. Il y a des caractères, ou des expressions du caractère, qui deviennent suffisamment importantes pour être très visibles, et qui, physiquement, n'avaient pas paru. Quand vous regardez quelqu'un physiquement, il y a la couleur du teint, la forme des traits, l'expression — à la même minute, si vous voyez cette figure dans le physique subtil, tout d'un coup vous vous apercevez qu'une partie de la figure a une certaine couleur et une autre partie, une autre couleur; que les yeux ont au-dedans d'eux une expression et une sorte de lumière qui n'étaient pas du tout visibles; et que le tout a une apparence, et surtout donne une impression extrêmement différente, qui paraîtrait, pour nos yeux physiques, quelque peu extravagante, mais qui est très expressive pour la vision subtile, et révélatrice du caractère ou même des influences auxquelles est soumise cette personne (ce que je dis là est la notation d'une expérience que j'ai faite il y a quelques jours encore).

Donc, suivant le degré auquel on est conscient et où l'on voit, on perçoit des images, on voit des événements plus ou moins proches, et on les voit d'une façon plus ou moins exacte. La seule vision qui soit vraie et sûre, c'est la vision de la Conscience divine. Le problème est donc de devenir conscient de la Conscience divine et de garder cette Conscience dans tous les détails, tout le temps.

D'ici là, il y a toutes sortes de manières de recevoir des indications. La vision exacte et précise, familière, qu'ont certaines personnes, peut avoir plusieurs sources. Ce peut être une vision par identité avec les circonstances et les choses, quand on a pris l'habitude d'étendre sa conscience à l'entour. Ce peut être une indication donnée par un bavard du monde invisible qui s'amuse à vous prévenir de ce qui va arriver — ça arrive très souvent. Alors tout dépend de la qualité morale de votre "annonciateur"; s'il s'amuse à vos dépens, il vous raconte des histoires — c'est ce qui arrive la plupart du temps aux gens qui sont renseignés par des entités. Elles peuvent, pour amorcer les gens, leur raconter très souvent les choses telles qu'elles seront, parce qu'elles ont une vision universelle dans un domaine quelconque du vital ou du mental, et puis, quand elles sont bien sûres que vous aurez confiance en elles, elles peuvent commencer à vous raconter des blagues, et, comme on dit en anglais, you make a fool of yourself. Cela arrive très souvent. Il faudrait être soi-même dans une conscience supérieure à celle de ces individus ou de ces entités, ou de ces petites divinités comme certains les appellent, et pouvoir contrôler par en haut la valeur de leurs déclarations.

Si on a la vision mentale universelle, on peut voir toutes les formations mentales; alors on voit — et c'est très intéressant — comment le monde mental s'organise pour se réaliser sur le plan physique. On voit les diverses formations, la façon dont elles s'approchent, se combattent, se combinent, s'organisent; celles qui prennent le dessus et influencent, et qui arrivent à une réalisation plus totale. Maintenant, si l'on veut avoir vraiment une vision supérieure, il faut surgir du monde mental et voir les volontés originelles à mesure qu'elles descendent pour s'exprimer. Dans ce cas, on peut ne pas avoir tous les détails, mais le fait central, le fait dans sa vérité centrale, est indiscutable, indéniable, absolument correct.

Il y a aussi les gens qui ont la faculté de prédire des choses qui sont déjà existantes sur terre, mais à distance, une grande distance, très loin des yeux physiques — généralement, ce sont ceux qui ont la capacité d'élargir et d'étendre leur conscience. Ils ont une vision physique, mais un petit peu plus subtile, qui dépend d'un organe plus subtil que l'organe purement matériel (ce que l'on pourrait appeler la vie de cet organe) et alors, en projetant sa conscience avec la volonté de voir, on peut voir très bien, on voit les choses — elles sont déjà, seulement elles ne sont pas dans le champ de notre vision ordinaire. Ceux qui ont cette capacité et qui disent ce qu'ils voient, qui sont des gens sincères, qui ne sont pas des bluffeurs, voient d'une façon absolument précise et exacte.

Au fond, un grand facteur pour ceux qui prédisent ou qui voient, c'est leur absolue sincérité. Et malheureusement, à cause de la curiosité des gens, de leur insistance, de la pression qu'ils font — et à laquelle très peu savent résister —, ce qui arrive, quand il y a quelque chose que l'on ne voit pas d'une façon exacte ou précise, c'est qu'il y a une faculté d'imagination intérieure, presque involontaire, qui ajoute le petit élément qui manque. C'est ce qui fait les failles dans les prédictions. Il y a très peu de gens qui aient le courage de dire : "Ah, non, ça je ne sais pas; ça, ça m'échappe" —d'ailleurs, ils n'ont même pas le courage de se le dire à eux-mêmes. Et alors, un tout petit peu d'imagination, qui agit d'une façon presque subconsciente, et on complète la vision, l'information — n'importe quoi peut arriver. Il y a très peu de gens qui savent résister à cela. J'ai connu beaucoup, beaucoup de voyants, j'ai connu beaucoup d'individus qui avaient un don merveilleux — il y en avait très peu qui savaient s'arrêter juste là où ils ne savaient plus. Ou bien, pour un petit détail, on rajoute. C'est ce qui donne à ces facultés une qualité toujours un peu douteuse. Il faut être vraiment un saint — un grand saint, un grand sage — et tout à fait libre, pas du tout sous l'influence des gens (je ne parle pas, naturellement, de ceux qui veulent avoir une renommée, parce qu'alors là, ils tombent dans des pièges grossiers), mais même, il suffit d'une bonne volonté, de vouloir contenter les autres, leur faire plaisir, les aider, il suffit de cela pour que ça déforme.

Quand les événements sont prêts, déjà, dans le physique subtil, et qu'on en a la vision, est-il trop tard pour changer les choses? Est-ce qu'on peut encore agir?

Je connais un exemple très intéressant. Il y avait un temps où, dans le journal Le Matin (il y a longtemps, tu devais être bien petit), il y avait tous les jours un petit dessin représentant un garçon qui montrait du doigt quelque chose — une sorte de groom, ou de garçon d'hôtel, habillé de cette façon-là, et qui montrait toujours la date, ou je ne sais quoi, un petit dessin. Or, le monsieur à qui cette histoire est arrivée était en voyage et il habitait un grand hôtel, je ne sais plus dans quelle ville; et la nuit, ou de bonne heure le matin, de très bonne heure le matin, il avait eu un rêve : il avait vu ce garçon d'hôtel, ce groom, qui lui montrait son char funèbre (tu sais, quand on emmène les gens au cimetière, là-bas, en Europe) et qui l'invitait à monter dedans ! Il a vu cela, et puis, le matin, quand il a été prêt, il est sorti de son appartement qui était tout en haut, et là, sur le palier, le même garçon, habillé de la même manière, lui a montré l'ascenseur pour qu'il descende. Ça lui a donné un choc. Il a refusé, il a dit : "Non, merci!" L'ascenseur est tombé, il s'est écrasé, les gens dedans ont été tués.

Il m'a dit qu'après cela il croyait aux rêves!

C'était une vision. Il avait vu ce garçon, mais au lieu de l'ascenseur, c'était son corbillard qu'il lui montrait. Alors, quand il a vu le même geste, le même garçon, comme le dessin n'est-ce pas, il a dit : "Non merci, je descends à pied", et la machine (c'était un de ces ascenseurs hydrauliques), la machine s'est cassée, elle s'est effondrée. C'était tout en haut. Ça a été une bouillie.

Mon explication, c'est qu'une entité l'avait prévenu; l'image du groom laisse penser qu'une intelligence, une conscience, était intervenue — ce ne semble pas être son propre subconscient. Ou peut-être est-ce son subconscient qui était au courant et qui avait vu dans le physique subtil que ça allait arriver, mais pourquoi son subconscient lui a-t-il fait une image comme cela? Je ne sais pas. Peut-être est-ce quelque chose dans le subconscient qui savait; parce que c'était déjà là, c'était déjà dans le physique subtil. L'accident existait déjà avant d'arriver — la loi de l'accident.

Il y a évidemment, toujours, pour tout, une différence, quelquefois de quelques heures (mais ça, c'est le maximum), quelquefois de quelques secondes. Et très souvent, les choses vous disent qu'elles sont là — pour qu'elles entrent en contact avec votre conscience, cela prend quelquefois quelques minutes, quelquefois quelques secondes. Constamment, constamment je sais ce qui va arriver, et pour des choses absolument sans intérêt — il n'y a aucun intérêt à le savoir d'avance, on n'y change rien, mais ça existe et c'est autour de vous. Si votre conscience est assez large, vous savez tout cela, par exemple que telle personne va m'apporter un paquet; des choses de ce genre. Et tous les jours c'est comme cela. Ou que telle personne est en train d'arriver. C'est parce que la conscience est répandue, alors elle contacte des choses.

Mais dans ce cas, on ne peut pas dire que ce soit prémonitoire, parce que ça existe déjà; c'est seulement le contact avec nos sens qui prend quelques secondes à se réaliser, parce qu'il y a une porte ou un mur, ou quelque chose qui empêche de voir.

Mais plusieurs fois j'ai eu des expériences comme cela. Par exemple, une fois, je me promenais dans la montagne, j'étais sur un sentier où il n'y avait de place que pour un — d'un côté, le précipice, et de l'autre, le rocher à pic. J'étais avec trois enfants derrière moi, et une quatrième personne qui fermait la marche. J'étais en tête. Et le sentier suivait le rocher, on ne voyait pas où on allait (c'était d'ailleurs très dangereux; si on glissait, on était dans le trou). Je marchais en tête et, tout d'un coup, j'ai vu, avec d'autres yeux que ceux-ci (pourtant je regardais attentivement mes pas), j'ai vu un serpent, comme ça, sur le rocher, qui attendait de l'autre côté. Alors j'ai fait un pas, doucement, et, en effet, de l'autre côté, il y avait un serpent. Ça m'a évité le choc de la surprise, parce que j'avais vu et que j'avançais avec précaution; et comme il n'y avait pas le choc de la surprise, j'ai pu dire aux enfants, sans leur donner de choc : "Arrêtez, restez tranquilles, ne bougez pas." Avec le choc, il aurait pu arriver quelque chose: le serpent avait entendu du bruit, il était déjà lové et sur la défensive, devant son trou, avec sa tête qui bougeait — c'était une vipère. C'était en France. Rien n'est arrivé; tandis que s'il y avait eu de la confusion, un brouhaha, on ne sait pas ce qui aurait pu se produire.

Ce genre de choses m'est arrivé très, très souvent (pour les serpents, ça m'est arrivé quatre fois). Une fois, il faisait tout à fait nuit, c'était ici, près du village de pêcheurs d'Ariancoupom. Il y avait une rivière et c'était juste à l'endroit où elle se jette dans la mer, et il faisait nuit — la nuit était tombée très vite. On marchait sur une route et, au moment précis où j'allais baisser mon pied (j'avais déjà levé mon pied, j'allais le baisser), j'ai entendu distinctement une voix à mon oreille : "Attention!" Pourtant personne n'avait parlé. Alors j'ai regardé et j'ai vu, juste au moment où mon pied allait toucher terre, un énorme cobra noir, sur lequel j'aurais confortablement mis mon pied — ce sont des gens qui n'aiment pas ça. Il a nié, puis il a traversé l'eau — mon petit, une beauté ! Le capuchon ouvert, la tête droite, il a traversé comme un roi, tout ça dehors. Évidemment, j'aurais été punie de mon impertinence.

Des choses comme cela, j'en ai eu des centaines et des centaines —juste à la seconde (pas une seconde trop tôt) informée. Et dans des circonstances très différentes. Une fois, à Paris, j'étais en train de traverser le Boulevard Saint Michel (c'était les dernières semaines; j'avais décidé que dans un certain nombre de mois, j'aurais la jonction avec la Présence psychique, le Divin intérieur, et je ne pensais plus qu'à cela, je n'étais plus occupée que de cela). J'habitais près du Luxembourg, là-bas, et j'allais me promener au Luxembourg, le soir — mais toujours intériorisée. Il y a une espèce de carrefour, là, ce n'est pas un endroit pour traverser intériorisée, ce n'était pas très raisonnable! Et alors, j'étais comme cela, j'avançais, lorsque, tout d'un coup, j'ai reçu un choc, comme si j'avais reçu un coup, comme si quelque chose me donnait un coup, et j'ai sauté en arrière instinctivement; et quand j'ai eu sauté en arrière, un tramway a passé — c'était le tramway que j'avais senti à une distance d'un peu plus d'un bras étendu. Ça avait touché l'aura, l'aura de protection (à ce moment-là, elle était très forte; c'était en plein occultisme et je savais comment la garder), l'aura de protection avait été touchée et ça m'avait littéralement jetée en arrière, comme si j'avais reçu le choc physique. Et avec les insultes du conducteur! J'ai sauté et le tram a passé, juste à temps.

Je ne me souviens plus, mais c'est à la pelle que je pourrais en raconter.

Les raisons peuvent être très différentes. Très souvent, c'est quelqu'un qui m'informait : une petite entité, ou un être quelconque. Quelquefois, c'était l'aura qui protégeait. Pour toutes sortes de choses. C'est-à-dire que la vie était rarement limitée au corps physique — c'est commode, c'est bon. C'est nécessaire, ça augmente vos capacités. C'était ce que m'avait dit tout de suite celui qui m'enseignait l'occultisme : "Vous vous privez de sens qui sont tout ce qu'il y a de plus utile, même pour la vie la plus ordinaire." Et c'est vrai, c'est tout à fait vrai. Nous pouvons savoir infiniment plus de choses que nous n'en savons d'ordinaire, simplement en utilisant nos propres sens. Et pas seulement au point de vue mental, mais au point de vue vital et même au point de vue physique.

Mais quelle est la méthode?

Oh, la méthode est très facile. Ce sont des disciplines. Cela dépend de. ce que l'on veut faire.

Cela dépend. Pour chaque chose il y a une méthode. Et la première méthode, c'est d'abord de le vouloir, c'est-à-dire prendre une décision. Puis on vous donne la description de tous ces sens et comment ils fonctionnent — ça, c'est une longue affaire. Vous prenez un sens, ou plusieurs, ou celui pour lequel vous avez le plus de facilité pour commencer, et vous décidez. Puis vous suivez la discipline. C'est l'équivalent des exercices pour se développer les muscles. On peut même arriver à se créer une volonté.

Mais pour les choses plus subtiles, la méthode est de se faire une image exacte de ce que l'on veut, de se mettre en rapport avec la vibration correspondante, et puis de se concentrer et de faire des exercices. Comme s'exercer à voir à travers un objet, ou bien à entendre à travers un son,1 ou bien à voir à distance. Par exemple, j'ai été long-temps, pendant plusieurs mois, immobilisée dans un lit, et je trouvais cela assez ennuyeux—je voulais voir. J'habitais une chambre, et au bout de la chambre il y avait une autre petite chambre, et au bout de la petite chambre il y avait une sorte de pont, et au milieu du jardin ce pont se changeait en escalier et descendait dans un très grand et très bel atelier construit au milieu du jardin. Je voulais aller voir ce qui se passait dans l'atelier, parce que je m'ennuyais dans ma chambre. Alors je restais bien tranquille, je fermais les yeux et j'envoyais ma conscience petit à petit, petit à petit, petit à petit. Et jour après jour —je prenais une heure fixe et je faisais l'exercice, régulièrement. D'abord, on se sert de son imagination, et puis ça devient un fait. Et au bout d'un certain temps, j'avais tout à fait la sensation physique que ma vision se déplaçait : je la suivais, et puis je voyais des choses en bas, que j'ignorais tout à fait. Je vérifiais après. Le soir, je demandais: "Est-ce que ça, c'était comme cela? Et ça, c'était comme cela?"

Mais pour chacune de ces choses, il faut faire cela pendant des mois, avec patience, une sorte d'obstination. On prend les sens l'un après l'autre : l'ouïe, la vue, et même on arrive à des choses subtiles du goût, de l'odorat, du toucher.

Au point de vue mental, c'est plus facile, parce que là, on est habitué à la concentration. Quand on veut réfléchir et trouver une solution, au lieu de suivre des déductions de pensée, on arrête tout et on essaye de concentrer, concentrer, intensifier le point du problème — on arrête tout et on attend, jusqu'à ce que, par l'intensité de la concentration, on obtienne une réponse. Cela aussi demande un peu de temps. Mais quand on a été un bon élève, on a un peu l'habitude de faire cela, ce n'est pas très difficile.

Il y a une sorte de prolongation des sens physiques. Les Indiens Peaux-Rouges, par exemple, ont une ouïe et un odorat beaucoup, beaucoup plus étendus que les nôtres — et les chiens ! Je connaissais un Indien (c'était mon ami quand j'avais huit ou dix ans, il était venu avec Buffalo Bill, du temps de l'Hippodrome, il y a longtemps, j'avais huit ans) et il mettait son oreille par terre, et il était tellement calé qu'il savait la distance : suivant l'intensité de la vibration, il savait à quelle distance se trouvait le bruit de celui qui marchait. Après cela, les enfants disaient tout de suite : "Je voudrais bien savoir ça!" Et puis on essaye.

C'est comme cela qu'on se prépare. On croit qu'on s'amuse et puis on se prépare pour plus tard.

27 février 1962

 


1 "Entendre derrière un son, a précisé Mère, c'est se mettre en rapport avec la réalité subtile qui est derrière le fait matériel, derrière la parole ou le son physique, ou derrière la musique, par exemple. On se concentre, et puis on entend ce qui est derrière. C'est se mettre en contact avec la réalité vitale qui est derrière les apparences (il peut y avoir aussi une réalité mentale, mais généralement, ce qui est immédiatement derrière le bruit physique, c'est une réalité vitale)." (En arrière)

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