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Émotion et l'amour - l'vital et psychique

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Une émotion est-elle toujours un mouvement vital?

Ça dépend de quelle émotion et ça dépend aussi de ce qu'on appelle "émotion". Par exemple, il y a une condition dans laquelle, si on est mis en présence d'un mouvement psychique très précis, très clair, c'est-à-dire très distinctement psychique — cela arrive assez fréquemment —, l'émotion est tellement forte que les larmes viennent aux yeux. On n'est pas triste, on n'est pas heureux, ni l'un ni l'autre; ça ne correspond pas à un sentiment quelconque, mais c'est une intensité d'émotion qui provient d'un contact avec quelque chose qui est clairement, d'une façon précise, psychique; cela peut être en soi-même, mais c'est encore plus souvent en quelqu'un d'autre. Quand on est en contact avec une action, un mouvement, une manifestation d'ordre psychique, alors, tout d'un coup, les yeux se remplissent de larmes. Si on appelle cela une émotion, évidemment, c'est une émotion, n'est-ce pas. Mais, généralement, ça provient d'une chose : l'être physique a un besoin très peu conscient mais très intense du contact avec la vie psychique. Il se sent pauvre, dénué, isolé et abandonné quand il n'est pas en contact avec l'être psychique. Il n'y a pas un être physique sur un million qui le sache. Mais ces espèces d'impressions, n'est-ce pas, d'être comme perdu, suspendu, sans protection, sans soutien, manquant de quelque chose, on ne sait pas de quoi, quelque chose qu'on ne comprend pas mais qui vous manque, un vide quelque part, eh bien, cela arrive plus souvent qu'on ne le croit — les gens ne savent pas du tout ce que c'est. Mais alors, quand pour une raison quelconque, tout d'un coup, cette conscience se trouve en rapport avec un phénomène clairement psychique, se trouve en rapport avec les forces psychiques, les vibrations psychiques, l'impression est tellement forte, tellement forte que, certainement, le plus souvent, le corps peut à peine le contenir — c'est comme une joie trop grande, n'est-ce pas, qui déborde de tous les côtés —, qu'on ne peut pas le contenir, on ne peut pas le maintenir au-dedans de soi. Alors, ça, c'est comme ça... Il y a tout d'un coup une sorte de révélation, pas très consciente, pas clairement exprimée, mais la révélation de : c'est ça, c'est ça qu'il me faut. Et c'est tellement fort, tellement fort que ça donne une émotion, n'est-ce pas, qui est faite de tant de choses qu'on peut à peine exprimer ce que c'est. Ça, ce sont des émotions qui ne sont pas vitales.

Les émotions vitales sont tout à fait d'une autre nature — elles sont très claires, très précises, vous pouvez les exprimer d'une façon très nette; elles sont violentes, elles vous remplissent d'une... généralement d'intensité, d'agitation, quelquefois d'une grande satisfaction. Et puis alors, il y a l'opposé qui vient avec la même force. Et alors les gens... Il y a beaucoup de gens qui croient (c'est une chose dont nous avons parlé déjà plusieurs fois), il y a des gens qui s'imaginent qu'ils ne connaissent l'amour que quand l'amour est comme ça, quand l'amour est dans le vital, quand ça s'accompagne de tous les mouvements du vital, toute cette intensité, cette violence, cette précision, cet éclat, cette brillance. Et alors, quand ce n'est pas là, ils disent : "Oh, ce n'est pas de l'amour."

Et pourtant, c'est justement comme ça que l'amour se déforme : ce n'est déjà plus de l'amour, ça commence à être delà passion. Et, n'est-ce pas, c'est une erreur presque universelle parmi les êtres humains.

Il y à des gens qui sont pleins d'un amour psychique très pur, très haut, très désintéressé, qui n'en savent rien et croient j qu'ils sont froids, secs et sans amour parce qu'il n'y a pas ce ; mélange de la vibration vitale. Pour eux, l'amour commence avec cette vibration et finit avec elle aussi.

Alors, comme c'est une chose extrêmement instable, qui a des actions et des réactions et des violences de toutes sortes dans la dépression comme dans la satisfaction, pour les gens, l'amour est une chose extrêmement fugitive — ils ont des minutes d'amour dans leur vie. Ça peut durer, n'est-ce pas, quelques heures, et après on redevient terne et plat et on s'imagine que l'amour vous a quitté.

Comme je l'ai dit, il y a des gens qui sont tout à fait en dehors de ça, qui sont arrivés à maîtriser ça de telle façon que cela ne se mélange plus à rien, qui ont au-dedans d'eux cet amour psychique qui est tout fait d'oubli de soi, de don de soi, de compassion, de générosité, de grandeur de vie et qui est un grand pouvoir d'identification. Alors, la plupart des gens croient qu'ils sont froids ou indifférents... très gentils, ce sont des gens très gentils, n'est-ce pas, mais ils n'aiment pas ; et eux-mêmes quelquefois ils ne savent pas. J'en ai connu, n'est-ce pas, qui pensaient qu'ils n'avaient pas d'amour parce qu'ils n'avaient pas cette vibration vitale. Généralement, quand les gens parlent d'émotion, ce sont des émotions vitales dont ils parlent. Mais il y a un autre genre d'émotions, qui est d'un ordre infiniment supérieur et qui ne se manifeste pas de la même manière, qui a autant d'intensité, mais c'est une intensité sous contrôle, contenue, condensée, concentrée, qui est un pouvoir dynamique extraordinaire.

De vrais amours peuvent faire des choses extraordinaires, mais c'est rare. N'est-ce pas, toutes sortes de miracles peuvent se faire par amour pour celui qu'on aime, non pas pour tous, mais pour ceux ou celui qu'on aime. Mais alors, ça il faut que ce soit un amour libre de tous les mélanges du vital — c'est-à-dire un amour absolument pur et désintéressé qui ne demande aucune chose en échange, qui ne s'attend à aucune chose en échange.

CWM vol.15 Le 30 janvier 1951

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