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Pensées et Aphorismes de Sri Aurobindo

Pensées et Aphorismes  de Sri Aurobindo

Les commentaires de la m ère s’échelonnent sur une période de douze années (1958-1970), avec de longues interruptions. i ls sont donc d’une forme et d’un caractère très différents suivant les époques et peuvent être divisés en quatre périodes. a u cours des trois premières périodes (1958-1966), les commentaires de la m ère sont principalement de vive voix (à part une brève série de réponses écrites), puis, avec le temps, tendent de plus en plus à s’écarter des aphorismes pour exposer l’expérience en cours à cette époque. Les commentaires de la quatrième période (1969-1970) se présentent sous forme de brèves réponses écrites.

    1. Aph. 1 à 12 (1958)réponses verbales, au cours des « classes du vendredi » au t errain de Jeux de l’ a shram, qui ont pris fin le 5 décembre 1958.
    2. Aph. 13 à 68 (1960-61)réponses écrites et quelques réponses de vive voix.
    3. Aph. 69 à 124 (1962-66)réponses verbales, qui s’éloignent de plus en plus des aphorismes et qui ont été en partie publiées dans le Bulletin de l’ a shram sous le titre de À Propos .
    4. Aph. 125 à 541 (1969-70)brèves réponses écrites.

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JNÂNA (La Connaissance) 1

Commentaires Première Période (1958)

 

Il ne sert à rien de lire des livres instructifs si l'on n'est pas résolu à vivre ce qu'ils enseignent.

bénédictions
La Mère

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1.

1 — Il y a dans l'homme deux pouvoirs alliés : la Connaissance et la Sagesse. La Connaissance est ce qu'en tâtonnant le mental peut saisir de la vérité vue dans un milieu déformé; la Sagesse, ce que l'œil de la vision divine voit dans l'Esprit.

 

Quelqu'un a demandé : "Pourquoi les pouvoirs sont-ils alliés?"

Je suppose que l'on est habitué à voir dans l'homme toutes les choses qui se querellent, si bien que d'être allié suscite l'étonnement ! Mais les querelles ne sont qu'apparentes. En fait, nécessairement, tous les pouvoirs qui viennent des régions supérieures sont alliés. Et Sri Aurobindo dit de façon suffisamment claire, pour celui qui comprend, que l'un de ces pouvoirs appartient au mental et que l'autre appartient à l'Esprit. C'est justement cela la vérité profonde que Sri Aurobindo veut révéler dans son aphorisme, c'est que si le mental essaye d'avoir le second pouvoir, il ne le peut pas, puisque c'est un pouvoir qui appartient à l'Esprit et qui naît dans l'être humain avec la conscience spirituelle.

La connaissance est quelque chose que le mental peut obtenir avec beaucoup d'efforts, bien que ce ne soit pas la Connaissance véritable mais un aspect mental de la Connaissance; tandis que la Sagesse n'appartient pas du tout au mental, qui est tout à fait incapable de l'avoir parce que, en vérité, il ne sait même pas ce que c'est. Je le répète : la Sagesse est essentiellement un pouvoir de l'Esprit et elle ne naît qu'avec la conscience spirituelle.

Une question qu'il aurait été intéressant de poser, c'est ce que Sri Aurobindo veut dire quand il parle de "la vérité vue dans un milieu déformé". Quel est d'abord ce milieu déformé et que devient la Vérité dans un milieu déformé?

Comme toujours, ce que dit Sri Aurobindo peut avoir plusieurs sens superposés — l'un plus particulier, l'autre plus général.

Au sens le plus particulier, le milieu déformé est le milieu mental qui fonctionne dans l'ignorance et qui, par conséquent, est incapable d'exprimer la vérité dans sa pureté. Mais comme la vie tout entière est vécue dans l'ignorance, le milieu déformé est aussi l'atmosphère terrestre qui, tout entière, déforme la vérité qui essaye de s'exprimer à travers elle.

Et ici se trouve le point le plus subtil de cette phrase. Qu'est-ce que le mental peut saisir en tâtonnant? Nous savons qu'il tâtonne toujours, qu'il essaye de savoir, qu'il se trompe et qu'il revient à ses vieux essais, et qu'il en essaye d'autres, enfin... c'est une marche très, très trébuchante, mais qu'est-ce qu'il peut saisir de la Vérité? Est-ce un fragment, un morceau, quelque chose qui tout de même reste la Vérité, mais partielle, incomplète, ou est-ce quelque chose qui n'est plus la Vérité? C'est là le point intéressant.

Nous avons été habitués à entendre, peut-être avons-nous répété aussi bien des fois, que l'on ne peut avoir que des connaissances partielles, incomplètes, fragmentaires, et qui, par conséquent, ne peuvent pas être des connaissances vraies. Ce point de vue est assez banal et il suffit d'avoir étudié un peu dans sa vie pour s'en être rendu compte, mais ce que Sri Aurobindo veut dire par "la vérité vue dans un milieu déformé", est beaucoup plus intéressant que cela.

C'est la Vérité elle-même qui change d'aspect, c'est elle qui dans ce milieu-là n'est plus la Vérité, mais une déformation de la Vérité; et par conséquent, ce que l'on peut en saisir, ce n'est pas un morceau qui serait vrai, mais un aspect, l'apparence fausse d'une vérité qui elle-même s'est évanouie.

Je vais vous donner une image pour essayer de me faire comprendre. Ce n'est qu'une image et rien de plus, ne la prenez pas au pied de la lettre.

Si nous comparons la Vérité essentielle à une sphère de lumière blanche, éblouissante et sans tache, nous pouvons dire que dans le milieu mental, dans l'atmosphère mentale, cette lumière blanche, totale, se transforme en des milliers et des milliers de nuances qui ont chacune leur couleur distincte, parce qu'elles sont séparées l'une de l'autre — le milieu a déformé la lumière blanche et la fait percevoir comme d'innombrables couleurs différentes, rouge, vert, jaune, bleu, etc., qui sont parfois très discordantes, et le mental se saisit, non d'un petit morceau de lumière blanche de la sphère blanche, mais d'un certain nombre, plus ou moins grand, de petites lumières de couleurs différentes, avec lesquelles il ne peut même pas reconstituer la lumière blanche; par conséquent il ne peut pas atteindre la Vérité. Ce ne sont pas des fragments de vérité qu'il possède, mais une vérité décomposée. C'est un état de décomposition.

La Vérité est un tout, et tout est nécessaire. Le milieu déformé dans lequel vous voyez, l'atmosphère mentale, est impropre à manifester, ou à exprimer, ou même à percevoir tous les éléments — et on peut dire que c'est le meilleur qui échappe. On ne peut donc plus appeler cela la Vérité, mais quelque chose qui essentiellement est vrai et qui, là, dans l'atmosphère mentale, ne l'est plus du tout — une ignorance.

Ainsi, pour résumer, je dirai que la Connaissance telle que le mental humain peut la saisir est forcément une connaissance dans l'ignorance, on pourrait presque dire une connaissance ignorante.

La Sagesse, c'est la vision de la Vérité dans son essence, et de son application dans la manifestation.

12 septembre 1958

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2.

2 — L'inspiration est un courant ténu de brillante clarté qui jaillit d'une Connaissance vaste et éternelle. Elle dépasse la raison plus parfaitement que la raison ne dépasse la connaissance des sens.

 

Un certain nombre de questions posées sont : "Pourquoi Sri Aurobindo a-t-il dit comme cela?"... une chose ou l'autre.

Je pourrais répondre : "Il a dit comme cela, parce qu'il a vu comme cela." Mais il faut comprendre une chose pour commencer; ce sont des définitions que donne Sri Aurobindo, des définitions qu'il donne le plus souvent sous une forme paradoxale, pour nous obliger à réfléchir.

Il y a les définitions du dictionnaire qui sont les explications ordinaires des mots, la compréhension ordinaire, et qui ne vous font pas réfléchir. Ce que dit Sri Aurobindo est dit dans le but de briser la conception habituelle, afin de vous faire toucher une vérité plus profonde. Alors une quantité de questions sont ainsi éliminées.

L'effort qu'il faut faire, c'est de tâcher de trouver la connaissance plus profonde, la vérité plus profonde que Sri Aurobindo a exprimée de cette façon, qui n'est pas la façon courante de définir un mot.

Je retiendrai quelques questions, et une toute première qui m'a intéressée parce qu'elle vient d'un esprit réfléchi. La question porte sur le mot "connaissance" et compare l'emploi du mot tel que Sri Aurobindo le fait dans cet aphorisme et tel qu'il l'a fait dans l'aphorisme que nous avons lu la semaine dernière.

Quand, la semaine dernière, Sri Aurobindo opposait, si l'on peut dire, la connaissance à la Sagesse, il parlait de la connaissance telle qu'elle est pratiquée par la conscience humaine générale, la connaissance que l'on obtient par l'effort et lé développement mental, tandis qu'ici, au contraire, la connaissance dont il parle est la Connaissance essentielle, la Connaissance supramentale divine, la Connaissance par identité. C'est d'ailleurs pour cela, qu'ici, il la définit comme "vaste et éternelle", ce qui indique évidemment que ce n'est pas la connaissance humaine telle que nous la comprenons d'habitude.

Beaucoup de gens ont demandé pourquoi Sri Aurobindo a dit que le courant était "ténu". C'était pour faire une image expressive, une opposition frappante entre cette immensité de Connaissance divine, supramentale — l'origine de cette inspiration qui est infinie — et ce qu'un esprit humain peut en percevoir et en recevoir. Même lorsqu'on est en contact avec ces domaines, la quantité de ce que l'on en perçoit est minime, ténue; c'est comme un tout petit ruisseau, ou quelques gouttes qui tomberaient, et ces gouttes sont si pures, si brillantes, si complètes en elles-mêmes, qu'elles vous donnent la perception d'une inspiration merveilleuse, l'impression que vous avez touché à des domaines infinis et que vous vous êtes élevé très haut au-dessus de la condition humaine ordinaire — et pourtant ce n'est rien en comparaison de ce qui est à percevoir.

On a demandé aussi si l'être psychique¹, ou la conscience psychique, est le milieu à travers lequel se perçoit l'inspiration.

Généralement, oui. Le premier contact que l'on a avec les régions supérieures est un contact psychique. Certainement, avant d'avoir obtenu une ouverture psychique intérieure, il est difficile d'avoir des inspirations. Cela peut se produire d'une façon exceptionnelle et dans des conditions exceptionnelles, comme une grâce, mais le vrai contact se produit à travers le psychique, parce que la conscience psychique est le milieu le plus en rapport avec la Vérité divine.

 

¹Dans chaque forme évolutive, il y a la présence psychique qui suit le mouvement de l'évolution, prend forme progressivement autour de l'étincelle de la Conscience divine au centre de l'être, s'individualise de vie en vie, et devient l'être psychique.  

 

 


 

Plus tard, quand on a émergé de la conscience mentale dans une conscience supérieure au-delà du mental, même du mental supérieur, et que l'on s'ouvre aux régions du Surmental, et à travers le Surmental au Supramental, on peut recevoir directement les inspirations; et naturellement, à' ce moment-là, elles deviennent plus fréquentes, plus fournies si l'on peut dire, plus complètes. Vient un moment où l'on peut obtenir l'inspiration à volonté; mais évidemment cela exige un développement intérieur considérable.

L'inspiration, comme nous venons de le dire, provenant de régions très au-dessus du mental, dépasse en valeur et en qualité tout ce que le mental peut produire de plus haut, comme la raison. La raison est certainement au sommet de l'activité mentale humaine; elle peut critiquer et contrôler la connaissance telle qu'on l'acquiert à l'aide des sens. Bien des fois, il a été dit que les sens sont des moyens de connaissance tout à fait défectueux, qu'ils ne peuvent pas percevoir les choses telles qu'elles sont, que leurs renseignements sont superficiels et très souvent erronés. La raison dans l'homme, quand elle est pleinement développée, sait cela, et elle ne se fie pas à la connaissance des sens; c'est seulement quand on est infra-raisonnable, si je puis dire, que l'on croit que tout ce qu'on voit, tout ce qu'on entend, tout ce qu'on touche, est absolument vrai. Dès que l'on s'est développé dans la région de la raison supérieure, on sait que toutes ces notions sont presque essentiellement fausses et que l'on ne peut d'aucune façon se baser sur elles. Mais la connaissance que l'on reçoit de cette région supramentale ou divine dépasse tout ce que la raison peut concevoir et comprendre, au moins autant que la raison dépasse la connaissance des sens.

Un certain nombre de questions portent sur un point pratique : "Comment développer la capacité d'inspiration? Quelles sont les conditions pour recevoir l'inspiration et est-il possible de l'avoir d'une façon constante?"

J'ai déjà répondu à cela. Quand on s'ouvre aux régions supramentales, on se met dans les conditions qu'il faut pour avoir des inspirations constantes. Jusque-là, la meilleure méthode est de faire taire son mental autant qu'on le peut, de le tourner vers le haut et d'être dans un état de réceptivité silencieuse et attentive. Plus on peut établir un calme silencieux, parfait, dans le mental, plus on se rend capable de recevoir des inspirations.

On a demandé aussi si les inspirations sont de qualités différentes.

Dans leur origine, non. C'est toujours quelque chose qui descend des régions de la Connaissance pure et qui pénètre dans la partie la plus réceptive de l'être humain, la plus appropriée à la recevoir, mais ces inspirations peuvent s'appliquer à des domaines d'action différents; ce peut être des inspirations de connaissance pure, ce peut être aussi des inspirations pour aider à l'effort de progrès, et cela peut être aussi des inspirations pour des actions à accomplir, pour aider dans la réalisation pratique et extérieure. Mais il s'agit ici de l'emploi que l'on fait de l'inspiration, plutôt que de la qualité de l'inspiration — l'inspiration est toujours comme une goutte de lumière et de vérité qui réussit à pénétrer dans la conscience humaine.

Ce que la conscience humaine fera de cette goutte dépend de l'attitude, du besoin, de l'occasion, des circonstances; cela ne change pas la nature essentielle de l'inspiration, mais cela change l'emploi qu'on en fait, l'emploi pratique.

Quelques questions concernent la différence entre l'inspiration et l'intuition. Ce n'est pas la même chose;

mais je pense que nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet au cours de notre lecture, et quand Sri Aurobindo nous dira ce qu'il considère comme l'intuition, nous en reparlerons. 

D'une façon générale et presque absolue, si l'on veut vraiment profiter de cette lecture, comme de celle de tous les écrits de Sri Aurobindo, la meilleure méthode est celle-ci : après avoir rassemblé sa conscience, fixé son attention sur ce qu'on lit, il faut établir un minimum de tranquillité mentale — si l'on peut obtenir le silence parfait, c'est la meilleure chose — et arriver à un état d'immobilité cérébrale tel que l'attention devient semblable à la surface d'une eau absolument paisible. Alors la chose lue traverse cette surface et pénètre profondément dans l'être où elle est reçue avec le minimum de déformation; et après, quelquefois longtemps après, cela resurgit des profondeurs et se manifeste dans le cerveau avec sa pleine puissance de compréhension, non comme une connaissance acquise du dehors, mais comme une lumière que l'on portait au-dedans de soi.

De cette façon, la faculté de comprendre est à son maximum, tandis que si, en lisant, votre mental reste agité et qu'il essaye de raisonner et de comprendre immédiatement ce qu'il lit, vous perdez plus des trois quarts de la force, de la connaissance et de la vérité contenues dans les mots. Et si vous pouvez ne poser des questions que lorsque ce processus d'absorption et de réveil intérieur est accompli, eh bien, vous vous apercevrez qu'il y a beaucoup moins de choses à demander, parce que vous aurez mieux compris ce que vous avez lu.

19 septembre 1958

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6.

6 — J'ai appris, tard, que lorsque la raison mourait la Sagesse naissait; avant cette libération je n'avais que la connaissance.

 

Une fois de plus, il faut vous répéter que la forme de ces aphorismes est volontairement paradoxale afin de donner un petit choc au mental et de l'éveiller suffisamment pour qu'il fasse un effort de compréhension. Il ne faut pas prendre cela au pied de la lettre. Certaines personnes ont l'air de s'inquiéter à l'idée qu'il faut que la raison disparaisse pour devenir sage. Ce n'est pas cela, ce n'est pas du tout cela.

Il faut que la raison ne soit plus le sommet et le maître.

Pendant fort longtemps dans la vie, avant qu'on ne possède quelque chose qui ressemble à la Connaissance, il est indispensable que la raison soit le maître, autrement on est le jouet de ses impulsions, de ses fantaisies, de ses imaginations émotives plus ou moins déréglées et on risque d'aller très loin, non seulement de la sagesse mais même de la connaissance indispensable pour se conduire convenablement. Mais quand on est arrivé à gouverner toutes les parties inférieures de son être à l'aide de la raison, qui est le sommet de l'intelligence humaine ordinaire, alors, si l'on veut dépasser ce point, si l'on veut se libérer de la vie ordinaire, de la pensée ordinaire, de la vision ordinaire des choses, il faut, si je puis dire, monter sur la tête de la raison — non pas la fouler aux pieds avec mépris, mais s'en servir comme d'un marchepied pour gravir plus haut, au-delà d'elle, et atteindre quelque chose qui se soucie fort peu de ses décrets et qui peut se permettre d'être déraisonnable, parce que c'est une déraison supérieure, avec une lumière supérieure, quelque chose qui est au-delà de la connaissance ordinaire et qui reçoit ses inspirations d'en haut, de très haut, de la Sagesse divine.

Voilà ce que cela veut dire.

Quant à la connaissance dont Sri Aurobindo parle ici, c'est la connaissance ordinaire, ce n'est pas la connaissance par identité; c'est celle que l'on peut acquérir par l'intellect, par la pensée, par les moyens ordinaires.

Mais une fois de plus, et d'ailleurs nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet avec les aphorismes suivants, ne vous hâtez pas d'abandonner la raison avec la conviction que tout de suite vous entrerez dans la sagesse, parce qu'il faut être prêt pour entrer dans la sagesse, autrement on risque fort, en abandonnant la raison, d'entrer dans la déraison, ce qui est assez dangereux.

Bien des fois dans ce qu'il a écrit, particulièrement dans La Synthèse des Yoga., Sri Aurobindo nous met en garde contre les fantaisies de ceux qui croient pouvoir faire la sâdhanâ¹ sans avoir un contrôle sévère sur eux-mêmes, et qui écoutent toutes sortes d'inspirations qui les mènent à un déséquilibre dangereux où tous leurs désirs refoulés, cachés, secrets, se donnent jour sous prétexte de se libérer des conventions ordinaires et de la raison ordinaire.

On ne peut être libre qu'en jaillissant vers le haut, très haut au-dessus des passions humaines. On n'a le droit d'être libre que lorsqu'on a une liberté supérieure, non égoïste, et que l'on en a fini avec tous les désirs et toutes les impulsions.

 

¹Discipline spirituelle.  

 


 

Mais il ne faudrait pas non plus que les gens très raisonnables, très moraux selon les lois sociales ordinaires, se croient sages, parce que leur sagesse est une illusion et qu'elle n'a en elle aucune vérité profonde.

Il faut être au-dessus des lois pour pouvoir les violer, il faut être au-dessus des conventions pour pouvoir les .négliger, il faut être au-dessus de toutes les règles pour pouvoir les mépriser, et que le mobile de cette libération ne soit jamais un mobile égoïste, personnel, pour satisfaire une ambition ou agrandir sa personnalité, par supériorité, par mépris des autres, pour être au-dessus, du troupeau et pouvoir le regarder avec condescendance. Méfiez-vous quand vous sentez en vous ce sens de la supériorité et que vous regardez les autres ironiquement, d'un petit air : "Moi, je ne suis plus de cette étoffe-la" — à ce moment-là vous déraillez, et vous risquez de tomber dans un abîme.

Quand on entre vraiment dans la sagesse, la vraie sagesse, celle dont Sri Aurobindo parle ici, il n'y a plus de supérieur et d'inférieur, il n'y a qu'un jeu de forces où toute chose a sa place et son importance, et s'il y a une hiérarchie, c'est une hiérarchie de soumission au Suprême, ce n'est pas une hiérarchie de supériorité vis-à-vis de ce qui est au-dessous.

Et avec l'entendement humain, la raison humaine, la connaissance humaine, on est incapable de discerner cette hiérarchie-là; c'est seulement l'âme éveillée qui est capable de reconnaître une autre âme éveillée, alors le sens de la supériorité disparaît complètement.

La vraie sagesse ne vient que quand l'ego disparaît, et l'ego disparaît seulement quand vous êtes prêt à vous abandonner complètement au Seigneur suprême, sans aucun mobile personnel et sans en attendre aucun profit — quand on le fait parce qu'on ne peut pas faire autrement.

17 octobre 1958

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9.

9 — Ce que l'âme voit et l'expérience qu'elle fait, cela elle le connaît, tout le reste est apparence, préjugé et opinion.

 

Ceci revient à dire que toute connaissance qui n'est pas le résultat d'une" vision de l'âme ou de son expérience est une connaissance qui n'a pas de valeur vraie.

Mais immédiatement se pose la question, qui m'a été posée d'ailleurs : "Comment savoir ce que l'âme voit?"

Évidemment, il n'y a qu'une solution, c'est de devenir conscient de son âme, et ceci complète l'aphorisme : à moins que l'on ne soit conscient de son âme, on n'a pas la connaissance vraie. Par conséquent, le premier effort doit consister à trouver son âme au-dedans de soi, à s'unir à elle et à la laisser gouverner la vie.  

Certains demandent : "Comment savoir si c'est l'âme?" J'ai déjà répondu à cette question plusieurs fois. Ceux qui la posent, par le fait même qu'ils la posent, prouvent qu'ils ne sont pas conscients de leur âme, parce que de la minute où l'on est conscient de son âme et identifié à elle, on le sait d'une façon positive et on ne demande plus comment le savoir. Et cette expérience-là n'est pas une expérience qui se copie ou s'imagine, on ne peut pas faire semblant d'être en contact avec son âme — c'est une chose qui ne s'invente pas, qui ne se copie pas. Quand c'est l'âme qui gouverne la vie, on le sait d'une façon absolue et on ne questionne plus.

Mais l'utilité de l'aphorisme que nous venons de lire, c'est de vous faire comprendre que tout ce que vous croyez connaître, que vous avez appris ou même qui vous est venu au cours de la vie par des observations personnelles, des déductions personnelles, des comparaisons, tout cela est une connaissance très relative et sur laquelle vous ne pouvez pas établir un système de vie durable et vraiment efficace.

Nous avons répété cela combien de fois, que tout ce qui vient du mental est tout à fait relatif, que le mental, plus il est éduqué, plus il a suivi de disciplines, plus il est capable de prouver que ce qu'il avance ou ce qu'il dit est vrai. On peut prouver la vérité de toute chose par le raisonnement, mais cela ne veut pas dire pour autant que c'est vrai. Cela reste des opinions, des préjugés et une connaissance basée sur une apparence qui elle-même est plus que douteuse.

Ainsi, il semble n'y avoir qu'une porte de sortie, c'est d'aller à la recherche de son âme et de la trouver. Elle est là, elle ne se cache pas exprès, elle ne joue pas avec vous pour vous donner des difficultés; au contraire, elle fait beaucoup d'efforts pour que vous la trouviez et pour se faire entendre, seulement il y a entre elle et votre conscience active deux personnages, le vital et le mental, qui ont l'habitude de faire beaucoup de bruit.  Et comme ils font beaucoup de bruit et que l'âme n'en fait pas, ou en fait aussi peu que possible, leur bruit vous empêche d'entendre sa voix.

Quand vous voulez savoir ce qu'elle sait, votre âme, vous pouvez faire un effort intérieur, être très attentif, et en fait, si on est attentif, derrière ce bruit très extérieur du mental et du vital, on peut discerner quelque chose de très subtil, très tranquille, très paisible, qui sait, et qui dit ce que cela sait. Mais l'insistance des autres est si impérieuse et ça c'est si tranquille que, très facilement, on se trompe et qu'on écoute celui qui fait le plus de bruit, pour s'apercevoir après, le plus souvent, que c'était l'autre qui avait raison. Mais ça ne s'impose pas, ça ne vous oblige pas à l'écouter, parce que ça n'a pas de violence.

Quand vous hésitez, quand vous vous demandez que faire dans une circonstance ou une autre, il y a le désir, la préférence, à la fois mentale et vitale, qui poussent, qui insistent, qui s'affirment, qui s'imposent, et avec les meilleures raisons du monde font tout un argument, et si vous n'êtes pas sur vos gardes, si vous n'avez pas une forte discipline, si vous n'avez pas l'habitude de vous contrôler, ils finissent par vous convaincre qu'ils ont raison et, comme je le disais tout à l'heure, ça fait tant de bruit que vous n'entendez même pas la toute petite voix ou la toute petite indication très tranquille de l'âme qui dit : "Ne le fais pas."

Ce "ne le fais pas", cela arrive souvent, et d'un coup on le jette de côté comme une chose qui n'a pas de force et on suit son destin impulsif. Mais si, vraiment, on est sincère dans sa volonté de trouver la vérité et de la vivre, alors on apprend à écouter de mieux en mieux, on apprend à discerner de plus en plus, et même si cela coûte un effort, même si cela cause une douleur, on apprend à obéir.  Et même si l'on n'a obéi qu'une fois, c'est une aide puissante, c'est un progrès considérable sur le chemin du discernement entre ce qui est l'âme et ce qui ne l'est pas, et avec ce discernement et la sincérité nécessaire on est sûr d'arriver au but.

Mais il ne faut pas être pressé, il ne faut pas être impatient, il faut être très persévérant. On se trompe dix fois pour une où l'on fait ce qu'il faut, mais quand on se trompe, il ne faut pas tout abandonner et être désespéré, il faut se dire que la Grâce ne vous abandonne jamais et que la prochaine fois ce sera mieux.

Ainsi, en conclusion, nous dirons que pour connaître les choses telles qu'elles sont, il faut d'abord s'unir à son âme, et que pour s'unir à son âme, il faut le vouloir avec persistance et persévérance.

C'est seulement le degré de concentration sur le but qui peut diminuer la longueur du chemin.

14 novembre 1958

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10.

10 — Mon âme sait qu'elle est immortelle. Mais vous taillez en pièces un cadavre et triomphalement vous clamez : "Où donc est votre âme et où votre immortalité?"

 

On a beaucoup répété — mais à part quelques cas très peu compris — que c'est seulement le semblable qui peut connaître le semblable. Si l'on comprenait cela, il y aurait beaucoup d'ignorance qui disparaîtrait.

C'est seulement l'âme qui peut connaître l'âme, et dans chaque degré de l'être c'est seulement le degré équivalent qui peut reconnaître l'autre. C'est seulement le Divin qui peut connaître le Divin. Et c'est parce que nous portons en nous le Divin que nous sommes capables de Le voir et de Le reconnaître. Mais si nous essayons de comprendre quelque chose à la vie intérieure en nous servant de nos sens et de nos procédés extérieurs, nous sommes sûrs de n'aboutir qu'à un échec total et, aussi, à nous tromper totalement nous-mêmes.

Ainsi, quand on s'imagine pouvoir connaître les secrets de la Nature en restant dans une conscience purement physique, on se trompe tout à fait. Et cette habitude d'exiger des preuves concrètes et matérielles pour accepter la réalité de quelque chose est l'un des effets les plus évidents de l'ignorance; avec cette attitude-là, le premier sot venu s'imagine qu'il peut juger des choses les plus hautes, et il vient donner des démentis aux expériences les plus profondes.

Ce n'est certainement pas en disséquant un corps qui est mort, parce que l'âme en est partie, qu'on peut trouver cette âme. Si l'âme n'était pas partie, le corps ne serait pas mort! Et c'est pour nous faire toucher du doigt l'absurdité de cette prétention que Sri Aurobindo a écrit cet aphorisme.

Il s'applique à tous les jugements de l'esprit critique humain et à toutes les méthodes scientifiques quand elles veulent juger d'autre chose que des choses purement matérielles.

La conclusion est toujours la même : la seule attitude vraie est une attitude d'humilité, de respect silencieux devant ce que l'on ne connaît pas et d'aspiration intérieure pour sortir de son ignorance. C'est l'une des choses qui ferait le plus progresser l'humanité : respecter ce qu'elle ne connaît pas, reconnaître de bon gré qu'on ne sait pas et que, par conséquent, on ne peut pas juger. On fait constamment le contraire. On prononce des jugements définitifs sur des choses que l'on ne sait pas du tout, on dit d'un air péremptoire : "Ça c'est possible, et ça c'est impossible", alors que l'on ne sait même pas de quoi il s'agit. Et on prend des airs supérieurs parce qu'on doute de choses que l'on n'a jamais sues.

On croit que le doute est un signe de supériorité, alors que c'est un signe d'infériorité.

Le scepticisme et le doute sont deux des plus grands obstacles au progrès. Cela ajoute l'outrecuidance à l'ignorance.

21 novembre 1958

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11.

11— L'immortalité n'est pas la survie de la personnalité mentale après la mort, bien que ce soit vrai aussi, mais la possession éveillée du Moi qui est sans mort et sans naissance, et dont le corps n'est qu'un instrument et une ombre.

 

Il y a ici trois affirmations qui ont été l'objet de questions. D'abord : "Qu'est-ce que la personnalité mentale?"

Dans chaque être humain, le corps est animé par l'être vital et gouverné, ou partiellement gouverné, par un être mental. Ceci est une règle générale, mais le degré de formation et d'individualisation de l'être mental est très différent suivant les individus. Dans la grande masse des êtres humains, le mental est une chose fluide qui n'a pas d'organisation propre, et par conséquent ce n'est pas une personnalité. Et tant que le mental est comme cela, fluide, pas organisé, sans vie cohésive propre et sans personnalité, il ne survit pas. Ce qui constituait l'être mental se dissout dans l'état mental quand le corps, la substance qui constituait le corps, se dissout dans la substance physique.

Mais dès que l'être mental est constitué, organisé, individualisé et qu'il devient une personnalité, il ne dépend pas, il ne dépend plus du corps pour son existence, et par conséquent il lui survit. L'atmosphère mentale terrestre est remplie d'êtres, de personnalités mentales, qui vivent d'une façon tout à fait indépendante, même après la disparition du corps, et qui peuvent se réincarner dans un corps nouveau quand l'âme, c'est-à-dire le vrai Moi, se réincarne; celui-ci porte ainsi avec lui le souvenir de ses vies antérieures.

Mais ce n'est pas cela que Sri Aurobindo appelle immortalité. L'immortalité est une vie qui n'a ni commencement ni fin, qui ne naît pas et ne meurt pas, qui est tout à fait indépendante du corps — c'est la vie du Moi, l'être essentiel de chaque individualité, et elle n'est pas séparée du Moi universel. Et cet être essentiel a le sens de l'unité avec le Moi universel; en fait, il est une expression personnifiée, individualisée du Moi universel et cela n'a ni commencement ni fin, ni vie ni mort, cela existe éternellement et c'est cela qui est immortel. Quand nous sommes pleinement conscients de ce Moi, nous participons à sa vie éternelle et, par conséquent, nous sommes immortels.

Mais on fait une petite confusion sur ce mot immortalité — ce n'est pas nouveau, c'est une confusion qui s'est produite très souvent. Quand on parle d'immortalité, la plupart des gens comprennent qu'il s'agit d'une durée indéfinie du corps.

Le corps ne peut durer indéfiniment que si, tout d'abord, il devient pleinement conscient de ce Moi immortel et s'il s'unit à lui, s'identifie à lui, au point d'avoir la même capacité, la même faculté de transformation constante qui permet de suivre le mouvement universel, ce qui est une condition absolument indispensable pour la durée. C'est parce que le corps est fixe, parce qu'il ne suit pas le mouvement, parce qu'il ne peut pas se transformer avec une rapidité suffisante pour s'identifier constamment à l'évolution universelle qu'il se décompose et qu'il meurt. C'est sa fixité, sa dureté, son incapacité de se transformer qui le mettent dans l'obligation d'être détruit afin que sa substance retourne au domaine général de la substance physique et qu'il se reforme dans des formes nouvelles pour être apte à progresser encore. Mais généralement, quand on parle d'immortalité, les gens pensent qu'il s'agit de l'immortalité physique — il est bien entendu que jusqu'à présent elle n'a pas encore été réalisée.

Sri Aurobindo dit que c'est possible, et même que cela arrivera, mais il y met une condition : c'est que le corps soit supramentalisé et qu'il participe aux qualités de l'être supramental qui sont des qualités de plasticité et de transformation constante. Et quand Sri Aurobindo écrit que "le corps n'est qu'un instrument et une ombre", il parle du corps tel qu'il est maintenant, et sera encore pendant fort longtemps probablement. Il n'est que l'instrument du Moi, l'expression très inadéquate de ce Moi, et une ombre — une ombre, quelque chose d'imprécis et d'obscur en comparaison de la lumière et de la précision du Moi éternel.

Comment cette ombre, cet instrument peut-il servir au développement de l'âme, et comment en cultivant l'instrument on peut être utile aux vies postérieures, est une question qui ne manque pas d'intérêt.

Chaque fois que l'âme s'incarne dans un corps nouveau, elle vient avec l'intention de faire une expérience nouvelle qui l'aidera dans son développement et rendra .sa personnalité plus parfaite; c'est ainsi que, de vie en vie, l'être psychique se forme pour devenir une personnalité tout à fait consciente et indépendante qui, lorsqu'elle est arrivée au maximum de son développement, peut choisir non seulement le temps de son incarnation, mais le lieu, le but et l'œuvre à accomplir.

Sa descente dans un corps physique est nécessairement une descente dans l'obscurité, l'ignorance, l'inconscience, et, pendant fort longtemps, elle doit travailler simplement pour amener un peu de conscience dans la matière du corps avant de pouvoir s'en servir pour faire l'expérience qu'elle est venue faire. Ainsi, si par une méthode raisonnée, clairvoyante, nous cultivons le corps, nous aidons en même temps à la croissance de l'âme, à son progrès et à son illumination.

La culture physique consiste à mettre de la conscience dans les cellules du corps. On le sait ou on ne le sait pas, mais c'est un fait. Quand nous nous concentrons pour faire agir nos muscles en accord avec notre volonté, quand nous faisons effort pour assouplir nos membres, pour leur donner une agilité ou une force ou une résistance ou une plasticité qu'ils n'ont pas naturellement, nous infusons dans les cellules de ce corps une conscience qui ne s'y trouvait point, et ainsi nous en faisons un instrument homogène, réceptif, et qui progresse dans et par son action. C'est cela l'importance capitale du développement physique. Naturellement, ce n'est pas là seule chose qui amène la conscience dans le corps, mais c'est une chose qui agit d'une façon tout à fait générale, ce qui est rare. Je vous ai dit plusieurs fois déjà que l'artiste infuse une conscience très grande dans ses mains, l'intellectuel dans son cerveau, mais c'est une chose pour ainsi dire locale, tandis que la culture physique a une action plus générale. Et quand on voit les résultats absolument merveilleux de cette culture, quand on observe à quel point le corps peut se perfectionner, on comprend combien cela peut être utile à l'action de l'être psychique qui est venu dans cette matière car naturellement, quand il est en possession d'un instrument organisé, harmonisé, plein de force, de souplesse et de possibilités, cela favorise considérablement son travail.

Je ne dis pas que les gens qui font de la culture physique le font dans ce but, parce que très peu savent que tel est le résultat, mais qu'ils le sachent ou non, le résultat est là. Et d'ailleurs, si on est un peu sensitif, quand on voit bouger le corps d'un être qui a fait de la culture physique raisonnée et méthodique, on voit une lumière, une conscience, une vie qui n'existe pas dans les autres.

Il y a beaucoup de gens qui voient les choses d'une façon tout à fait extérieure et qui disent : "Ces ouvriers, par exemple, qui sont obligés de faire des travaux de force et qui, pour les besoins de leur métier, apprennent à porter des poids considérables, eux aussi se font des muscles, et au lieu de passer leur temps comme des aristocrates à faire des exercices qui n'ont pas un résultat extérieur très utile, au moins eux, ils produisent quelque chose..." C'est une ignorance, parce qu'il y a une différence essentielle entre des muscles qui ont été développés par une utilisation spéciale, localisée et limitée, et des muscles qui sont tous cultivés volontairement et harmonieusement selon un programme d'ensemble qui ne laisse rien sans travail et sans exercice.

Les gens, comme les ouvriers ou les paysans, qui ont une occupation spéciale et qui développent spécialement certains muscles, ont toujours une déformation professionnelle, et cela n'aide d'aucune façon spéciale à leur progrès psychique, parce que la vie tout entière aide nécessairement au progrès psychique mais d'une façon si inconsciente et si lente que ce pauvre psychique doit revenir encore et encore et encore, et indéfiniment, pour arriver à ses fins. Par conséquent, nous pouvons dire sans risquer de nous tromper que la culture physique, c'est la sâdhanâ du corps, et que toute sâdhanâ aide nécessairement à hâter l'arrivée au but. Plus on le fait consciemment, plus le résultat est prompt et général, mais même si on le fait sans voir plus loin que le bout de ses doigts, ou de ses pieds ou de son nez, on aide au développement total.

Pour finir, on peut dire que toute discipline, quelle qu'elle soit, si on la suit rigoureusement, sincèrement, volontairement, est une aide considérable, car elle permet à la vie terrestre d'atteindre plus rapidement son but et la prépare à recevoir la vie nouvelle. Se discipliner, c'est hâter l'arrivée de cette vie nouvelle et le contact avec la réalité supramentale.

Tel qu'il est, le corps physique n'est vraiment qu'une ombre très défigurée de la vie éternelle du Moi, mais ce corps physique est capable d'un développement progressif; à travers chaque formation individuelle la substance physique progresse, et un jour elle sera capable d'établir un pont entre la vie physique telle que nous la connaissons et la vie supramentale qui se manifestera.

28 novembre 1958

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JNÂNA (La Connaissance) 2

Commentaires Deuxième Période (1960 - 61)

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13.

13 — Ils m'ont dit : "Ces choses sont des hallucinations." Je me suis enquis de ce qu'est une hallucination et j'ai découvert que cela désigne une expérience subjective ou psychique qui ne correspond à aucune réalité objective ni physique. Alors je me suis assis et me suis émerveillé des miracles de la raison humaine.

 

Douce Mère, qu'est-ce que Sri Aurobindo veut dire par "les miracles de la raison humaine" ?

 

           Dans cet aphorisme, Sri Aurobindo désigne par "ils" les matérialistes, les scientistes et, d'une façon générale, tous ceux qui ne croient qu'à la seule réalité physique et qui considèrent la raison humaine comme le seul juge infaillible. D'autre part, les "choses" dont il parle ici sont toutes les perceptions appartenant à d'autres mondes que le monde matériel, tout ce que l'on peut voir avec d'autres yeux que les yeux physiques, toutes les expériences que l'on peut avoir dans les domaines subtils, depuis les perceptions sensorielles du monde vital jusqu'à la béatitude de la Présence divine.

           C'est en parlant de ces "choses" et d'autres similaires que Sri Aurobindo s'est entendu dire que ce sont des "hallucinations". Dans le dictionnaire, on trouve au mot "hallucination" cette définition : "Sensation morbide non provoquée par un objet réel. Perception sans objet." Sri Aurobindo traduit ou précise: "Une expérience subjective ou psychique qui ne correspond à aucune réalité objective ni physique." On ne peut mieux définir ces phénomènes de conscience intérieure qui sont les plus précieux pour l'homme et font de lui quelque chose de plus qu'un simple animal pensant. Et la raison humaine est si bornée, si terre à terre, si prétentieusement ignorante qu'elle veut discréditer, à l'aide d'un mot péjoratif, justement ces facultés-là qui ouvrent à l'homme les portes d'une vie plus haute et meilleure... C'est en. constatant cette incompréhension obstinée que Sri Aurobindo s'émerveille ironiquement des "miracles de la raison humaine". Car le pouvoir de changer à ce point la vérité en mensonge est certainement un miracle!

5 janvier I960*

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14.

14 — Hallucination est le ternie que la science donne à ces visions fugitives et anormales qui nous laissent apercevoir les vérités d'habitude interdites à nos yeux parce que nous sommes exclusivement préoccupés de la matière.

Coïncidence est le terme qu'elle donne à une curieuse technique d'artiste dans l'œuvre de cette Intelligence suprême et universelle qui, dans son être conscient, comme sur une toile, a conçu et exécuté le monde.

 

Que représente V artiste ici?

 

Sri Aurobindo compare ici l'oeuvre du Seigneur suprême, créateur de l'univers, à celle d'un artiste qui, à grands coups de pinceau, brosserait, dans son être conscient comme sur une toile, l'image du monde. Et quand, par le fait d'une "curieuse technique" il superpose deux coups de brosse, cela fait une "coïncidence".

Généralement, le mot "coïncidence" suggère l'idée d'un hasard inconscient et dépourvu de sens. Sri Aurobindo veut nous faire comprendre que le hasard et l'inconscience n'ont rien à voir dans ce phénomène; il est, au contraire, le résultat d'un raffinement de conscience et de goût comme en possèdent les artistes, et peut révéler une intention profonde.

12 janvier 1960 

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26.

26 — Sir Philip Sidney disait du criminel conduit à la potence : "Ainsi s'en va sir Philip Sidney, sans la Grâce de Dieu." Plus sage, il aurait dit : "Ainsi, par la Grâce de Dieu, s'en va sir Philip Sidney."

 

Je n'ai pas compris le sens de cet aphorisme.

Sir Philip Sidney était un homme d'État et un poète, mais malgré son succès dans la vie, il était resté humble de caractère. Il est censé avoir dit, en voyant passer un criminel conduit à la potence, la fameuse phrase que Sri Aurobindo cite dans son aphorisme et que l'on peut traduire ainsi : "Cela aurait pu m'arriver à moi aussi, sans la Grâce de Dieu." Et Sri Aurobindo remarque que si sir Philip avait été plus sage, il aurait dit : "Cela aurait pu m'arriver aussi, par la Grâce de Dieu." Car la Grâce divine est partout et toujours, derrière toute chose et tout événement, quelle que soit notre réaction vis-à-vis de cette chose ou de cet événement, qu'il nous paraisse bon ou mauvais, catastrophique ou bienfaisant.

Et si Sir Philip avait été un yogi, il aurait eu l'expérience de l'unité humaine, et il aurait senti de façon concrète que c'était lui-même ou une partie de lui-même qui était ainsi conduit à la potence, et il aurait su, en même temps, que tout ce qui arrive, arrive par la Grâce du Seigneur.

 

30 mars 1960

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28. (On a traité Napoléon de tyran et d'impérial coupeur de gorges; mais...)

28 — On a traité Napoléon de tyran et d'impérial coupeur de gorges; mais j'ai vu Dieu en armes qui chevauchait l'Europe.

 

Napoleon

 

Toutes ces guerres sont-elles nécessaires à l'évolution terrestre?

À un certain stade du développement humain, les guerres sont inévitables. Aux époques préhistoriques, toute la vie était une guerre; et jusqu'à nos jours, l'histoire humaine est une longue histoire de guerres. Les guerres sont le résultat naturel d'un état de conscience dominé par la lutte pour la vie et par l'agressivité égoïste. Et à l'heure actuelle, rien encore, malgré certains efforts humains vers la paix, ne peut nous donner la certitude que la guerre n'est plus une calamité inévitable. En fait, ouvertement ou non, l'état de guerre n'existe-t-il point en ce moment même sur bien des points de la terre?

D'ailleurs, tout ce qui se passe sur la terre conduit nécessairement à son progrès. Ainsi les guerres sont une école de courage, d'endurance, d'intrépidité; elles peuvent servir à détruire un passé qui se refuse à disparaître alors que son temps est fini, pour qu'il fasse place aux choses nouvelles; les guerres peuvent être, comme à Kouroukshétra,1 le moyen de purger la terre d'une race dominatrice ou destructrice afin que puissent régner la justice et le droit. Elles peuvent, par la présence du danger, secouer l'apathie des consciences trop tamasiques 2 et réveiller les énergies endormies. Enfin elles peuvent, par contraste, et à cause des horreurs qui les accompagnent et les suivent, pousser les hommes à chercher un moyen efficace de rendre inutile cette forme violente et barbare de transformation.

Car tout ce qui est inutile à l'évolution terrestre cesse, automatiquement, d'exister.

13 avril 1960

Tu as écrit: "elles [les guerres] peuvent servir à détruire un passé qui se refuse à disparaître alors que son temps est fini, pour qu'il fasse place aux choses nouvelles". Maintenant que le Supramental est descendu sur terre, la guerre sera-t-elle nécessaire pour changer V état présent du monde?

Tout va dépendre de la réceptivité des nations. Si elles s'ouvrent largement et promptement à l'influence des forces nouvelles et que dans leurs conceptions et leurs actions elles changent assez vite, la guerre pourra être évitée. Mais elle est toujours menaçante et toujours en suspens; chaque erreur commise, chaque obscurcissement de la conscience, augmente cette menace.

Pourtant, en dernière analyse, tout dépend réellement de la Grâce divine, et nous devons regarder l'avenir avec confiance et sérénité, tout en progressant aussi rapidement que nous le pouvons.

15 avril 1960

 


1 Le champ de bataille légendaire de la Bhagavad-Guîtâ où s'affrontèrent les Kaurava et les Pândava conduits par Shrî Krishna. (En arrière)

1 Dans la psychologie indienne, tamas désigne le principe d'inertie et d'obscurité. (En arrière)

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30.

30 —J'ai vu un enfant se rouler dans la boue et le même enfant nettoyé par sa mère et resplendissant; mais chaque fois, j'ai tremblé devant son absolue pureté.

 

Un enfant peut-il garder cette pureté, même après avoir grandi?

 

En principe, il n'y a pas d'impossibilité à cela, et il se peut que certains êtres humains, nés loin des cités, des civilisations et des cultures, gardent pendant toute la vie de leur corps terrestre cette pureté spontanée, une pureté d'âme qui n'est pas obscurcie par le fonctionnement mental.

Car la pureté dont Sri Aurobindo parle ici est la pureté de l'instinct qui obéit à l'impulsion de la Nature, spontanément, sans calculer ni questionner, sans se demander si c'est bon ou mauvais, si ce que l'on fait est bien ou mal, si c'est une vertu ou un péché, si les résultats seront favorables ou défavorables. Toutes ces notions entrent en jeu quand l'ego mental fait son apparition et commence à prendre une position prépondérante dans la conscience et à voiler la spontanéité de l'âme.

Dans la vie "civilisée" moderne, les parents et les éducateurs ont vite fait, par leurs "bons conseils" pratiques et rationnels, d'ensevelir cette spontanéité, qu'ils qualifient d'inconscience, et de la remplacer par un ego mental bien petit, bien étroit, limité, replié sur lui-même et farci de notions de faute, de péché et de châtiment, ou d'intérêt personnel, de calcul et de profit; tout cela ayant pour résultat inévitable de faire croître les désirs du vital par compression, par crainte ou par justification.

Pourtant, si l'on veut être complet, il faut ajouter que l'homme étant un être mental, il doit, nécessairement, dans son évolution, quitter cette pureté inconsciente et spontanée, très semblable à la pureté des animaux, et, après avoir traversé une période inévitable de perversion et d'impureté mentales, surgir au-dessus du mental, dans la pureté supérieure et lumineuse de la Conscience divine.

27 avril 1960

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35.-36. (Les hommes sont encore amoureux de la douleur. Quand...)

35 — Les hommes sont encore amoureux de la douleur. Quand ils voient quelqu'un qui est trop haut pour la douleur ou pour la joie, ils le maudissent et s'écrient ; "0 insensible!" C'est pourquoi le Christ est encore pendu à sa croix de Jérusalem.

36 — Les hommes sont amoureux du péché. Quand ils voient quelqu'un qui est trop haut pour le vice ou pour la vertu, ils le maudissent et s'écrient : "0 toi, briseur de limites, être pervers et immoral!" C'est pourquoi Shrî Krishna n'est pas encore vivant à Brindâban1 .

 

Je voudrais avoir l'explication de ces deux aphorismes.

Quand le Christ est venu sur la terre, il a apporté un message de fraternité, d'amour et de paix. Mais il lui a fallu mourir dans la douleur, sur la croix, pour que son message soit entendu. Car les hommes chérissent la souffrance et la haine, et veulent que leur Dieu souffre avec eux. Ils le voulaient quand le Christ est venu, et, malgré son enseignement et son sacrifice, ils le veulent encore et sont si attachés à la douleur que, symboliquement, le Christ reste toujours attaché à sa croix, souffrant perpétuellement pour le salut des hommes.

Krishna, lui, est venu sur la terre pour apporter la liberté et la joie. Il est venu annoncer aux hommes, esclaves de la Nature, de leurs passions et de leurs fautes, que s'ils prennent refuge dans le Seigneur suprême, ils seront libres de tout esclavage et de tout péché. Mais les hommes sont très attachés à leurs vices et à leurs vertus (car sans vice il n'y aurait pas de vertu); ils sont amoureux de leurs péchés et ne peuvent tolérer que quelqu'un puisse être libre et au-dessus de toute faute.

C'est pourquoi Krishna, bien qu'immortel, n'est pas présent à Brindâban, dans un corps, à l'heure actuelle.

 

3 juin 1960

 


1 Le lieu où Shrî Krishna a passé son enfance, et un symbole de l'amour divin. (En arrière)

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37.

37 — Certains disent que Krishna n'a jamais vécu, que c'est un mythe. Ils veulent dire sur la terre; car si Brindâban n'existait nulle part, le Bhâgavat1 n'aurait jamais pu être écrit.

 

Brindâban existe-t-il ailleurs que sur la terre?

La terre tout entière, avec tout ce qu'elle contient, est une sorte de concentration, de condensation de quelque chose qui existe dans d'autres mondes, invisibles pour l'œil matériel. Chaque chose manifestée ici a son principe, son idée ou son essence quelque part dans les régions plus subtiles. Ceci est une condition indispensable à la manifestation. Et l'importance de la manifestation dépendra toujours de l'origine de la chose manifestée.

Dans le monde des dieux, il y a un Brindâban idéal et harmonieux dont le Brindâban terrestre n'est que la déformation et la caricature.

Ceux qui sont développés intérieurement, soit dans les sens, soit dans l'esprit, perçoivent ces réalités invisibles pour l'homme ordinaire et reçoivent d'elles leur inspiration.

Ainsi, celui ou ceux qui ont écrit le Bhâgavat étaient sûrement en contact avec tout un monde intérieur bel et bien réel et existant, où ils ont vu et éprouvé tout ce qu'ils ont décrit ou révélé.

Que Krishna ait ou n'ait pas été sous une forme humaine, vivant sur la terre, n'a qu'une importance très secondaire (sauf, peut-être, à un point de vue exclusivement historique), car Krishna est un être réel, vivant et agissant; et son influence a été l'un des grands facteurs de progrès et de transformation de la terre.

 

8 juin 1960

 


1 L'histoire de Krishna racontée dans l'un des Pourâna (le Bhâgavat Pourâna). (En arrière)

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38.

38 — Étrange ! Les Allemands ont prouvé que le Christ n'existait pas; et pourtant, sa crucifixion demeure encore un fait historique plus grand que la mort de César.

 

À quel plan de conscience appartenait le Christ?

Dans les Essais sur la Guîtâ, Sri Aurobindo mentionne les noms de trois Avatar, et le Christ est l'un d'entre eux1 . Un Avatar est une émanation du Seigneur suprême qui revêt sur terre un corps humain. J'ai entendu Sri Aurobindo lui-même dire que le Christ était une émanation de l'aspect d'amour du Seigneur.

La mort de César a marqué un changement décisif dans l'histoire de Rome et des pays qui dépendaient d'elle. Ce fut donc un événement important dans l'histoire de l'Europe.

Mais la mort du Christ a été le point de départ d'une étape nouvelle dans l'évolution de la civilisation humaine. C'est pourquoi Sri Aurobindo nous dit que la mort du Christ est d'une portée historique plus grande, c'est-à-dire qu'elle a eu des conséquences historiques plus grandes que la mort de César. L'histoire du Christ, telle qu'on l'a racontée, est la représentation concrète et dramatique du sacrifice divin; le Seigneur suprême qui est Toute-Lumière, Toute-Connaissance, Toute-Puissance, Toute-Beauté, Tout-Amour, Toute-Félicité, acceptant de revêtir dans la matière l'ignorance et la souffrance humaines, afin d'aider les hommes à sortir du mensonge dans lequel ils vivent, et à cause duquel ils meurent.

 

16 juin 1960

 


1 Les deux autres sont Shrî Krishna et le Bouddha. (En arrière)

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39.

39 — Parfois, l'on en vient à penser que seules importent vraiment les choses qui ne sont jamais arrivées; car à côté d'elles, la plupart des événements historiques semblent presque ternes et sans portée.

 

Je voudrais avoir l'explication de cet aphorisme.

Sri Aurobindo, qui avait fait une étude approfondie de l'histoire, savait à quel point sont incertaines les données qui ont servi à la rédiger. La plupart du temps, l'exactitude des documents est douteuse, et les renseignements qu'ils fournissent sont pauvres, incomplets, triviaux et souvent déformés. Et dans son ensemble, l'histoire humaine officielle n'est qu'un long récit, presque ininterrompu, d'agressions violentes : guerres, révolutions, meurtres ou colonisations. Il est vrai que certaines de ces agressions, certains de ces massacres ont été décorés de termes et d'adjectifs flatteurs; on les a appelés guerres de religion, guerres saintes ou campagnes civilisatrices; mais elles n'en demeurent pas moins des actes de convoitise ou de vengeance.

C'est rarement que nous trouvons dans l'histoire la description d'un épanouissement culturel, artistique ou philosophique.

Et c'est pourquoi, ainsi que Sri Aurobindo le dit, tout cela fait un ensemble assez terne et sans portée profonde.

Tandis que dans les récits légendaires de faits qui n'ont peut-être jamais existé sur la terre, d'événements qui ne sont pas déclarés authentiques par la science officielle, de personnages admirables dont doutent les érudits dans leur sagesse desséchée, on trouve la cristallisation de tous les espoirs et de toutes les aspirations de l'homme, son goût du merveilleux, de l'héroïque, du sublime, la description de tout ce qu'il voudrait être, de tout ce qu'il s'efforce de devenir.

Voilà, à peu près, ce que Sri Aurobindo veut dire dans son aphorisme.

 

22 juin 1960

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40. (Il y a quatre très grands événements dans l'histoire : le siège de...)

40 — Il y a quatre très grands événements dans l'histoire : le siège de Troie, la vie et la crucifixion du Christ, l'exil de Krishna 1 à Brindâban et le colloque avec Ardjouna sur le champ de bataille de Kouroukshétra. Le siège de Troie a donné naissance à l'Hellade, l'exil à Brindâban a créé la religion dévotionnelle (car auparavant on ne connaissait que la méditation et le culte), du haut de sa croix le Christ a humanisé l'Europe, le colloque de Kouroukshétra est appelé à libérer l'humanité. Et pourtant, il est dit qu'aucun de ces quatre événements n'a jamais eu lieu.

 

1) Les méditations et les cultes d'autrefois étaient-ils les mêmes que ceux d'aujourd'hui?

1) Les méditations et les cultes d'autrefois étaient-ils les mêmes que ceux d'aujourd'hui?

 

1) Dans l'ancien temps, comme de nos jours, chaque religion avait son genre particulier de méditation et de culte. Cependant, partout et toujours, la méditation est un mode spécial d'activité et de concentration mentales; les détails de la pratique seuls diffèrent; et le culte est un ensemble de cérémonies et de rites qui sont scrupuleusement et exactement accomplis en l'honneur d'une Divinité.

Ici, Sri Aurobindo fait mention du culte et de la méditation de l'Inde ancienne, aux temps védiques et védântiques.

 

2) Le colloque de Kouroukshétra, c'est la Bhagavad-Guîtâ.

Sri Aurobindo considère que le message de la Bhagavad-Guîtâ est à la base du grand mouvement spirituel qui a mené et mènera de plus en plus l'humanité à sa libération, c'est-à-dire à son évasion hors du mensonge et de l'ignorance, vers la vérité.

Depuis l'époque de son apparition, la Bhagavad-Guîtâ a eu une immense action spirituelle; mais avec l'interprétation nouvelle que Sri Aurobindo en a donnée, son influence a considérablement grandi et elle est devenue décisive.

 

29 juin 1960

 


1 AKrishna enfant dut se réfugier à Brindâban pour échapper à son oncle Kansa, le roi tyran de Mathourâ. Dans le village de Brindâban où il grandit avec les gardiens de troupeaux, son amour pour Râdhâ et ses compagnes, symbole de l'amour divin, ou de l'amour humain changé en amour divin, est à l'origine de la religion vishnouïte (vaïshnava) ou culte de Krishna qui est une incarnation de Vishnou. Il est aussi le Suprême, et le divin Instructeur de la Bhagavad-Guîtâ. (vissza)

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41.

41 — Ils disent que les Évangiles ont été fabriqués de toutes pièces et que Krishna est une invention des poètes. Alors, Dieu merci pour les faux et saluons bas les inventeurs.

 

Quel est le rôle des Évangiles dans la vie de l'homme?

Les Évangiles ont été le point de départ de la religion chrétienne. Pour dire ce qu'ils ont apporté au monde, il faudrait faire un compte rendu historique et psychologique du développement et de la vie de la chrétienté et de l'action de la religion chrétienne sur la terre. Ce serait long et pas tout à fait à sa place ici.

Je puis seulement dire que ceux qui ont écrit les Évangiles ont essayé de reproduire exactement ce que le Christ a enseigné et que, dans une certaine mesure, ils ont réussi à transmettre son message. C'est un message de paix, de fraternité et d'amour.

Mais il vaut mieux garder le silence sur ce que les hommes ont fait de ce message.

 

6 juillet 1960

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45. (La logique est le pire ennemi de la Vérité, de même que le...)

45 — La logique est le pire ennemi de la Vérité, de même que le pharisaïsme est le pire ennemi de la Vertu; car l'une est incapable de voir ses propres erreurs et l'autre ses propres imperfections.

 

Quel est le rôle de la logique et de la raison dans notre vie?

La meilleure réponse que je puisse donner à ta question est cette citation extraite de La Synthèse des Yoga  "La raison dans toute sa plénitude est un mouvement logique dont le pouvoir caractéristique est, en premier lieu, de s'assurer de tous les matériaux et de toutes les données possibles en les observant et en les mettant en ordre ; puis, à partir de ces matériaux, de se servir d'un premier pouvoir de réflexion afin de saisir, de fixer et d'élargir la connaissance qu'ils apportent; finalement, elle s'assure que les résultats obtenus sont corrects par un travail plus soigneux et plus formel, plus vigilant, plus réfléchi et plus rigoureusement logique, qui met à l'épreuve les résultats, les rejette ou les homologue conformément à certaines normes et à certains processus bien éprouvés, tels que la réflexion et l'expérience les ont établis. La première tâche de la raison logique est donc d'observer correctement, soigneusement et en détail, les matériaux et les données qui lui sont accessibles."1

Mais dans cet aphorisme, Sri Aurobindo ne parle pas de la raison; il parle de la logique qui est l'associée et l'instrument de la raison.

La logique est l'art de déduire correctement une idée d'une autre, et de tirer d'un fait toutes ses conséquences. Mais elle ne porte pas en elle-même la capacité de discerner la vérité. Ainsi, votre logique peut être indiscutable, mais si votre point de départ est faux, vos conclusions aussi seront fausses, malgré l'exactitude de votre logique, ou plutôt à cause même de cette exactitude. Il en est de même pour le pharisaïsme (self-righteousness) qui est un sentiment de vertueuse supériorité; votre vertu vous donne du dédain pour les autres; et cet orgueil qui vous remplit de dédain pour ceux qui, selon vous, sont moins vertueux que vous-même, enlève toute valeur à votre vertu.

C'est pourquoi Sri Aurobindo nous dit dans son aphorisme que la logique est le pire ennemi de la Vérité, de même que le sentiment de vertueuse supériorité est le pire ennemi de la Vertu.

 

24 août 1960

 


1 The Synthesis of Yoga, Cent. Vol. 21, p. 820. (En arrière)

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51.

51 — Quand j'entends parler d'une juste fureur, je m'émerveille du pouvoir qu'ont les hommes de se leurrer eux-mêmes.

 

On est toujours de bonne foi quand on se trompe soi-même ; c'est toujours pour le bien des autres qu'on agit, ou dans l'intérêt de l'humanité et pour te servir, cela va de soi! Comment fait-on pour se tromper¹?

 

J'avais envie de te poser une question à mon tour! parce qu'il y a deux façons de comprendre ta question. On peut la prendre sur le même ton d'ironie et d'humour que Sri Aurobindo a mis dans son aphorisme quand il s'émerveille du pouvoir qu'ont les hommes de se leurrer eux-mêmes. C'est-à-dire que tu te mets à la place de celui qui se leurre et tu dis : "Mais je suis de bonne foi! je veux toujours le bien des autres, etc., l'intérêt de l'humanité, servir le Divin, cela va de soi ! Et comment est-ce que je peux me tromper?"

Mais au fond, il y a vraiment deux façons de se tromper, qui sont très différentes.

 

¹Question et réponse enregistrées sur bande magnétique.

 


 

Par exemple, on peut très bien être choqué par certaines choses, non pour des raisons personnelles mais, justement, dans sa bonne volonté et son ardeur à servir le Divin, quand on voit des gens qui se conduisent mal, qui sont égoïstes, qui sont infidèles, qui sont des traîtres. Et il y a un stade où ces choses, on les a dominées et on ne leur permet plus de se manifester en soi, mais dans la mesure où l'on est en rapport avec la conscience ordinaire et le point de vue ordinaire, la vie ordinaire, la pensée ordinaire, leur possibilité est encore là, elles existent d'une façon latente, parce qu'elles sont l'envers des qualités que l'on s'essaye à avoir; et cette opposition existe toujours—jusqu'à ce qu'on soit monté au-dessus et qu'on n'ait plus ni la qualité ni le défaut. Tant qu'on a la vertu, on a toujours son opposé latent; c'est seulement quand on est au-dessus de la vertu et de la faute que cela disparaît.

Alors, cette sorte d'indignation que l'on sent vient du fait que l'on n'est pas tout à fait au-dessus; on est dans la période où l'on désapprouve totalement et on ne pourrait pas le faire soi-même. Jusque-là, il n'y a rien à dire, à moins que l'on ne donne une expression extérieure violente à cette indignation. Si la fureur s'en mêle, c'est qu'il y a une sorte de contradiction totale entre le sentiment que l'on veut avoir et la réaction que l'on a vis-à-vis des autres. Parce que la fureur est une déformation du pouvoir vital, c'est un vital obscur et tout à fait non régénéré, un vital qui est encore soumis à toutes les actions et les réactions ordinaires. Quand ce pouvoir vital est utilisé par une volonté individuelle ignorante et égoïste et que cette volonté rencontre l'opposition des autres volontés individuelles qui l'environnent, ce pouvoir, sous la pression de l'opposition, se change en fureur et essaye d'obtenir par la violence ce qui ne peut pas être exécuté par la seule pression de la force elle-même.

La fureur, comme toutes les violences, d'ailleurs, est toujours un signe de faiblesse, d'impuissance et d'incapacité.

Et la tromperie, ici, vient seulement de l'approbation 'qu'on lui donne, ou de l'adjectif flatteur qu'on met dessus — parce que la fureur ne peut être qu'une chose aveugle, ignorante et asourique, c'est-à-dire contraire à la lumière.

Mais c'est encore le meilleur des cas.

Il y a l'autre cas. Il y a les gens qui, sans le savoir, ou parce qu'ils veulent l'ignorer, poursuivent toujours leur intérêt personnel, leurs préférences, leurs attachements, leurs conceptions; qui ne sont pas entièrement consacrés au Divin et qui se servent des idées morales et yoguiques pour couvrir leurs mouvements personnels. Mais ceux-là se trompent doublement; non seulement ils se trompent dans leurs activités extérieures, dans leur relation avec les autres, mais ils se trompent eux-mêmes, dans leur propre mouvement personnel : au lieu de servir le Divin, c'est leur propre égoïsme qu'ils servent. Et cela arrive constamment, constamment ! On sert sa personnalité, son égoïsme, en prétendant servir Dieu. Alors ce n'est même plus se tromper, c'est de l'hypocrisie.

N'est-ce pas, cette habitude mentale de toujours revêtir tout d'une apparence très favorable, de donner une explication favorable à tous les mouvements — quelquefois c'est assez subtil, mais c'est parfois tellement grossier que cela ne peut tromper personne, sauf soi-même. C'est une sorte d'habitude d'excuse; l'habitude de donner une excuse mentale favorable, une explication mentale favorable à tout ce que l'on fait, tout ce que l'on dit, tout ce que l'on sent. Par exemple, ceux qui n'ont pas le contrôle d'eux-mêmes et qui donnent une claque à quelqu'un dans une grande indignation, ils appellent cela presque une fureur divine!

C'est formidable, formidable ce pouvoir de se tromper soi-même, l'art qu'a ce mental de trouver une justification admirable à n'importe quelle ignorance et n'importe quelle stupidité.

Et ce n'est pas une expérience qui vient de temps en temps, c'est quelque chose que l'on peut noter à la minute la minute. Et on le voit, généralement, beaucoup plus facilement chez les autres! Mais si l'on se regarde bien, on peut s'attraper mille fois par jour, à juste regarder de la petite façon favorable : "Oh! ce n'est pas la même chose. Et puis, ce n'est jamais pour vous comme c'est pour le voisin !

Janvier 1961

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57.

57 — Le tigre agit selon sa nature et ne connaît rien d'autre, c'est pourquoi le tigre est divin et il n'y a pas de mal en lui. S'il se posait des questions, ce serait un criminel.

 

Quel serait l'état vraiment "naturel" pour l'homme? Pourquoi se pose-t-il des questions¹ ?

 

L'homme est, sur la terre², un être de transition et, par conséquent, au cours de son évolution il a plusieurs natures successives, qui ont suivi une courbe ascendante, et continueront à la suivre jusqu'au moment où il touchera le [ seuil de la nature supramentale et se transformera en ; surhomme. Cette courbe est la spirale du développement mental.

Nous avons tendance à appeler "naturelle" toute manifestation spontanée qui n'est pas le résultat d'un choix ? ni d'une décision préconçue, c'est-à-dire sans intrusion de l'action mentale. C'est pourquoi, quand l'homme a une spontanéité vitale très peu mentalisée, il nous paraît plus "naturel" dans sa simplicité. Mais c'est un naturel qui ressemble beaucoup à celui de l'animal et qui est tout en bas de l'échelle évolutive humaine. Il ne retrouvera cette spontanéité sans intrusion mentale que lorsqu'il aura; atteint le stade supramental, c'est-à-dire dépassé le mental et émergé dans la Vérité supérieure.  

Jusque-là, toutes ses manières d'être sont, naturellement, naturelles ! mais avec le mental, l'évolution a été, on ne peut pas dire faussée mais déformée parce que, de par sa nature même, le mental était ouvert à la perversion et que presque dès le début il s'est perverti ou, pour être plus exact, il a été perverti par les forces asouriques. Et c'est

 

¹Question et réponse de vive voix.

²Mère a ajouté : "Cette précision n'est pas superflue; j'ai dit "sur la terre" voulant dire que l'homme n'appartient pas seulement à la terre : l'homme est un être universel dans son essence, mais il a une manifestation spéciale sur la terre."


cet état de perversion qui nous donne l'impression de ne pas être naturel.

Pourquoi se pose-t-il des questions? Mais parce que c'est le propre du mental!

Avec le mental a commencé l'individualisation et un sentiment de séparation très aigu, et aussi une sorte d'impression, plus ou moins précise, d'une liberté de choix — tout cela, tous ces états psychologiques sont la conséquence naturelle de la vie mentale et ouvrent la porte à tout ce que nous voyons maintenant, depuis les aberrations jusqu'aux principes les plus rigoureux. Il a l'impression de pouvoir choisir entre une chose et une autre, mais cette impression est la déformation d'un principe vrai qui ne serait totalement réalisable qu'avec l'apparition de l'âme ou de l'être psychique dans la conscience et si l'âme prenait en main le gouvernement de l'être; alors la vie de l'homme serait vraiment l'expression de la Volonté suprême qui se traduirait individuellement, consciemment. Mais dans l'état humain normal, c'est un cas encore tout à fait exceptionnel et qui, pour la conscience humaine ordinaire, ne paraît pas du tout naturel — cela paraît presque surnaturel !

L'homme se pose des questions parce que l'instrument mental est fait pour voir toutes les possibilités; et la conséquence immédiate est la notion du Bien et du Mal, de ce qui est juste et de ce qui est faux, et toutes les misères qui s'ensuivent. On ne peut pas dire que ce soit une mauvaise chose; c'est une étape intermédiaire — une étape pas très agréable, mais enfin... qui était certainement inévitable pour un développement complet du mental.

 

1961. március 17.

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60.

60 — Le mortel n'existe pas. Seul l'immortel peut mourir; le mortel ne peut ni naître ni périr.

 

Est-ce qu'un être emporte ses expériences mentales, vitales, et physiques d'une vie à l'autre?

 

Chaque cas est différent. Tout dépend du degré de développement de l'individu dans ses diverses parties et de la plus ou moins bonne organisation de ces parties autour du centre psychique. Plus l'être est organisé, plus il devient consciemment durable. On peut dire, d'une façon générale, que chacun apporte dans sa vie actuelle les conséquences de ses vies antérieures, sans, cependant, conserver le souvenir de ces vies. A part .quelques très rares exceptions, c'est seulement lorsqu'on s'unit à son être psychique et que l'on devient pleinement conscient de lui, que l'on acquiert, en même temps, le souvenir des vies antérieures que le psychique conserve dans sa conscience.

Autrement, même chez les plus sensitifs, ces souvenirs sont fragmentaires, incertains et spasmodiques, le plus souvent très peu reconnaissables, et semblent n'être que des impressions indéfinissables. Pourtant, celui qui sait voir derrière les apparences pourra percevoir une sorte d'analogie dans l'enchaînement des circonstances de sa vie.

4 mai 1961

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61.

61 — Le fini n'existe pas. Seul l'Infini peut se donner à lui-même des limites. Le fini ne peut avoir ni commencement ni fin, car le fait même de concevoir un commencement et une fin est le signe de son infinitude.

 

Comment avoir l'expérience de l'Infini?

 

La seule manière est de sortir de la conscience du fini.

C'est dans l'espoir d'y arriver que toutes les disciplines yoguiques ont été élaborées et entreprises, depuis les temps immémoriaux jusqu'à nos jours. Beaucoup a été écrit à ce sujet, peu a été fait; et ce n'est encore qu'un tout petit nombre d'individus qui ont réussi à s'évader du fini pour se plonger dans l'Infini.

Et pourtant, comme Sri Aurobindo l'a écrit, seul l'Infini existe; c'est le mensonge de notre perception superficielle qui nous fait croire à l'existence du fini.

20 mai 1961

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JNÂNA (La Connaissance) 3

Commentaires Troisième Période (1962-66)

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69 (Le péché et la vertu sont un jeu de résistance que nous jouons avec Dieu...)

69 — Le péché et la vertu sont un jeu de résistance que nous jouons avec Dieu tandis qu'il fait effort pour nous tirer vers la perfection. Le sens de la vertu nous aide à chérir en secret nos péchés.

Ces aphorismes 1 disent bien la futilité de nos idées de péché et de vertu. Tu avais dit aussi, à la suite de ton expérience du 3 février 1958 2: "J'ai vu que ce qui aide les gens à devenir supramentaux, ou les en empêche, est très différent de ce qu'imaginent nos notions morales habituelles." Et tu disais encore : "Ce qui est très évident, c'est que notre appréciation de ce qui est divin ou non divin n'est pas correcte... J'avais alors l'impression... que la relation entre ce monde-ci et l'autre changeait complètement le point de vue d'après lequel les choses doivent être évaluées ou appréciées. Ce point de vue n'avait rien de mental et il donnait un sentiment intérieur étrange que quantités de choses que nous considérons comme bonnes ou mauvaises ne le sont pas réellement. Il était très clair que tout dépendait de la capacité des choses, de leur aptitude à traduire le monde supramental ou à être en relation avec lui."

À quoi ressemble ce "point de vue" supramental? En quoi consiste cette "capacité'' ou cette "aptitude" à traduire le monde supramental ou à être en relation avec lui?

J'ai déjà parlé de cela, un peu, à propos de cette histoire du cerf qui passe dans la forêt. 3

Là, il y avait une indication. Puis je me suis remise en contact avec cette expérience du bateau supramental. Ma vision des choses n'a pas changé depuis ce moment-là. Et je me suis aperçue que cette expérience avait eu une action décisive dans la position; elle a établi d'une façon absolument claire, précise, définitive, les conditions requises.

Une fois pour toutes, cela a balayé non seulement toutes les notions de moralité ordinaire, mais tout ce que l'on considère, ici dans l'Inde, comme nécessaire à la vie spirituelle. À ce point de vue, c'était très instructif. Et d'abord, cette espèce de soi-disant-pureté ascétique. La pureté ascétique, c'est tout simplement le rejet de tous les mouvements du vital — au lieu de prendre ces mouvements et de les tourner vers le Divin, c'est-à-dire de voir en eux la Présence suprême et, justement, de laisser le Suprême y agir librement, on Lui dit : "Non, cela ne Te regarde pas." Il n'a pas le droit d'entrer là-dedans.

Le physique, c'est une vieille affaire, on le sait, depuis toujours les ascètes l'ont rejeté, mais on y ajoutait le vital. Il n'y avait que les choses classiquement reconnues comme sacrées ou admises par la tradition religieuse, comme, par exemple, la sainteté du mariage et les choses de ce genre, que l'on acceptait, mais la vie libre, oh-là ! c'était incompatible avec toute vie religieuse.

Alors, tout cela a été complètement balayé, une fois pour toutes.

Ce n'est pas pour dire que ce qui est demandé est plus facile. C'est probablement beaucoup plus difficile.

D'abord, au point de vue psychologique, il faut la condition dont j'ai parlé dans cette histoire du cerf : c'est l'égalité parfaite. C'est une condition absolue. Et j'ai observé depuis 56, pendant des années, qu'aucune vibration supramentale ne se transmet, excepté dans cette égalité parfaite. S'il y a la moindre contradiction de cette égalité — en fait, le moindre mouvement d'ego, de la préférence de l'ego —, ça ne passe pas, ça ne se transmet pas. Ce qui fait déjà une assez grosse difficulté.

En plus de cela, il y a deux conditions pour que la réalisation puisse être totale, et elles ne sont pas faciles. Ce n'est pas très difficile sur le plan intellectuel (je ne parle pas ici de n'importe qui, je parle de ceux qui ont fait un yoga et qui ont suivi une discipline), c'est relativement facile; sur le plan psychologique aussi, si l'on y associe cette égalité, ce n'est pas très difficile. Mais dès que l'on arrive au plan matériel, c'est-à-dire physique, puis corporel, ce n'est pas facile. Les deux conditions sont celles-ci : d'abord un pouvoir d'expansion, d'élargissement pour ainsi dire indéfini, de sorte qu'on puisse s'élargir à la dimension de la conscience supramentale, qui est totale. La conscience supramentale, c'est celle du Suprême dans Sa totalité —quand je dis "Sa totalité", je veux dire le Suprême sous Son aspect de Manifestation. Naturellement, au point de vue supérieur, de l'essence (l'essence de ce qui devient le Supramental dans la Manifestation), il faut une capacité d'identification totale avec le Suprême, non seulement sous Son aspect de Manifestation mais sous Son aspect statique ou nirvânique, en dehors de la Manifestation — le Non-Être. Mais en plus de cela, il faut être capable de s'identifier au Suprême dans le Devenir. Et ceci implique deux choses : d'abord un élargissement, au moins indéfini, comme je l'ai dit, et, en même temps, une plasticité totale afin de pouvoir suivre le Suprême dans Son Devenir — ce n'est pas à un moment donné qu'il faut être aussi vaste que l'univers, c'est indéfiniment dans le Devenir. Ce sont les deux conditions. Il faut qu'elles soient là, potentielles.

Tant qu'il n'est pas question de transformation physique, le point de vue psychologique et, en grande partie, subjectif, est suffisant. Et c'est relativement facile. Mais quand il s'agit d'incorporer dans le travail la Matière telle qu'elle est dans ce monde, où le point de départ lui-même est faux—nous partons de l'Inconscience et de l'Ignorance —, alors c'est très difficile. Parce que, justement, cette Matière, afin d'arriver à l'individualisation nécessaire pour retrouver la Conscience perdue, elle a été faite avec une certaine fixité, indispensable pour faire durer la forme et pour garder, précisément, cette possibilité d'individualité. Et c'est cela le principal obstacle à cet élargissement et à cette plasticité, à cette souplesse nécessaires pour être capable de recevoir le Supramental. Je me trouve constamment devant ce problème, qui est un problème tout à fait concret, absolument matériel, quand on a affaire à ces cellules et qu'il faut qu'elles restent des cellules, qu'elles ne se vaporisent pas dans une réalité qui n'est plus physique. Et en même temps, qu'elles aient cette souplesse, ce manque de fixité, qui fait qu'elles peuvent s'élargir indéfiniment.

(silence)

L'expérience du bateau se passait dans le physique subtil. Et les gens qui avaient des taches et qu'on était obligé de reprendre, étaient toujours ceux qui manquaient de la souplesse nécessaire pour les deux mouvements. Mais il s'agissait surtout du mouvement d'élargissement, plus que du mouvement de progression pour suivre le Devenir — ça, ça paraissait être une préoccupation ultérieure, pour ceux qui étaient débarqués, après le débarquement. Mais la préparation sur le bateau, c'était cette capacité d'élargissement.

Il y avait une chose aussi, dont je n'ai pas parlé quand j'ai raconté l'expérience : le bateau n'avait pas de machines. Tout, tout était mis en mouvement par la volonté — les individus et les choses (le costume même des gens était un effet de leur volonté). Et cela donnait à toutes ces choses et aux formes des individus une grande souplesse; parce qu'on était conscient de cette volonté — qui n'est pas une volonté mentale, qui est une volonté du Soi, ou une volonté spirituelle pourrait-on dire, une volonté de l'âme si l'on donne au mot âme ce sens-là. Mais c'est une chose dont on peut faire l'expérience ici quand on agit avec une spontanéité absolue, c'est-à-dire quand l'action — comme la parole et le mouvement — n'est pas déterminée par le mental, même pas (je ne parle pas de la pensée et de l'intellect), mais même pas par le mental qui nous fait mouvoir généralement. Généralement, au moment où nous faisons une chose, nous percevons en nous la volonté de faire cette chose (quand on est conscient et que l'on se regarde faire, on voit cela; il y à toujours — ce peut être très prompt — la volonté de faire), c'est l'intervention du mental, l'intervention habituelle, l'ordre dans lequel les choses se passent. Tandis que l'action supramentale est décidée en sautant par-dessus le mental; passer par lui n'est pas nécessaire, c'est direct. Quelque chose entre en contact direct avec les centres vitaux et les fait agir, sans passer par la pensée — mais en toute conscience. La conscience ne fonctionne pas dans l'ordre habituel, elle fonctionne directement du centre de volonté spirituelle à la Matière.

Et tant que l'on peut garder cette immobilité absolue du mental, l'inspiration est absolument pure — elle vient pure. Quand on peut attraper cela et le garder en parlant, ce qui vient aussi n'est pas mélangé, ça reste pur.

C'est un fonctionnement extrêmement délicat, probablement parce qu'il n'est pas accoutumé — un tout petit mouvement, une toute petite vibration mentale dérange tout. Mais tant que cela dure, c'est parfaitement pur. Et c'est cela qui doit être l'état constant d'une vie supramentalisée. La volonté spirituelle mentalisée ne doit plus intervenir — parce qu'on peut très bien avoir une volonté spirituelle, on peut vivre constamment en exprimant la volonté spirituelle (c'est ce qui arrive à tous ceux qui sentent qu'ils sont dirigés par le Divin en eux), mais ça passe par une transcription mentale. Eh bien, tant que c'est cela, ce n'est pas la vie supramentale. La vie supramentale ne passe plus par le mental. Le mental est une zone immobile de transmission. Un tout petit déclic suffit à déranger.

(silence)

On peut dire que l'état constant, nécessaire, pour que le Supramental puisse s'exprimer à travers une conscience terrestre, c'est l'égalité parfaite, qui provient de l'identification spirituelle avec le Suprême : tout devient le Suprême dans une égalité parfaite. Et automatique —pas une égalité qu'on obtient par la volonté consciente, par l'effort intellectuel, par une compréhension qui précède l'état; ce n'est pas cela. Il faut que ce soit spontané et automatique, que la façon de répondre à tout ce qui vient du dehors ne soit plus comme si l'on répondait à quelque chose qui vient du dehors. Il faut que cette espèce de réflexion et de réponse soient remplacées par un état de perception constant et, je ne peux pas dire identique, parce que chaque chose appelle nécessairement sa réponse spéciale, mais libre de tout rebondissement, si l'on peut dire. C'est la différence qu'il y a entre quelque chose qui vient du dehors et qui vous frappe, et à quoi vous répondez, et quelque chose qui circule et qui, tout naturellement, entraîne les vibrations nécessaires à l'action générale. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre... C'est la différence entre un mouvement vibratoire qui circule dans un champ d'action identique, et un mouvement qui vient de quelque chose en dehors et qui touche du dehors, et qui obtient une réponse (ça, c'est l'état habituel de la conscience humaine). Tandis que, quand la conscience est identifiée au Suprême, les mouvements sont pour ainsi dire intérieurs, en ce sens qu'il n'y a rien qui vienne du dehors : ce sont seulement des choses qui circulent et qui, naturellement, dans leur circulation, entraînent certaines vibrations par similitude et par nécessité, ou changent les vibrations dans le milieu circulatoire.

C'est une chose qui m'est très familière, parce que c'est mon état actuel constant — je n'ai jamais l'impression de choses qui viennent du dehors et qui cognent, mais j'ai l'impression de mouvements intérieurs, multiples, quelquefois contradictoires, et d'une circulation constante entraînant les changements intérieurs nécessaires au mouvement.

Ça, c'est la base indispensable.

L'élargissement suit presque automatiquement, avec des nécessités d'ajustement dans le corps lui-même, qui sont difficiles à résoudre. C'est un problème dans lequel je suis encore complètement plongée.

Puis cette souplesse pour suivre le mouvement du Devenir. La souplesse, c'est-à-dire une capacité de se décristalliser — toute, toute la période de la vie qui consiste à s'individualiser est une période de cristallisation consciente et volontaire qui, après, doit être défaite. Pour être un être conscient et individuel, c'est une cristallisation constante — constante — et volontaire, de toutes choses ; et après, il faut faire le mouvement contraire, constamment, et aussi, encore plus, volontairement. Et en même temps, il ne faut pas perdre le bénéfice, dans la conscience, de ce que l'on a acquis par l'individualisation.

Il faut dire que c'est difficile.

Au point de vue de la pensée, c'est élémentaire, très facile. Et même au point de vue des sentiments, ce n'est pas difficile : que le cœur, c'est-à-dire l'être affectif, s'élargisse à la dimension du Suprême, c'est relativement facile. Mais ce corps ! c'est très difficile — très difficile sans qu'il perde... comment dire... son centre de coagulation, qu'il ne se dissolve pas dans la masse environnante. Et encore, si l'on était dans un lieu de la nature, avec des montagnes, des forêts, des rivières, et puis beaucoup de beauté naturelle, beaucoup d'espace, ce serait plutôt agréable! Mais on ne peut pas faire un pas, matériellement, hors de son corps, sans rencontrer des choses pénibles — il arrive quelquefois que l'on entre en contact avec une substance qui est plaisante, qui est harmonieuse, chaleureuse, qui vibre d'une lumière supérieure. Mais c'est rare. Oui, les fleurs, quelquefois les fleurs — quelquefois, pas toujours. Mais ce monde matériel, oh !... on est cogné partout — griffé, griffé, écorché, cogné par toutes sortes de choses qui ne s'épanouissent pas — oh, comme c'est difficile! Comme la vie humaine n'est pas épanouie! recroquevillée, durcie, sans lumière, sans chaleur — et je ne parle pas de joie.

Tandis que, parfois, quand on voit de l'eau qui coule, ou un rayon de soleil dans les arbres, oh ! ça chante — des cellules qui chantent, qui sont contentes.

Mais si la difficulté de la transformation physique est si grande, est-ce qu'il n'y aurait pas avantage à agir occultement et à matérialiser quelque chose, à créer un corps nouveau par des procédés occultes?

L'idée, c'est qu'il faudrait d'abord que des êtres soient arrivés jusqu'à une certaine réalisation ici, dans le monde physique, qui leur donnerait le pouvoir de matérialiser un être supramental.

Je t'ai raconté que j'avais revêtu d'un corps un être du vital, mais je n'aurais jamais pu — il aurait été impossible de rendre ce corps matériel : il manque quelque chose, il manque quelque chose. Même si on le rendait visible, probablement on ne pourrait pas le garder permanent — à la moindre occasion il se dématérialiserait. C'est cette permanence que l'on ne peut pas obtenir.

Nous avions discuté de cela avec Sri Aurobindo (discuter, c'est une façon de parler), nous en avions parlé, et il voyait la chose comme moi, c'est-à-dire qu'il y a un pouvoir qu'on n'a pas, un pouvoir de fixer la forme ici, sur la Terre. Même ceux qui ont des capacités de matérialisation, ça ne reste pas — ça ne peut pas, ça ne peut pas rester, ça n'a pas la vertu des choses physiques.

Et alors, on ne pourrait pas assurer la continuité de la création sans quelque chose qui possède cela.

Tout le processus occulte, je le connaissais en détail, mais je n'aurais jamais pu le rendre plus matériel, même si j'avais essayé — visible oui, mais impermanent, pas capable de progression.

12 janvier 1962

 


1 Aphorismes 67, 68, 69. (En arrière)

2 Entretiens 1958, l'expérience du "bateau supramental" et de la sélection pour le débarquement dans le monde supramental. (En arrière)

3 Un cerf passe dans la foret pour aller boire, mais qu'est-ce qui prouve qu'il est passé? La plupart des gens n'y verront aucun signe; peut-être même ne savent-ils pas ce qu'est un cerf, et même ceux qui savent ne pourront pas dire qu'il est passé par là. Mais celui qui a fait des études spéciales de vénerie, un truqueur, trouvera des signes évidents et il saura non seulement dire quel genre de cerf est passé, mais sa taille, son âge, son sexe, etc. De même, il doit y avoir des gens qui ont une connaissance spirituelle analogue à celle des veneurs et qui peuvent déceler qu'une personne est en rapport avec le supramental, alors que les gens ordinaires, qui n'ont pas entraîné leur mental, ne s'en apercevront pas. Le supramental est descendu sur terre, dit-on, il s'est manifesté. J'ai lu tout ce que l'on a écrit à ce propos mais je suis parmi les ignorants qui ne voient rien et ne sentent rien. Celui qui a une perception plus entraînée pourrait-il donc me dire à quels signes je pourrais reconnaître qu'une personne est en relation avec le supramental?

Deux signes irréfutables prouvent que l'on est en relation avec le supramental :

1. une égalité parfaite et constante.

2. une certitude absolue dans la connaissance.

Pour être parfaite, l'égalité doit être invariable et spontanée, sans effort, à l'égard de toutes les circonstances, tous les événements, tous les contacts, matériels ou psychologiques, quels que soient leur caractère et le choc qu'ils donnent.

La certitude absolue et indiscutable d'une connaissance infaillible par identité. (Bulletin d'avril 1961, p. 22.) (En arrière)

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70 (Examine-toi sans pitié, alors tu seras plus charitable et plus...)

70 — Examine-toi sans pitié, alors tu seras plus charitable et plus compatissant pour les autres.

 

Très bien!

C'est très bien, très bon pour tout le monde, surtout pour les gens qui se croient très supérieurs.

Mais vraiment, cela correspond à quelque chose de très profond.

Justement, c'est une expérience que j'ai depuis quelque temps. C'est presque comme un renversement d'attitude.

Au fond, les hommes se sont toujours pris pour des espèces de victimes harcelées par les forces adverses; et ceux qui sont courageux se battent, les autres se lamentent. Mais de plus en plus, j'ai une vision très concrète du rôle que jouent les forces adverses dans la création, de leur nécessité pour ainsi dire absolue, pour qu'il puisse y avoir progrès et que la création redevienne son Origine. Et la vision si claire qu'au lieu de demander la conversion ou l'abolition des forces adverses, c'est sa propre transformation qu'il faut accomplir, pour laquelle il faut prier, qu'il faut effectuer. Ceci, au point de vue terrestre, je ne me place pas au point de vue individuel — le point de vue individuel, on le sait —, c'est au point de vue terrestre. Et c'était la vision, tout d'un coup, de toutes les erreurs, de toutes les incompréhensions, de toutes les ignorances, de toutes les obscurités, et, pire que cela, de toutes les mauvaises volontés de la conscience terrestre, qui se sont senties responsables de la prolongation de ces êtres et de ces forces adverses, et qui les ont offerts dans une grande aspiration — plus qu'une aspiration, une sorte d'holocauste — pour que les forces adverses puissent disparaître, qu'elles n'aient plus de raison d'être, qu'elles ne soient plus là comme des indicatrices de tout ce qui doit changer.

Elles étaient rendues obligatoires par toutes ces choses qui étaient des négations de la vie divine ; et ce mouvement d'offrande de la conscience terrestre au Suprême, avec une intensité extraordinaire, était comme un rachat, pour que les forces adverses puissent disparaître.

C'était une expérience très intense qui se traduisait comme cela : "Prends toutes les fautes que j'ai commises, prends toutes ces fautes, accepte-les, efface-les, pour que ces forces puissent disparaître."

Cet aphorisme, c'est ça à l'autre bout, c'est ça dans son essence. Tant qu'une conscience humaine aura en elle la possibilité de sentir, d'agir, ou de penser, ou d'être contrairement au grand Devenir divin, il est impossible d'en blâmer un autre; il est impossible de blâmer les forces adverses, qui sont maintenues dans la création comme le moyen de vous faire voir et sentir tout le chemin qui est à faire.

(silence)

L'état dans lequel je me trouvais était comme un souvenir — un souvenir qui est éternellement présent — de cette Conscience d'Amour suprême que le Seigneur a émanée sur la Terre, dans la Terre — dans la Terre — pour la ramener à Lui, parce que c'était vraiment la descente dans la Négation divine la plus totale, la négation de l'essence même de la Nature divine, par conséquent l'abandon de l'état divin pour accepter l'obscurité terrestre et ramener la Terre à l'état divin. Et à moins que cet Amour suprême ne devienne tout puissamment conscient, ici, sur la Terre, le retour ne pourra jamais être définitif.

Cette expérience est venue après la vision du grand Devenir divin,1 et je me demandais : "Puisque ce monde est progressif, puisqu'il devient de plus en plus le Divin, est-ce qu'il n'y aura pas toujours ce sentiment, si profondément douloureux, de la chose qui n'est pas divine, de l'état qui n'est pas divin par rapport à celui qui doit devenir; est-ce qu'il n'y aura pas toujours ce qu'on appelle des "forces adverses", c'est-à-dire quelque chose qui ne suit pas harmonieusement le mouvement?" Alors la réponse est venue, la vision est venue : non, c'est justement le moment de cette possibilité-là qui est proche, le moment de la manifestation de cette essence d'Amour parfait, qui peut transformer cette inconscience, cette ignorance et cette mauvaise volonté qui en est la conséquence, en une progression lumineuse, joyeuse, assoiffée de perfection, toute compréhensive.

C'était très concret.

Et cela correspond à un état où l'on s'identifie si parfaitement à tout ce qui est, que l'on devient tout ce qui est antidivin, d'une façon concrète, et qu'on peut l'offrir — qu'on peut l'offrir, qu'on peut vraiment le transformer par l'offrande.

Au fond, c'est cette espèce de volonté de pureté, de Bien, dans les hommes (qui se traduit dans la mentalité ordinaire par le besoin d'être vertueux) qui est le grand obstacle au vrai don de soi. C'est à l'origine du Mensonge, et surtout à la source même de l'hypocrisie: le refus d'accepter de prendre sur soi sa part du fardeau des difficultés. Et c'est cela que Sri Aurobindo a touché dans cet aphorisme, tout droit, d'une façon très simple.

N'essayez pas d'avoir l'air vertueux. Voyez à quel point Vous êtes uni, un avec tout ce qui est antidivin, prenez votre part du fardeau, acceptez d'être, vous-même, impur et mensonger, et comme cela vous pourrez prendre l'Ombre et la donner. Et dans la mesure où vous êtes capable de la prendre et de la donner, alors les choses changeront.

N'essayez pas d'être parmi les purs. Acceptez d'être avec ceux qui sont dans l'obscurité; et dans un amour total, donnez tout ça.

21 janvier 1962

 


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71 (Une pensée est une flèche tirée sur la vérité ; elle peut frapper en un...)

71 — Une pensée est une flèche tirée sur la vérité ; elle peut frapper en un point mais non couvrir la cible tout entière. Mais l'archer est trop satisfait de son succès pour en demander davantage.

 

Mais c'est évident! c'est tellement évident pour nous.

Oui, mais qu'est-ce qu'il faut faire pour couvrir la cible tout entière?

Ne plus être un archer!

L'image est jolie. C'est bon pour les gens qui sont justement dans l'état où ils s'imaginent avoir découvert la Vérité.

C'est bon à dire à ceux qui croient avoir trouvé la Vérité, parce qu'ils ont touché un point.

Mais nous avons tellement dit autre chose.

On peut se demander dans quelle mesure il est possible d'agir, du jour où l'on est capable d'embrasser toute la cible, c'est-à-dire de connaître tous les points de vue et l'utilité de chaque chose, puisque l'on voit que tout est utile, que tout est à sa place. Pour agir, on a besoin d'être, en quelque sorte, exclusif ou combatif?

Tu connais l'histoire de ce philosophe qui habitait le sud de la France? Je ne me souviens plus de son nom, un homme très connu qui était professeur à l'université de Montpellier et qui habitait les environs de la ville. Et il y avait plusieurs routes qui conduisaient chez lui. Chaque jour, cet homme sortait de son université et il arrivait au carrefour d'où partaient les routes, qui toutes aboutissaient à sa maison — l'une de ce côté-ci, l'autre de ce côté-là, l'autre de ce côté. Et tous les jours, il s'arrêtait et il se demandait : "Laquelle je vais prendre?" Chacune avait son avantage et son inconvénient. Et tout cela passait dans sa tête, l'avantage et l'inconvénient, et ceci et cela, et il perdait une demi-heure à choisir son chemin pour rentrer.

Il donnait cela comme un exemple de l'incapacité de la pensée dans l'action : si l'on se met à penser, on ne peut plus agir.

C'est très bon ici, tout en bas, sur ce plan-là, tant qu'on est l'archer et qu'on touche un point. Mais ce n'est pas vrai là-haut — c'est tout le contraire! Toute l'intelligence en dessous est comme cela, elle voit toutes sortes de choses; et comme elle voit toutes sortes de choses, elle ne peut pas choisir pour agir. Mais pour voir toute la cible, pour voir la Vérité tout entière, il faut passer de l'autre côté. Et quand on passe de l'autre côté, ce n'est pas une addition de vérités multiples que l'on voit, ce n'est plus une quantité innombrable de vérités qui s'ajoutent l'une à l'autre et que l'on voit l'une après l'autre, et on ne peut pas saisir le tout d'un seul coup. Quand on passe en haut, c'est le tout que l'on voit d'abord, c'est le tout qui se présente d'un seul coup, tout entier, dans l'ensemble, sans division. Et alors, ce n'est plus un choix que l'on a à faire, c'est une vision que l'on a : c'est cela qu'il faut faire. Ce n'est pas un choix entre ceci et cela, ou cela, ou cela; parce que ce n'est plus comme cela. Ce ne sont plus des choses successives que l'on voit l'une après l'autre : c'est une vision simultanée d'un ensemble qui existe comme une unité. Alors le choix est simplement une vision.

Mais tant qu'on est dans cet état-là, comme l'archer, on ne peut pas voir le tout — on ne peut pas voir le tout d'une façon successive, on ne peut pas voir le tout en ajoutant une vérité à l'autre. C'est justement l'incapacité du mental. Le mental ne peut pas. Il verra toujours d'une façon successive, ce sera toujours une addition, et ce n'est pas ça, quelque chose échappera — le sens même de la Vérité échappera.

Ce n'est que quand on a la perception globale, simultanée, du tout, dans une unité, qu'alors on peut avoir la Vérité dans son ensemble.

Et l'action n'est plus, justement, un choix sujet à erreur, à rectification, à discussion, mais la claire vision de ce qu'il faut faire, qui est infaillible.

3 février 1962

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72 (Le signe du commencement de la Connaissance est de sentir que l'on ne...)

72 —Le signe du commencement de la Connaissance est de sentir que l'on ne sait encore rien ou peu; et pourtant, si seulement je pouvais connaître ma connaissance, je possède déjà tout.

 

Il arrive, dans le sommeil, qu'on ait une connaissance très exacte de ce qui va arriver, avec des détails matériels d'une précision surprenante, comme si tout était déjà là, accompli dans les moindres détails, sur un plan occulte. Est-ce exact? Quel est ce plan de connaissance? Y en a-t-il un ou plusieurs? Comment procéder pour y avoir accès consciemment en état de veille? Et comment se fait-il que des gens sérieux, qui ont une réalisation divine, puissent se tromper parfois grossièrement dans leurs prédictions?

Mais c'est un monde! Ce n'est pas une question, c'est vingt questions!

Il y a toutes sortes de rêves prémonitoires. Il y a des rêves prémonitoires à réalisation immédiate, c'est-à-dire rêver la nuit de ce qui arrivera le lendemain, et il y a des rêves prémonitoires à réalisation plus ou moins échelonnée dans le temps. Et suivant la place dans le temps, ces rêves ont été vus dans des domaines différents.

Plus on remonte vers une certitude absolue, plus la distance est grande, parce que ce sont des visions dans un domaine très proche de l'Origine, et que le temps entre la révélation de ce qui va être et la réalisation peut être très long. Mais la révélation est certaine, parce qu'elle est très proche de l'Origine. Il y a un endroit, quand on est identifié avec le Suprême, où l'on sait tout, d'une façon absolue, dans le passé, dans le présent, dans l'avenir et partout. Mais généralement, les gens qui vont là, quand ils reviennent, oublient ce qu'ils ont vu. Il faut une discipline particulièrement sévère pour se souvenir. Et ça, c'est le seul endroit où l'on ne se trompe pas.

Mais les mailles, ou les chaînons de communication ne sont pas toujours au complet et il est rare qu'on se souvienne.

Pour en revenir à ce que je disais, suivant le plan sur lequel on a vu, on peut plus ou moins juger du temps que la vision mettra à se réaliser; et les choses immédiates sont déjà réalisées, existantes, dans le physique subtil, et on peut les voir là — simplement, elles sont, elles existent là — et elles sont seulement la réflexion (même pas une transcription), la réflexion ou la projection de l'image dans le monde matériel, qui se produira le lendemain ou quelques heures après. Là, on voit la chose exacte et dans tous les détails, parce qu'elle est déjà; tout dépend donc de l'exactitude de la vision et du pouvoir de vision. Si vous avez un pouvoir de vision objectif et sincère, vous voyez la chose exactement; si vous y ajoutez des sentiments ou des impressions, ça colore. Donc, l'exactitude dans le physique subtil dépend exclusivement de l'instrument, c'est-à-dire de celui qui voit.

Mais dès que vous allez dans un domaine plus subtil, comme le domaine vital — et le domaine mental encore bien plus, mais déjà dans le domaine vital, il y a une petite marge de possibilités — alors, grosso modo, on peut voir ce qui va arriver, mais, dans les détails, ce peut être comme ceci ou comme cela — il y a des volontés ou des influences qui ont la possibilité d'intervenir et de créer une différence.

Et ceci, parce que la Volonté originelle est reflétée, pour ainsi dire, dans des domaines différents, et chaque domaine change l'organisation et la relation des images. Le monde dans lequel nous vivons est un monde d'images. Ce n'est pas la chose elle-même dans son essence, c'est la réflexion de cette chose. On pourrait dire que nous sommes, dans notre existence matérielle, seulement une réflexion, une image de ce que nous sommes dans notre réalité essentielle. Et ce sont les modalités de ces réflexions qui introduisent toutes les erreurs et toutes les falsifications —ce que l'on voit dans l'essence est parfaitement vrai et pur et existe de toute éternité; les images sont essentiellement variables. Et suivant le degré de mensonge introduit dans les vibrations, le degré de déformation et de transformation augmente. On pourrait dire que toute circonstance, tout événement, toute chose, a une existence pure, qui est l'existence vraie, et un nombre considérable d'existences impures ou déformées, qui sont l'existence de la même chose dans les divers domaines de l'être. Par exemple, dans le domaine intellectuel, il y a tout un commencement de déformation; le domaine mental a une quantité considérable de déformations et, à mesure que tous les domaines émotifs et sensoriels interviennent, les déformations augmentent. Et une fois qu'on arrive au plan matériel, le plus souvent c'est méconnaissable, unrecognizable. C'est complètement déformé. Au point qu'il est parfois très difficile de savoir que ceci est l'expression matérielle de cela — ça ne se ressemble plus beaucoup.

C'est une façon un peu nouvelle d'aborder le problème et qui peut donner la clef de beaucoup de choses.

Ainsi, quelqu'un que l'on connaît bien et qu'on a l'habitude de voir matériellement, si on le voit dans le physique subtil, il y a déjà des choses qui deviennent plus prononcées, plus visibles, plus importantes, et que l'on n'avait pas vues physiquement, parce que dans la grisaille matérielle elles avaient passé sur le même plan que beaucoup d'autres choses. Il y a des caractères, ou des expressions du caractère, qui deviennent suffisamment importantes pour être très visibles, et qui, physiquement, n'avaient pas paru. Quand vous regardez quelqu'un physiquement, il y a la couleur du teint, la forme des traits, l'expression — à la même minute, si vous voyez cette figure dans le physique subtil, tout d'un coup vous vous apercevez qu'une partie de la figure a une certaine couleur et une autre partie, une autre couleur; que les yeux ont au-dedans d'eux une expression et une sorte de lumière qui n'étaient pas du tout visibles; et que le tout a une apparence, et surtout donne une impression extrêmement différente, qui paraîtrait, pour nos yeux physiques, quelque peu extravagante, mais qui est très expressive pour la vision subtile, et révélatrice du caractère ou même des influences auxquelles est soumise cette personne (ce que je dis là est la notation d'une expérience que j'ai faite il y a quelques jours encore).

Donc, suivant le degré auquel on est conscient et où l'on voit, on perçoit des images, on voit des événements plus ou moins proches, et on les voit d'une façon plus ou moins exacte. La seule vision qui soit vraie et sûre, c'est la vision de la Conscience divine. Le problème est donc de devenir conscient de la Conscience divine et de garder cette Conscience dans tous les détails, tout le temps.

D'ici là, il y a toutes sortes de manières de recevoir des indications. La vision exacte et précise, familière, qu'ont certaines personnes, peut avoir plusieurs sources. Ce peut être une vision par identité avec les circonstances et les choses, quand on a pris l'habitude d'étendre sa conscience à l'entour. Ce peut être une indication donnée par un bavard du monde invisible qui s'amuse à vous prévenir de ce qui va arriver — ça arrive très souvent. Alors tout dépend de la qualité morale de votre "annonciateur"; s'il s'amuse à vos dépens, il vous raconte des histoires — c'est ce qui arrive la plupart du temps aux gens qui sont renseignés par des entités. Elles peuvent, pour amorcer les gens, leur raconter très souvent les choses telles qu'elles seront, parce qu'elles ont une vision universelle dans un domaine quelconque du vital ou du mental, et puis, quand elles sont bien sûres que vous aurez confiance en elles, elles peuvent commencer à vous raconter des blagues, et, comme on dit en anglais, you make a fool of yourself. Cela arrive très souvent. Il faudrait être soi-même dans une conscience supérieure à celle de ces individus ou de ces entités, ou de ces petites divinités comme certains les appellent, et pouvoir contrôler par en haut la valeur de leurs déclarations.

Si on a la vision mentale universelle, on peut voir toutes les formations mentales; alors on voit — et c'est très intéressant — comment le monde mental s'organise pour se réaliser sur le plan physique. On voit les diverses formations, la façon dont elles s'approchent, se combattent, se combinent, s'organisent; celles qui prennent le dessus et influencent, et qui arrivent à une réalisation plus totale. Maintenant, si l'on veut avoir vraiment une vision supérieure, il faut surgir du monde mental et voir les volontés originelles à mesure qu'elles descendent pour s'exprimer. Dans ce cas, on peut ne pas avoir tous les détails, mais le fait central, le fait dans sa vérité centrale, est indiscutable, indéniable, absolument correct.

Il y a aussi les gens qui ont la faculté de prédire des choses qui sont déjà existantes sur terre, mais à distance, une grande distance, très loin des yeux physiques — généralement, ce sont ceux qui ont la capacité d'élargir et d'étendre leur conscience. Ils ont une vision physique, mais un petit peu plus subtile, qui dépend d'un organe plus subtil que l'organe purement matériel (ce que l'on pourrait appeler la vie de cet organe) et alors, en projetant sa conscience avec la volonté de voir, on peut voir très bien, on voit les choses — elles sont déjà, seulement elles ne sont pas dans le champ de notre vision ordinaire. Ceux qui ont cette capacité et qui disent ce qu'ils voient, qui sont des gens sincères, qui ne sont pas des bluffeurs, voient d'une façon absolument précise et exacte.

Au fond, un grand facteur pour ceux qui prédisent ou qui voient, c'est leur absolue sincérité. Et malheureusement, à cause de la curiosité des gens, de leur insistance, de la pression qu'ils font — et à laquelle très peu savent résister —, ce qui arrive, quand il y a quelque chose que l'on ne voit pas d'une façon exacte ou précise, c'est qu'il y a une faculté d'imagination intérieure, presque involontaire, qui ajoute le petit élément qui manque. C'est ce qui fait les failles dans les prédictions. Il y a très peu de gens qui aient le courage de dire : "Ah, non, ça je ne sais pas; ça, ça m'échappe" —d'ailleurs, ils n'ont même pas le courage de se le dire à eux-mêmes. Et alors, un tout petit peu d'imagination, qui agit d'une façon presque subconsciente, et on complète la vision, l'information — n'importe quoi peut arriver. Il y a très peu de gens qui savent résister à cela. J'ai connu beaucoup, beaucoup de voyants, j'ai connu beaucoup d'individus qui avaient un don merveilleux — il y en avait très peu qui savaient s'arrêter juste là où ils ne savaient plus. Ou bien, pour un petit détail, on rajoute. C'est ce qui donne à ces facultés une qualité toujours un peu douteuse. Il faut être vraiment un saint — un grand saint, un grand sage — et tout à fait libre, pas du tout sous l'influence des gens (je ne parle pas, naturellement, de ceux qui veulent avoir une renommée, parce qu'alors là, ils tombent dans des pièges grossiers), mais même, il suffit d'une bonne volonté, de vouloir contenter les autres, leur faire plaisir, les aider, il suffit de cela pour que ça déforme.

Quand les événements sont prêts, déjà, dans le physique subtil, et qu'on en a la vision, est-il trop tard pour changer les choses? Est-ce qu'on peut encore agir?

Je connais un exemple très intéressant. Il y avait un temps où, dans le journal Le Matin (il y a longtemps, tu devais être bien petit), il y avait tous les jours un petit dessin représentant un garçon qui montrait du doigt quelque chose — une sorte de groom, ou de garçon d'hôtel, habillé de cette façon-là, et qui montrait toujours la date, ou je ne sais quoi, un petit dessin. Or, le monsieur à qui cette histoire est arrivée était en voyage et il habitait un grand hôtel, je ne sais plus dans quelle ville; et la nuit, ou de bonne heure le matin, de très bonne heure le matin, il avait eu un rêve : il avait vu ce garçon d'hôtel, ce groom, qui lui montrait son char funèbre (tu sais, quand on emmène les gens au cimetière, là-bas, en Europe) et qui l'invitait à monter dedans ! Il a vu cela, et puis, le matin, quand il a été prêt, il est sorti de son appartement qui était tout en haut, et là, sur le palier, le même garçon, habillé de la même manière, lui a montré l'ascenseur pour qu'il descende. Ça lui a donné un choc. Il a refusé, il a dit : "Non, merci!" L'ascenseur est tombé, il s'est écrasé, les gens dedans ont été tués.

Il m'a dit qu'après cela il croyait aux rêves!

C'était une vision. Il avait vu ce garçon, mais au lieu de l'ascenseur, c'était son corbillard qu'il lui montrait. Alors, quand il a vu le même geste, le même garçon, comme le dessin n'est-ce pas, il a dit : "Non merci, je descends à pied", et la machine (c'était un de ces ascenseurs hydrauliques), la machine s'est cassée, elle s'est effondrée. C'était tout en haut. Ça a été une bouillie.

Mon explication, c'est qu'une entité l'avait prévenu; l'image du groom laisse penser qu'une intelligence, une conscience, était intervenue — ce ne semble pas être son propre subconscient. Ou peut-être est-ce son subconscient qui était au courant et qui avait vu dans le physique subtil que ça allait arriver, mais pourquoi son subconscient lui a-t-il fait une image comme cela? Je ne sais pas. Peut-être est-ce quelque chose dans le subconscient qui savait; parce que c'était déjà là, c'était déjà dans le physique subtil. L'accident existait déjà avant d'arriver — la loi de l'accident.

Il y a évidemment, toujours, pour tout, une différence, quelquefois de quelques heures (mais ça, c'est le maximum), quelquefois de quelques secondes. Et très souvent, les choses vous disent qu'elles sont là — pour qu'elles entrent en contact avec votre conscience, cela prend quelquefois quelques minutes, quelquefois quelques secondes. Constamment, constamment je sais ce qui va arriver, et pour des choses absolument sans intérêt — il n'y a aucun intérêt à le savoir d'avance, on n'y change rien, mais ça existe et c'est autour de vous. Si votre conscience est assez large, vous savez tout cela, par exemple que telle personne va m'apporter un paquet; des choses de ce genre. Et tous les jours c'est comme cela. Ou que telle personne est en train d'arriver. C'est parce que la conscience est répandue, alors elle contacte des choses.

Mais dans ce cas, on ne peut pas dire que ce soit prémonitoire, parce que ça existe déjà; c'est seulement le contact avec nos sens qui prend quelques secondes à se réaliser, parce qu'il y a une porte ou un mur, ou quelque chose qui empêche de voir.

Mais plusieurs fois j'ai eu des expériences comme cela. Par exemple, une fois, je me promenais dans la montagne, j'étais sur un sentier où il n'y avait de place que pour un — d'un côté, le précipice, et de l'autre, le rocher à pic. J'étais avec trois enfants derrière moi, et une quatrième personne qui fermait la marche. J'étais en tête. Et le sentier suivait le rocher, on ne voyait pas où on allait (c'était d'ailleurs très dangereux; si on glissait, on était dans le trou). Je marchais en tête et, tout d'un coup, j'ai vu, avec d'autres yeux que ceux-ci (pourtant je regardais attentivement mes pas), j'ai vu un serpent, comme ça, sur le rocher, qui attendait de l'autre côté. Alors j'ai fait un pas, doucement, et, en effet, de l'autre côté, il y avait un serpent. Ça m'a évité le choc de la surprise, parce que j'avais vu et que j'avançais avec précaution; et comme il n'y avait pas le choc de la surprise, j'ai pu dire aux enfants, sans leur donner de choc : "Arrêtez, restez tranquilles, ne bougez pas." Avec le choc, il aurait pu arriver quelque chose: le serpent avait entendu du bruit, il était déjà lové et sur la défensive, devant son trou, avec sa tête qui bougeait — c'était une vipère. C'était en France. Rien n'est arrivé; tandis que s'il y avait eu de la confusion, un brouhaha, on ne sait pas ce qui aurait pu se produire.

Ce genre de choses m'est arrivé très, très souvent (pour les serpents, ça m'est arrivé quatre fois). Une fois, il faisait tout à fait nuit, c'était ici, près du village de pêcheurs d'Ariancoupom. Il y avait une rivière et c'était juste à l'endroit où elle se jette dans la mer, et il faisait nuit — la nuit était tombée très vite. On marchait sur une route et, au moment précis où j'allais baisser mon pied (j'avais déjà levé mon pied, j'allais le baisser), j'ai entendu distinctement une voix à mon oreille : "Attention!" Pourtant personne n'avait parlé. Alors j'ai regardé et j'ai vu, juste au moment où mon pied allait toucher terre, un énorme cobra noir, sur lequel j'aurais confortablement mis mon pied — ce sont des gens qui n'aiment pas ça. Il a nié, puis il a traversé l'eau — mon petit, une beauté ! Le capuchon ouvert, la tête droite, il a traversé comme un roi, tout ça dehors. Évidemment, j'aurais été punie de mon impertinence.

Des choses comme cela, j'en ai eu des centaines et des centaines —juste à la seconde (pas une seconde trop tôt) informée. Et dans des circonstances très différentes. Une fois, à Paris, j'étais en train de traverser le Boulevard Saint Michel (c'était les dernières semaines; j'avais décidé que dans un certain nombre de mois, j'aurais la jonction avec la Présence psychique, le Divin intérieur, et je ne pensais plus qu'à cela, je n'étais plus occupée que de cela). J'habitais près du Luxembourg, là-bas, et j'allais me promener au Luxembourg, le soir — mais toujours intériorisée. Il y a une espèce de carrefour, là, ce n'est pas un endroit pour traverser intériorisée, ce n'était pas très raisonnable! Et alors, j'étais comme cela, j'avançais, lorsque, tout d'un coup, j'ai reçu un choc, comme si j'avais reçu un coup, comme si quelque chose me donnait un coup, et j'ai sauté en arrière instinctivement; et quand j'ai eu sauté en arrière, un tramway a passé — c'était le tramway que j'avais senti à une distance d'un peu plus d'un bras étendu. Ça avait touché l'aura, l'aura de protection (à ce moment-là, elle était très forte; c'était en plein occultisme et je savais comment la garder), l'aura de protection avait été touchée et ça m'avait littéralement jetée en arrière, comme si j'avais reçu le choc physique. Et avec les insultes du conducteur! J'ai sauté et le tram a passé, juste à temps.

Je ne me souviens plus, mais c'est à la pelle que je pourrais en raconter.

Les raisons peuvent être très différentes. Très souvent, c'est quelqu'un qui m'informait : une petite entité, ou un être quelconque. Quelquefois, c'était l'aura qui protégeait. Pour toutes sortes de choses. C'est-à-dire que la vie était rarement limitée au corps physique — c'est commode, c'est bon. C'est nécessaire, ça augmente vos capacités. C'était ce que m'avait dit tout de suite celui qui m'enseignait l'occultisme : "Vous vous privez de sens qui sont tout ce qu'il y a de plus utile, même pour la vie la plus ordinaire." Et c'est vrai, c'est tout à fait vrai. Nous pouvons savoir infiniment plus de choses que nous n'en savons d'ordinaire, simplement en utilisant nos propres sens. Et pas seulement au point de vue mental, mais au point de vue vital et même au point de vue physique.

Mais quelle est la méthode?

Oh, la méthode est très facile. Ce sont des disciplines. Cela dépend de. ce que l'on veut faire.

Cela dépend. Pour chaque chose il y a une méthode. Et la première méthode, c'est d'abord de le vouloir, c'est-à-dire prendre une décision. Puis on vous donne la description de tous ces sens et comment ils fonctionnent — ça, c'est une longue affaire. Vous prenez un sens, ou plusieurs, ou celui pour lequel vous avez le plus de facilité pour commencer, et vous décidez. Puis vous suivez la discipline. C'est l'équivalent des exercices pour se développer les muscles. On peut même arriver à se créer une volonté.

Mais pour les choses plus subtiles, la méthode est de se faire une image exacte de ce que l'on veut, de se mettre en rapport avec la vibration correspondante, et puis de se concentrer et de faire des exercices. Comme s'exercer à voir à travers un objet, ou bien à entendre à travers un son,1 ou bien à voir à distance. Par exemple, j'ai été long-temps, pendant plusieurs mois, immobilisée dans un lit, et je trouvais cela assez ennuyeux—je voulais voir. J'habitais une chambre, et au bout de la chambre il y avait une autre petite chambre, et au bout de la petite chambre il y avait une sorte de pont, et au milieu du jardin ce pont se changeait en escalier et descendait dans un très grand et très bel atelier construit au milieu du jardin. Je voulais aller voir ce qui se passait dans l'atelier, parce que je m'ennuyais dans ma chambre. Alors je restais bien tranquille, je fermais les yeux et j'envoyais ma conscience petit à petit, petit à petit, petit à petit. Et jour après jour —je prenais une heure fixe et je faisais l'exercice, régulièrement. D'abord, on se sert de son imagination, et puis ça devient un fait. Et au bout d'un certain temps, j'avais tout à fait la sensation physique que ma vision se déplaçait : je la suivais, et puis je voyais des choses en bas, que j'ignorais tout à fait. Je vérifiais après. Le soir, je demandais: "Est-ce que ça, c'était comme cela? Et ça, c'était comme cela?"

Mais pour chacune de ces choses, il faut faire cela pendant des mois, avec patience, une sorte d'obstination. On prend les sens l'un après l'autre : l'ouïe, la vue, et même on arrive à des choses subtiles du goût, de l'odorat, du toucher.

Au point de vue mental, c'est plus facile, parce que là, on est habitué à la concentration. Quand on veut réfléchir et trouver une solution, au lieu de suivre des déductions de pensée, on arrête tout et on essaye de concentrer, concentrer, intensifier le point du problème — on arrête tout et on attend, jusqu'à ce que, par l'intensité de la concentration, on obtienne une réponse. Cela aussi demande un peu de temps. Mais quand on a été un bon élève, on a un peu l'habitude de faire cela, ce n'est pas très difficile.

Il y a une sorte de prolongation des sens physiques. Les Indiens Peaux-Rouges, par exemple, ont une ouïe et un odorat beaucoup, beaucoup plus étendus que les nôtres — et les chiens ! Je connaissais un Indien (c'était mon ami quand j'avais huit ou dix ans, il était venu avec Buffalo Bill, du temps de l'Hippodrome, il y a longtemps, j'avais huit ans) et il mettait son oreille par terre, et il était tellement calé qu'il savait la distance : suivant l'intensité de la vibration, il savait à quelle distance se trouvait le bruit de celui qui marchait. Après cela, les enfants disaient tout de suite : "Je voudrais bien savoir ça!" Et puis on essaye.

C'est comme cela qu'on se prépare. On croit qu'on s'amuse et puis on se prépare pour plus tard.

27 février 1962

 


1 "Entendre derrière un son, a précisé Mère, c'est se mettre en rapport avec la réalité subtile qui est derrière le fait matériel, derrière la parole ou le son physique, ou derrière la musique, par exemple. On se concentre, et puis on entend ce qui est derrière. C'est se mettre en contact avec la réalité vitale qui est derrière les apparences (il peut y avoir aussi une réalité mentale, mais généralement, ce qui est immédiatement derrière le bruit physique, c'est une réalité vitale)." (En arrière)

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73-75 (Quand vient la Sagesse, sa première leçon est de dire : "La...)

73 — Quand vient la Sagesse, sa première leçon est de dire : "La connaissance n'existe pas; il y a seulement des aperçus de la Divinité infinie."

 

C'est très bien.

Il n'est pas besoin de questions.

 

74 — La connaissance pratique est chose différente, c'est-à-dire qu'elle est réelle et commode, mais jamais complète. Par conséquent, la systématiser et la codifier est nécessaire, mais fatal.

75 — Systématiser, nous y sommes obligés, mais même quand nous édifions et soutenons un système, nous ne devrions jamais perdre de vue cette vérité que tous les systèmes, par nature, sont transitoires et incomplets.

 

J'ai regardé cela très, très souvent. Il y avait même un temps où je pensais que si l'on pouvait avoir une connaissance totale, complète et parfaite, de tout le fonctionnement de la Nature physique telle que nous la percevons dans le monde de l'Ignorance, ce serait peut-être le moyen de retrouver, ou d'atteindre de nouveau la Vérité des choses. Avec ma dernière expérience,1 je ne peux plus penser comme cela.

Je ne sais pas si je me fais comprendre... Il y avait un temps — pendant très longtemps — où je pensais que la Science, si elle allait jusqu'au bout de sa possibilité, mais d'une façon absolue (si c'est possible), elle rejoindrait la Connaissance vraie. Comme, par exemple, dans son étude de la composition de la Matière, à force de pousser, pousser, pousser l'investigation, il y aurait un moment où les deux se rejoindraient. Eh bien, au moment où j'ai eu cette expérience du passage de la Conscience-de-Vérité éternelle à la conscience du monde individualisé, il m'a paru que c'était impossible. Et si tu me demandes maintenant, je crois que l'une et l'autre, cette possibilité de jonction en poussant la Science à fond, et puis cette impossibilité d'aucune connexion consciente vraie avec le monde matériel, sont toutes les deux inexactes. Il y a quelque chose d'autre.

Et ces jours-ci, de plus en plus, je me trouve en présence du problème total, comme si je ne l'avais jamais vu.

Peut-être est-ce deux chemins qui mènent vers un troisième point, et que c'est, en ce moment, ce troisième point que je suis en train de... pas positivement d'étudier, mais je suis à sa recherche — où les deux se joindraient en un troisième qui serait la Vraie Chose.

Mais certainement, la connaissance objective, scientifique, poussée à son extrême, s'il lui est possible d'être absolument totale, en tout cas elle amène au seuil. C'est ce que dit Sri Aurobindo. Seulement il dit que c'est fatal, parce que tous ceux qui se sont adonnés à cette connaissance-là y ont cru comme à une vérité absolue, et cela a fermé pour eux la porte de l'autre approche. C'est en cela que c'est fatal.

Mais d'après mon expérience personnelle, je pourrais dire que, pour tous ceux qui croient à l'approche spirituelle exclusive, l'approche par l'expérience intérieure, en tout cas si c'est exclusif, c'est aussi fatal. Parce qu'elle leur révèle un aspect, une vérité du Tout, mais pas le Tout. L'autre côté m'apparaît aussi indispensable, en ce sens que quand j'étais si totalement dans cette Réalisation suprême, il était absolument incontestable que l'autre réalisation, extérieure, mensongère, était seulement une déformation (probablement accidentelle) de quelque chose qui était aussi vrai que l'autre.

Et c'est ce "quelque chose" à la recherche de quoi nous sommes. Et peut-être pas seulement la recherche, peut-être la fabrication de ça.

Nous sommes utilisés pour participer à la manifestation de ça. De "ça" qui est encore inconcevable pour tout le monde, parce que ce n'est pas encore. C'est une expression à venir.

Voilà tout ce que je peux dire.

(silence)

C'est vraiment l'état de conscience dans lequel je vis en ce moment. C'est comme si j'étais en présence de cet éternel problème, mais d'une autre position...

Ces positions, la position spirituelle et la position "matérialiste" si l'on peut dire, qui se croient exclusives (exclusives et uniques, ce qui leur fait nier la valeur de l'autre au point de vue de la Vérité). sont insuffisantes, non seulement parce qu'elles n'admettent pas l'autre, mais parce qu'admettre les deux et unir les deux ne suffit pas à résoudre le problème. C'est quelque chose d'autre — une troisième chose qui n'est pas la conséquence de ces deux, mais qui est quelque chose à découvrir, qui probablement ouvrira la porte de la Connaissance totale.

Voilà où j'en suis.

Plus, je ne peux pas dire, parce que j'en suis là.

Pratiquement, comment participer à cette...

Cette découverte?

Ça!... Au fond, c'est toujours la même chose. C'est toujours la même chose : réaliser son propre être, entrer en rapport conscient avec la Vérité suprême de son propre être, sous n'importe quelle forme, par réimporte quel chemin — cela n'a aucune importance —, mais c'est le seul moyen. Nous portons, chaque individu porte en lui une vérité, et c'est à cette vérité qu'il doit s'unir, c'est cette vérité qu'il doit vivre; et comme cela, le chemin qu'il aura à suivre pour joindre et réaliser cette vérité est le chemin qui le mènera le plus près possible de la Connaissance. C'est-à-dire que les deux sont absolument unis : cette réalisation personnelle et la Connaissance.

Qui sait, peut-être même est-ce cette multiplicité d'approches qui donnera le Secret — le Secret qui ouvrira la porte.

Je ne pense pas qu'un seul individu (sur la terre telle qu'elle est maintenant), un seul individu, si grand soit-il, si éternelles que soient sa conscience et son origine, puisse, à lui seul, changer et réaliser; changer le monde, changer la création telle qu'elle est, et réaliser cette Vérité supérieure qui sera un nouveau monde — un monde plus vrai, sinon absolument vrai. ' Il semblerait qu'un certain ensemble d'individus (jusqu'à présent cela paraît être plutôt dans le temps, comme une succession; mais c'est peut-être aussi dans l'espace; une collectivité) soit indispensable pour que cette Vérité puisse se concrétiser et se réaliser.

Pratiquement, j'en suis sûre.

C'est-à-dire que, si grand soit-il, si conscient soit-il, si puissant soit-il, un Avatar ne peut pas, tout seul, réaliser la vie supramentale sur la terre. C'est, ou un ensemble dans le temps, s'échelonnant sur un temps, ou bien un groupe se répandant sur un espace — peut-être les deux — qui sont indispensables à cette Réalisation. J'en suis convaincue.

L'individu peut donner l'impulsion, indiquer le chemin — marcher lui-même sur le chemin, c'est-à-dire montrer le chemin en le réalisant lui-même —, mais pas accomplir. L'accomplissement obéit à des lois d'ensemble qui sont l'expression d'un certain aspect de l'Éternité et de l'Infini—naturellement, c'est tout le même Être! Ce ne sont pas des individus différents ni des personnalités différentes, c'est tout le même Être. Mais c'est tout le même Être qui s'exprime d'une certaine façon qui, pour nous, se traduit par un ensemble, un groupe, une collectivité.

Voilà. Tu as une autre question sur le même sujet?

Sur quel point ta vision est-elle devenue différente depuis cette expérience (du 13 avril)?

Je répète. Pendant très longtemps, il m'a semblé que si l'on faisait une union parfaite entre l'approche scientifique, poussée à son extrême, et l'approche spirituelle, poussée à son extrême — son extrême réalisation —, si l'on joignait les deux, on trouverait, on obtiendrait naturellement la Vérité que l'on cherche, la Vérité totale. Mais avec les deux expériences que j'ai eues, l'expérience de la vie extérieure (avec l'universalisation, l'impersonnalisation, enfin toutes les expériences yoguiques que l'on peut avoir dans un corps matériel) et puis l'expérience de l'union totale et parfaite avec l'Origine, maintenant que j'ai eu ces deux expériences et qu'il est arrivé quelque chose — que je ne peux pas décrire encore —, je sais que la connaissance des deux et l'union des deux n'est pas suffisante; qu'il y a une troisième chose à laquelle elles aboutissent, et que c'est cette troisième chose qui est... in thé making, qui est en train de s'élaborer. C'est cette troisième chose qui peut mener à la Réalisation, à la Vérité que nous cherchons.

Cette fois, c'est clair?

C'est autre chose que j'avais en vue... En quoi ta vision du monde physique a-t-elle changé depuis ça (cette expérience du 13 avril) ?

On peut donner seulement une approximation de la conscience de cela.

J'étais arrivée, par le yoga, à une sorte de relation avec le monde matériel, basée sur la notion de la quatrième dimension (dimensions intérieures, qui deviennent innombrables dans le yoga) et l'utilisation de cette attitude et de cet état de conscience. J'étudiais la relation entre le monde matériel et le monde spirituel avec le sens des dimensions intérieures et par un perfectionnement de la conscience des dimensions intérieures — ça, c'était mon expérience avant la dernière.

Naturellement, depuis très longtemps, il n'était plus question des trois dimensions — ça, ça appartient absolument au monde de l'illusion et du mensonge. Mais maintenant, c'est toute l'utilisation du sens de la quatrième dimension, avec tout ce que cela comporte, qui m'est apparu comme superficiel ! Et c'est si fort que je. ne le retrouve plus. L'autre, le monde à trois dimensions, est absolument irréel ; et celui-là me paraît... comment dire... conventionnel. Comme si c'était une traduction conventionnelle pour vous permettre un certain genre d'approche.

Et quant à dire ce que c'est, l'autre, la position vraie? C'est tellement en dehors de tout état intellectuel que je n'arrive pas à le formuler.

Mais la formule viendra, je sais. Mais elle viendra dans une série d'expériences vécues, que je n'ai pas encore eues.

(silence)

Ce moyen qui m'était très utile, très commode, et à l'aide duquel je faisais mon yoga, qui me donnait une prise sur la Matière, m'est apparu comme une méthode, un moyen, un procédé, mais c'est pas ça. Voilà.

Voilà l'état dans lequel je suis.

Plus, je ne peux pas dire.

24 mai 1962

 


1 Il s'agit d'une expérience yoguique particulière qui a eu lieu le 13 avril 1962. (En arrière)

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76 ( L'Europe se vante de son organisation et de son efficacité pratiques et...)

76 — L'Europe se vante de son organisation et de son efficacité pratiques et scientifiques. J'attends que son organisation soit parfaite, alors un enfant la détruira.1

 

Quand on a publié ces aphorismes dans le "Bulletin", tu avais dit d'omettre celui-là. C'est un aphorisme assez mystérieux — que j'aimerais bien comprendre, d'ailleurs. Mais je voudrais savoir si, maintenant, nous devons le publier ou non?

Où avait-il écrit cela?

Dans les aphorismes.

Oui, mais il n'a pas écrit un livre spécial : ces textes ont été ramassés ici et là.

Non, non, pas du tout. Sri Aurobindo avait un cahier spécial dans lequel il mettait ces aphorismes au fur et à mesure. Et celui-là se trouvait au milieu d'autres.

(Après un silence)

"Un enfant"...

Qu'est-ce qu'il avait mis en anglais, au début?

"Prides herself."

Se vante...

Moi, je le mettrais.

Mais qu'est-ce qu'il a voulu dire?

Je ne sais pas.

Naturellement, ce ne peut être que le pouvoir qui est détruit, parce que la terre, on ne la détruit pas.

Oui, on ne détruit pas la terre, mais une civilisation, on peut la détruire.

Oui.

Il dit : l'Europe sera détruite.

Oui... Mais quel enfant?

J'ai l'impression que c'est venu comme quelque chose d'absolument vrai, une prédiction absolument vraie— mais je ne sais pas.

Tu avais dit qu'il valait mieux l'omettre.

Mais maintenant, au contraire, j'ai l'impression qu'il faut le dire.

Mais je ne pense pas que le temps soit encore venu — "venu", je veux dire pour la réalisation; le temps est venu de le dire mais pas pour la réalisation.

"L'enfant"... peut-être est-ce l'enfant du Nouveau Monde — avec un sourire, il va faire écrouler tout cela.

Oui, c'est possible — c'est possible.

(silence)

Ça contient une puissance effrayante... quelque chose de formidable. Tu n'imagines pas le pouvoir qu'il y a là-dedans, c'est vraiment comme si le Divin lui-même parlait : "J'attends"... I am waiting...

11 décembre 1971

 


1 La conversation qui suit a eu lieu quelque dix ans après l'époque de ces commentaires, en décembre 1971. (En arrière)

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77-78 (Le génie découvre un système; le talent moyen le stéréotype, ...)

77–Le génie découvre un système; le talent moyen le stéréotype, jusqu'au jour où il est vais en pièces par un nouveau génie. Il est dangereux pour une armée d'être conduite par les vétérans, car, de l'autre côté. Dieu peut mettre Napoléon.

78– Quand la connaissance est fraîche en nous, elle est invincible; vieille, elle perd sa vertu. Parce que Dieu va toujours de l'avant.

Sri Aurobindo parle ici d'une connaissance par inspiration ou révélation, quand quelque chose descend subitement et illumine la compréhension. Tout d'un coup, on a l'impression de savoir une certaine chose pour la première fois, parce qu'elle vient directement du domaine de la Lumière, de la Connaissance vraie, et elle arrive avec toute sa puissance innée de vérité — ça vous illumine. Et quand on vient de la recevoir, en effet, il semble que rien ne puisse résister à cette Lumière-là. Et si l'on prend soin de la laisser agir en soi, elle fait autant de transformation qu'elle est capable d'en faire dans son propre domaine.

C'est une expérience qu'on peut avoir souvent. Quand cela arrive et pour un certain temps — pas très longtemps —, tout semble s'arranger tout naturellement autour de cette Lumière. Et puis, petit à petit, elle se mélange avec le reste; la connaissance intellectuelle demeure— elle s'est formulée d'une façon ou d'une autre; cela, ça reste —, mais c'est comme si c'était vide. Cela n'a plus cette puissance de propulsion qui transforme tous les mouvements de l'être à cette image. Et c'est cela que Sri Aurobindo veut dire : le monde va vite, le Seigneur avance toujours, et tout cela, c'est une queue qu'il laisse derrière Lui, mais qui n'a plus la même puissance immédiate et toute-puissante du moment où Il l'a projetée dans le monde.

On a l'impression que c'est comme une pluie de vérité qui tombe — tous ceux qui sont capables d'en attraper, ne serait-ce qu'une goutte, reçoivent une révélation; mais à moins qu'ils n'avancent eux-mêmes avec une rapidité fantastique, le Seigneur avec Sa pluie de vérité commence à être très loin, et il faut courir beaucoup pour la rattraper!

C'est cela qu'il veut dire.

Oui, mais pour que cette connaissance ait vraiment un pouvoir de transformation...

Oui, c'est la Connaissance supérieure, la Vérité qui s'exprime, ce que Sri Aurobindo appelle "la Connaissance vraie", et c'est cette Connaissance qui transforme toute la création. Mais c'est comme s'il laissait tomber cela tout le temps, n'est-ce pas, et il faut se dépêcher beaucoup pour ne pas être en retard ! (Mère rit)

Mais tu n'as jamais eu cette sensation d'un éblouissement dans la tête? Et puis cela se traduit par : "Ah! mais oui!"—quelque chose que l'on savait intellectuellement quelquefois, mais c'était terne, c'était sans vie, et, tout d'un coup, ça vient comme une puissance formidable qui arrange tout au-dedans de la conscience autour de cette Lumière-là. Ça ne dure pas très longtemps. Quelquefois ça ne dure que quelques heures, quelquefois ça dure quelques jours, mais jamais plus longtemps que cela, à moins qu'on ne soit très lent dans son mouvement. Et pendant ce temps-là, n'est-ce pas, la Source de la vérité va, va, va...

Tout cela, ce sont des transformations psychologiques, mais quand il s'agit de la Matière et du corps, quelle connaissance faut-il?

Ça, mon petit, je ne peux rien dire pour le moment, parce que je ne le sais pas.

C'est un autre genre de connaissance?

Non, je ne pense pas.

(silence)

C'est peut-être un autre genre d'action, mais ce n'est pas un autre genre de connaissance.

(silence)

Au fond, on ne pourra parler de ce qui transforme la Matière que quand la Matière sera, au moins, un peu transformée, qu'il y aura un commencement de transformation. Alors on pourra parler du processus. Mais pour le moment...

(silence)

Mais n'importe quelle transformation dans l'être, sur n'importe quel plan, a toujours une répercussion sur les plans inférieurs. Il y a toujours une action — même pour ces choses qui semblent être purement intellectuelles, elles ont une répercussion sur la construction du cerveau, sûrement.

Et ces sortes de révélations ne se produisent que dans un mental silencieux — en tout cas au repos ; un mental tout à fait tranquille et immobile, autrement ça ne vient pas. Ou si ça vient, on ne s'en aperçoit pas avec tout le bruit qu'on fait. Et naturellement, cela aide à. établir de mieux en mieux cette. tranquillité, ce silence, cette réceptivité. Cette impression de quelque chose. de si immobile, mais pas fermé — immobile mais ouvert, immobile mais réceptif—, c'est une chose qui s'établit justement par le nombre de ces expériences. Il y a une grande différence entre un silence mort, terne, "irresponsif", et le silence réceptif d'un mental apaisé. Cela fait une grande différence. Mais cela, c'est le résultat de ces expériences-là. Tous les progrès que nous faisons sont toujours, tout naturellement, le résultat de vérités qui viennent d'en haut.

Cela a un effet, toutes ces choses ont un effet sur le fonctionnement du corps — fonctionnement des organes, fonctionnement cérébral, fonctionnement des nerfs, etc. Et cela, sûrement, se produira avant, longtemps avant un effet sur la forme extérieure.

Et au fond, quand les gens parlent de transformation, ils pensent surtout à une transformation imagée, hein? Une belle apparence! lumineuse, souple, plastique, changeant à volonté. Mais cette chose très peu esthétique de la transformation des organes, on n'y pense pas beaucoup ! Et pourtant, c'est certainement ce qui se produira en premier, longtemps avant la transformation de l'apparence.

Sri Aurobindo parlait du remplacement des organes par le fonctionnement des "chakra 1 ".

Oui, oui. Il a dit trois cents ans! (Mère rit.)

(silence)

Parce que, il suffit de réfléchir, on comprend facilement : s'il s'agissait d'arrêter quelque chose et de commencer quelque chose d'autre, cela, ça peut se faire assez rapidement. Mais tenir un corps vivant (n'est-ce pas, qu'il continue à fonctionner) et puis qu'en même temps il y ait un fonctionnement nouveau suffisant pour qu'il puisse rester vivant, et une transformation — cela fait une sorte de combinaison très difficile à réaliser. Je me rends compte de cela très bien, très bien... du temps immense qu'il faut pour que cela puisse se faire sans catastrophe.

Surtout, n'est-ce pas, si nous en venons au cœur. Le cœur remplacé par le centre de la Puissance... une puissance dynamique formidable! (Mère rit) À quel moment on va supprimer la circulation et jeter la Force?

C'est difficile.

(silence)

Dans la vie ordinaire, on pense les choses, puis on les fait—c'est juste l'opposé! Dans cette vie, il faut d'abord le faire et puis, après, on comprend, mais longtemps après. Il faut d'abord faire, sans penser. Si l'on pense, on ne fait rien de bon. C'est-à-dire que l'on retourne à la vieille manière.

6 octobre 1962

 


1 Centres de conscience situés dans le corps subtil, qui s'éveillent et deviennent actifs par la pratique du yoga. (En arrière)

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79-80 (Dieu est Possibilité infinie. C'est pourquoi la Vérité n'est jamais en...)

79 — Dieu est Possibilité infinie. C'est pourquoi la Vérité n'est jamais en repos. C'est pourquoi aussi l'Erreur est justifiée de ses enfants.

80 — Si l'on en croit certaines personnes dévotes, on pourrait s'imaginer que Dieu ne rit jamais; Heine était plus près de la vérité quand il a découvert en Lui le divin Aristophane.

Oui, ce qu'il veut dire, c'est que ce qui est vrai à un moment ne l'est plus à un autre. Et c'est cela qui justifie les enfants de l'erreur.

Il veut peut-être dire qu'il n'y a pas d'erreur!

Oui, c'est la même chose, une autre façon de dire la même chose. C'est-à-dire que ce que nous appelons erreur a été vérité à un moment donné.

L'erreur est une notion dans le temps.

Il y a certaines choses qui peuvent apparaître véritablement comme des erreurs.

Momentanément.

C'est justement cela, l'impression : tous nos jugements sont momentanés. Ils sont : à ce moment-ci, c'est comme ça; le moment suivant, ce n'est plus comme ça. Et pour nous, ce sont des erreurs, parce que nous voyons les choses l'une après l'autre; mais pour le Divin, cela ne peut pas Lui apparaître ainsi, parce que tout est en Lui.

Au fond, essaye de t'imaginer que tu es le Divin pendant un moment ! Tout est en toi; simplement tu t'amuses à le faire sortir dans un certain ordre; mais pour toi, dans ta conscience, tout est là en même temps : il n'y a ni temps, ni passé ni futur ni présent — tout est ensemble. Et toutes les combinaisons possibles. Il s'amuse à sortir une chose et puis l'autre, là, comme ça; alors les pauvres bougres qui sont en bas et qui ne voient qu'un petit morceau (ils en voient grand comme ça), ils disent : "Oh! ça, c'est une erreur." Comment est-ce une erreur? Simplement parce qu'ils ne voient qu'un petit morceau.

C'est clair, n'est-ce pas, c'est facile à comprendre. Cette notion d'erreur est une notion qui appartient au temps et à l'espace.

C'est comme l'impression qu'une chose ne peut pas être et ne pas être en même temps. Et pourtant c'est vrai, elle est et elle n'est pas. C'est la notion de temps qui amène la notion d'erreur — de temps et d'espace.

Qu'est-ce que tu veux dire, qu'une chose est et qu'elle n'est pas en même temps, comment?

Elle est, et en même temps il y a son contraire. Alors, pour nous, cela ne peut pas être à la fois oui et non. Pour le Seigneur, c'est tout le temps oui et non en même temps.

C'est comme notre notion d'espace; nous disons : "Je suis là, par conséquent tu n'es pas là." Et moi je suis là et tu es là et tout est là ! (Mère rit) Seulement, il faut être capable de sortir de la notion d'espace et de temps pour comprendre.

C'est une chose que l'on peut sentir très concrètement, mais pas avec notre façon de voir.

Certainement, beaucoup de ces aphorismes sont écrits à un moment où le mental supérieur, tout d'un coup, débouche dans le Supramental. Il n'a pas encore oublié comment c'est pour lui de la façon ordinaire, mais il voit comment c'est pour la façon supramentale; et alors, cela donne ce genre de choses, c'est cela qui donne cette forme paradoxale. Parce que l'un n'est pas oublié et l'autre est déjà perçu.

(long silence)

Au fond, si l'on regarde attentivement, on est obligé de penser que le Seigneur se joue une formidable comédie à Lui-même! que la Manifestation, c'est une comédie qu'il se joue à Lui-même avec Lui-même.

Il a pris la position du spectateur et puis Il se regarde. Et alors, pour se regarder, il faut qu'il accepte la notion de temps et d'espace, autrement Il ne peut pas se regarder! Et immédiatement, toute la comédie commence. Mais c'est une comédie, ce n'est rien de plus!

Nous, nous prenons cela sérieusement, parce que nous sommes des marionnettes, hein? Mais dès que nous cessons d'être des marionnettes, nous voyons bien que c'est une comédie.

C'est aussi une tragédie réelle, pour certains.

Oui, c'est nous qui la rendons tragique. Ça, c'est nous qui la rendons tragique.

Dernièrement, j'ai regardé avec attention. J'ai regardé la différence entre des événements similaires arrivant aux hommes et arrivant aux animaux; et en s'identifiant aux animaux, on voit bien qu'ils ne prennent pas cela tragiquement du tout — excepté ceux qui sont entrés en rapport avec l'homme (mais là, ce n'est pas leur état naturel, c'est un état de transition ; ils deviennent des êtres de transition entre l'animal et l'homme). Et la première chose qu'ils prennent naturellement de l'homme, ce sont ses défauts, c'est toujours ce qu'il y a de plus facile à prendre! Et alors ils se rendent malheureux — pour rien.

Tant de choses... Tant de choses... L'homme a fait de la mort une tragédie épouvantable. Ces jours derniers, j'ai vu, parce que la nuit dernière ou la nuit d'avant, j'ai passé au moins deux heures dans un monde qui est le physique subtil,1 où les vivants et les morts se côtoient sans sentir la différence — ça ne fait aucune différence. Là, il n'y a aucune différence. Et il y avait des vivants... il y avait ce que nous appelons des "vivants" et ce que nous appelons des "morts", ils étaient là, ensemble, et ils mangeaient ensemble, ils bougeaient ensemble, ils s'amusaient ensemble; et tout cela, c'était une jolie lumière, tranquille, enfin très agréable, c'était très agréable. Je me suis dit : "Voilà ! les hommes ont fait une coupure, comme ça, et puis ils ont dit: "Maintenant, mort." Et mort! le beau de l'affaire c'est qu'on agit avec eux comme si l'on agissait avec une chose inconsciente, et ce corps est encore conscient!

(silence)

Où, où est l'Erreur? Où est l'Erreur?

C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'erreur. Il y a seulement l'apparence de choses impossibles, parce que nous ne savons pas que le Seigneur est toute possibilité et qu'il peut faire tout ce qu'il veut, comme Il veut. Cela, ça ne peut pas entrer dans notre tête, nous disons toujours : "Oui, ceci se peut et puis cela ne se peut pas", mais ce n'est pas vrai ! C'est pour notre imbécillité que cela ne se peut pas, mais tout est possible.

(silence)

Tiens, tu vois, il n'y a que celui qui regarde la pièce qui ne se tourmente pas, parce qu'il sait tout ce qui va arriver et qu'il a la connaissance absolue de tout — de tout ce qui arrive et de tout ce qui est arrivé et de tout ce qui va arriver — et c'est tout là, une présence pour lui. Et alors, ce sont les autres, les pauvres acteurs, qui ne savent même pas — ils ne savent même pas leur rôle ! Et ils se tourmentent beaucoup, parce qu'on leur fait jouer quelque chose et ils ne savent pas ce que c'est. C'est une impression que je viens d'avoir, très forte : nous sommes tous à jouer la comédie, mais nous ne savons pas ce qu'est la comédie, ni où elle va ni d'où elle vient, ni son ensemble; nous savons juste à peine — et mal — ce qu'il faut que nous fassions sur le moment. Et nous le savons mal. Et alors on se tourmente! Mais quand on sait tout, on ne peut plus se tourmenter, on sourit — Il doit s'amuser beaucoup, mais nous... Seulement, il nous est donné le plein pouvoir de nous amuser comme Lui.

C'est simplement parce que nous n'en prenons pas la peine.

Ce n'est pas facile !

Oh ! si c'était facile... si c'était facile, on s'en fatiguerait.

On se demande parfois aussi pourquoi, pourquoi c'est si tragique, cette vie. Mais si c'était comme un enchantement perpétuel, d'abord on n'apprécierait même pas, parce que ce serait tout à fait naturel — c'est surtout cela, on n'apprécierait pas parce que ce serait tout à fait naturel—, et puis rien ne dit que l'on n'aimerait pas un petit peu de tohu-bohu pour changer. Ce n'est pas sûr.

C'est peut-être cela, l'histoire du paradis terrestre... dans le paradis, ils avaient la connaissance spontanée, c'est-à-dire qu'ils vivaient, ils avaient la même conscience que celle des animaux, juste assez pour pouvoir jouir de la vie un peu, comme ça, avoir la joie de la vie. Mais ils ont voulu commencer à savoir pourquoi, comment, où l'on va, qu'est-ce qu'il faut faire, etc., et alors tout le tourment a commencé — ils se sont fatigués d'être tranquillement heureux.

(silence)

Je pense que Sri Aurobindo a voulu dire que l'erreur est une illusion, comme le reste — qu'il n'y a pas d'erreur, qu'il y a toutes les possibilités, qui sont souvent (qui sont nécessairement} contradictoires si elles sont toutes là. Contradictoires dans leur apparence. Mais il suffit de se regarder soi-même et de se dire : "Qu'est-ce que, moi, j'appelle erreur?" Et si l'on prend la chose en face et qu'on dise : "Qu'est-ce que j'appelle erreur?", on voit immédiatement que c'est une ânerie — il n'y a pas d'erreur, ça vous échappe des doigts.

(silence)

J'ai l'impression que Sri Aurobindo était dans son ascension : le mental intuitif était en train de percer un trou et d'entrer en contact avec le Supramental, alors ça venait comme ça, ploff! comme un éclatement dans la pensée, et il écrivait ces choses-là. Et si l'on suit le mouvement, on voit l'Origine.

C'est évidemment cela qu'il voulait dire : l'Erreur est l'une des innombrables, des infinies possibilités. "Infini" veut dire qu'absolument rien n'est en dehors de la possibilité d'être. Alors, où mettre l'erreur là-dedans? L'erreur, c'est nous qui appelons cela erreur, c'est tout à fait arbitraire. Nous disons : "Ça, c'est une erreur" — par rapport à quoi? À notre jugement que "ça, c'est vrai", mais certainement pas par rapport au jugement du Seigneur, puisque c'est une partie de Lui-même!

C'est cet élargissement de la compréhension, il n'y a pas beaucoup de gens qui peuvent supporter cela.

N'est-ce pas, quand je commence à regarder comme ça (Mère ferme les yeux), il y a en même temps deux choses :justement, ce sourire, cette joie, ce rire est là, et puis... et puis une paix! n'est-ce pas, une paix! une paix si pleine, si lumineuse, si totale, où plus rien ne se bat, il n'y a plus de contradictions. Rien ne se bat plus. C'est une seule lumineuse harmonie — et pourtant, tout ce que nous appelons erreur, souffrance, misère, tout est là. Ça ne supprime rien. C'est une autre façon de voir.

(long silence)

Il n'y a pas à dire, si sincèrement on veut en sortir, au fond ce n'est pas si difficile : on n'a rien à faire, on n'a qu'à laisser le Seigneur faire tout. Et Il fait tout. Il fait tout, Il est ... c'est si merveilleux! c'est si merveilleux.

Il prend n'importe quoi, même ce que nous appelons une intelligence tout à fait ordinaire, et puis simplement, Il vous apprend à mettre cette intelligence de côté, en repos : "Là, tiens-toi tranquille, ne bouge plus, ne m'embête pas, je n'ai pas besoin de toi", alors une porte s'ouvre — on n'a même pas l'impression d'avoir à l'ouvrir : elle est toute ouverte, on vous fait passer de l'autre côté (tout cela, c'est Quelqu'un d'autre qui le fait, ce n'est pas vous). Et puis, l'autre façon devient impossible.

Tout ce... oh! ce labeur effroyable du mental qui s'efforce de comprendre, ouf! qui peine, qui se donne mal à la tête... absolument inutile, absolument inutile, ça ne sert à rien du tout, qu'à brouiller les cartes.

Vous êtes en face d'un soi-disant problème : qu'est-ce qu'il faut dire, ou qu'est-ce qu'il faut faire, ou comment agir, ou...? Il n'y a rien à faire! Rien, il n'y a qu'à dire au Seigneur : "Voilà, Tu vois, c'est comme ça", et puis c'est tout. Et puis on reste bien tranquille. Et puis, tout spontanément, sans y penser, sans réfléchir, sans calculer, rien, rien, pas le moindre travail — on fait ce qu'il faut faire. C'est-à-dire que le Seigneur le fait, ce n'est plus vous. Il le fait, Il arrange les circonstances, Il arrange les gens, Il met les mots dans votre bouche ou sur votre plume — Il fait tout, tout, tout, tout, on n'a plus rien à faire qu'à se laisser vivre béatifiquement.

J'en viens à être convaincue que les gens ne veulent vraiment pas.

Mais c'est déblayer qui est difficile, le travail de déblayage avant.

Mais on n'a même pas besoin de le faire ! Il le fait pour vous.

Mais cela envahit constamment : la vieille conscience, les vieilles pensées...

Oui, ça essaye de recommencer par habitude — il n'y a qu'à dire : "Seigneur, Tu vois. Tu vois. Tu vois, c'est comme ça", c'est tout. "Seigneur, Tu vois, Tu vois ça, Tu vois ça. Tu vois ça, Tu vois cet imbécile-là" — c'est fini. Ça, immédiatement... Mais ça change automatiquement, mon petit! Pas le moindre effort. Simplement, être sincère, c'est-à-dire vraiment vouloir que ce soit bien. On est parfaitement conscient qu'on n'y peut rien, qu'on n'a aucune capacité. Moi, j'ai de plus en plus l'impression que cet amalgame de matière, comme ça, de cellules, tout ça, c'est pitoyable! C'est pitoyable. Je ne sais pas s'il y a des conditions où les gens se sentent puissants, merveilleux, lumineux, capables; mais pour moi, c'est parce qu'ils ne savent pas vraiment comment ils sont! Quand on se voit vraiment comme on est fait — vraiment, c'est rien, c'est rien. Mais capable de tout, pourvu... pourvu qu'on laisse faire le Seigneur. Mais il y a toujours quelque chose qui a envie de faire soi-même, c'est ça l'ennui, autrement...

Non, on peut être plein d'une excellente bonne volonté, et puis on veut le faire. C'est ça qui complique tout. Ou alors on n'a pas la foi, on croit que le Seigneur ne pourra pas faire et qu'il faut faire soi-même, parce que Lui ne sait pas! (Mère rit) Ça, n'est-ce pas, ce genre de sottise est très répandu : "Comment est-ce qu'il peut voir les choses? Nous vivons dans un monde de Mensonge, comment est-ce qu'il peut voir le Mensonge et voir..." Il voit la chose comme elle est, justement!

Et je ne parle pas de gens sans intelligence, je parle de gens qui sont intelligents, et qui essayent — il y a une sorte de conviction, comme ça, quelque part, même chez ceux qui savent que nous vivons dans un monde d'Ignorance et de Mensonge et qu'il y a un Seigneur qui est Toute-Vérité, eh bien ils disent : "Justement, parce qu'il est Toute-Vérité, Il ne comprend pas (Mère rit). Il ne comprend pas notre mensonge, il faut que je m'en occupe." Ça, c'est très fort, très répandu.

Àh! nous compliquons pour rien.

C'est une chose que je me suis souvent demandée ; quand on fait une prière au Seigneur, qu'on veut Lui faire comprendre que quelque chose ne marche pas, j'ai toujours l'impression qu'il faut se concentrer très fort et que c'est quand même quelque chose de loin qu'il faut appeler. Mais est-ce exact? Ou est-ce que vraiment...

Ça dépend de nous !

Moi, n'est-ce pas, j'en suis à Le sentir partout, tout le temps, tout le temps; et jusqu'à un contact physique— c'est physique subtil, mais physique — dans les choses, dans l'air, dans les gens, dans... comme ça (Mère presse ses mains contre son visage). Et alors, ce n'est pas loin à aller, je n'ai qu'à faire ça (Mère retourne ses mains légèrement vers le dedans), une seconde de concentration — Il est là ! N'est-ce pas, Il est là, Il est partout. Il est loin seulement si nous Le pensons loin.

Naturellement, quand nous commençons à penser à toutes les zones, tous les plans de conscience universels, et que c'est tout au bout, tout au bout, tout au bout, là; alors ça devient très loin, très loin, très loin! (Mère rit) Mais quand nous pensons qu'il est partout, que c'est Lui qui est tout, et que c'est seulement notre perception qui nous empêche de Le voir et de Le sentir, mais que nous n'avons qu'à faire comme ça (Mère retourne ses mains vers le dedans); c'est un mouvement comme ça et comme ça (Mère retourne alternativement ses mains vers le dedans et vers le dehors), ça arrive à être très concret : on fait comme ça (geste vers le dehors), tout devient artificiel, dur, sec, faux, mensonger, artificiel ; on fait comme ça (vers le dedans), tout devient vaste, tranquille, lumineux, paisible, immense, joyeux. Et c'est seulement ça, ça (Mère retourne alternativement ses mains au-dedans et au-dehors). Comment? Où? Ça ne peut pas se décrire, mais c'est seulement, seulement un mouvement de conscience, pas autre chose. Un mouvement de conscience. Et la différence entre la conscience vraie et la conscience fausse devient de plus en plus... précise et en même temps mince — il n'y a pas de "grandes" choses à faire pour en sortir, de ça. Avant, on a l'impression que l'on vit dans quelque chose et qu'il faut une grande intériorisation, concentration, absorption, pour sortir de ça; mais maintenant, l'impression, c'est quelque chose qu'on accepte (Mère place sa main en écran devant son visage), qui est comme une petite pelure mince, très dure — très dure, mais malléable, mais très, très sèche, très mince, très mince, quelque chose comme si l'on se mettait un masque; et puis on fait comme ça (geste), ça disparaît.

On prévoit le moment où il ne sera pas nécessaire de prendre conscience du masque, que ce sera tellement mince, que l'on peut voir, sentir, agir au travers, sans avoir besoin de remettre le masque. Ça, c'est ce qui commence à se faire.

Mais cette Présence en toutes choses... C'est une Vibration — c'est une Vibration mais qui contient tout. Une Vibration qui contient une sorte de puissance infinie, de joie infinie et de paix infinie, et d'immensité, d'immensité, d'immensité, il n'y a pas de limites... mais c'est seulement une Vibration, ça ne... Oh ! Seigneur ! ça ne se pense pas, alors ça ne peut pas se dire. Si l'on pense, dès qu'on pense toute la bouillie recommence. C'est pour cela qu'on ne peut pas parler.

Non, Il est très loin parce que tu Le penses très loin. Même, tu sais, si tu Le penses là, comme ça (geste contre le visage) te touchant... si tu sentais. Ce n'est pas comme le contact d'une personne, ce n'est pas comme cela. C'est quelque chose qui n'est pas étranger, qui n'est pas extérieur, qui ne va pas du dehors au dedans — c'est pas ça! C'est... partout.

Et alors on sent partout, partout, partout, partout — dedans, dehors, partout, partout — Lui, rien que Lui. Lui, Sa Vibration.

Non, il faut arrêter ça (la tête), tant qu'on n'arrête pas ça, on ne peut pas voir la Chose Vraie — on cherche des comparaisons, on dit : "C'est comme ci, c'est comme ça", oh!

(silence)

Et que de fois, que de fois l'impression... Il n'y a pas de forme — il y a une forme et il n'y en a pas, et ça ne peut pas se dire. Et l'impression d'un regard, et il n'y a pas d'yeux — il n'y a pas de regard mais il y a un regard —, d'un regard et d'un sourire, et il n'y a pas de bouche, il n'y a pas de figure ! Et pourtant il y a un sourire et il y a un regard et (Mère rit) on ne peut pas s'empêcher de dire : "Oui, Seigneur, je suis stupide!" Mais Lui rit, on rit, on est content.

On ne peut pas! Ça ne peut pas s'expliquer. Ça ne peut pas se dire. On ne peut rien dire. Tout ce qu'on dit, c'est rien, rien.

12 octobre 1962

 


1 Dans la gradation continue des plans de conscience qui s'échelonnent de la Matière à l'Esprit, le physique subtil est le degré ou le plan le plus proche de la Matière. (En arrière)

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81-83 (Le rire de Dieu est parfois grossier et indécent pour des oreilles ...)

81 — Le rire de Dieu est parfois grossier et indécent pour des oreilles pudibondes; il ne Lui suffit pas d'être Molière, Il se veut aussi Aristophane et Rabelais.

82 — Si les hommes prenaient la vie moins au sérieux, ils pourraient bien vite la rendre plus parfaite. Dieu ne prend jamais Son travail au sérieux; c'est pourquoi nous avons le spectacle de cet univers prodigieux.

83 — La honte a des résultats admirables, et nous ne saurions guère nous en passer tant en morale qu'en esthétique; ceci dit, elle n'en est pas moins un signe de faiblesse et une preuve d'ignorance.

On peut se demander en quoi le fait de prendre les choses au sérieux a empêché que la vie soit plus parfaite?

La vertu a toujours passé son temps à supprimer des choses dans la vie et, si l'on avait mis ensemble toutes les vertus des différents pays du monde, il resterait fort peu de choses dans l'existence.

La vertu prétend rechercher la perfection, mais la perfection est une totalité. Alors les deux mouvements se contredisent : une vertu qui élimine, qui réduit, qui fixe des limites, et une perfection qui admet tout, qui ne rejette rien mais qui met chaque chose à sa place, ne peuvent évidemment pas s'entendre.

Prendre la vie au sérieux consiste généralement en deux mouvements; le premier est de donner de l'importance à des choses qui, probablement, n'en ont pas, et le second de vouloir que la vie soit réduite à un certain nombre de qualités qui sont considérées comme pures et dignes d'existence. Chez certains (ceux, par exemple, dont Sri Aurobindo parle ici, les "pudibonds" ou les puritains), cette vertu devient sèche, aride, grise, agressive, et elle trouve des fautes partout, dans tout ce qui est joyeux, libre et heureux.

Le seul moyen de rendre la vie parfaite (j'entends ici, la vie sur terre, bien entendu), c'est de la regarder d'assez haut pour la voir dans son ensemble; non seulement dans sa totalité présente mais dans l'ensemble du passé, du présent et de l'avenir; ce qu'elle a été, ce qu'elle est, ce qu'elle sera — il faut être capable de tout voir à la fois. Parce que c'est le seul moyen de tout mettre à sa place. Rien ne peut être supprimé, rien ne doit être supprimé, mais chaque chose doit être à sa place dans une harmonie totale avec le reste. Et là, toutes ces choses qui semblent si "mauvaises", si "répréhensibles", si "inacceptables" à l'esprit puritain, deviendraient les mouvements de joie et de liberté d'une vie totalement divine. Et alors, rien ne nous empêcherait de savoir, de comprendre, de sentir et de vivre ce rire merveilleux du Suprême, qui prend une joie infinie à se regarder vivre infiniment.

Cette joie, ce rire merveilleux qui dissout toutes les ombres, toutes les douleurs, toutes les souffrances ! Il suffit de rentrer en soi assez profondément pour trouver le Soleil intérieur, se laisser baigner par lui; et alors, tout n'est plus qu'une cascade de rire harmonieux, lumineux, solaire, qui n'admet plus nulle part l'ombre et la douleur.

En fait, même les plus grandes difficultés, même les plus grands chagrins, même les plus grandes douleurs physiques, si l'on peut les regarder de cette place-là, en se tenant là, on voit l'irréalité de la difficulté, l'irréalité du chagrin, l'irréalité de la douleur — et tout n'est plus que vibration joyeuse et lumineuse.

C'est au fond le moyen le plus puissant de dissoudre les difficultés, de surmonter les chagrins et de faire disparaître les douleurs. Les deux premiers sont relativement faciles (je dis relativement), le dernier est plus difficile parce qu'on est habitué à considérer le corps et ce qu'il sent comme extrêmement concret, positif; mais c'est la même chose, c'est simplement parce que l'on n'a pas appris et nous n'avons pas pris l'habitude de regarder notre corps comme quelque chose de fluide, de plastique, d'incertain, de malléable. Nous n'avons pas appris à y introduire ce rire lumineux qui dissout toutes les ombres, toutes les difficultés, tous les désaccords, toutes les désharmonies, tout ce qui grince, qui crie et pleure.

Et ce Soleil, ce Soleil du rire divin, il est au centre de toute chose, la vérité de toute chose — ce qu'il faut, c'est apprendre à le voir, à le sentir, à le vivre.

Et pour cela, évitons les gens qui prennent la vie au sérieux, ce sont des êtres bien ennuyeux.

Dès que l'atmosphère devient grave, on peut se dire que quelque chose ne va pas, une influence fâcheuse, une vieille habitude qui essaye de se réaffirmer et qui ne doit pas être acceptée. Tous ces regrets, tous ces remords; le sens de l'indignité, le sens de la faute, et puis, un pas de plus, et c'est le sens du péché—oh! ça... il me semble que cela appartient à un autre âge, un âge d'obscurité.

Mais tout ce qui persiste, qui essaye de s'accrocher et de durer, toutes ces interdictions — et cette façon de trancher la vie en deux : les petites choses et les grandes, le sacré et le profane... "Comment! diront ces gens qui font profession de mener une vie spirituelle, pour de si petites choses qui ont si peu d'importance, comment peut-on en faire l'objet d'une expérience spirituelle!" Et pourtant, c'est une expérience qui devient de plus en plus concrète et réelle, même matériellement : il n'y a pas "des choses" où le Seigneur est là et des choses où Il n'est pas là. Le Seigneur est toujours là — Il ne prend rien au sérieux, Il s'amuse de tout et Il joue avec vous, si vous savez jouer. Vous ne savez pas jouer, les gens ne savent pas jouer. Mais comme Il sait jouer, Lui ! Comme Il joue bien ! à tout, à de toutes petites choses. Tu as des objets à mettre sur la table? Ne crois pas qu'il faille penser et arranger, non, on va jouer : on va mettre ça ici et puis ça là, et puis ça comme cela. Et puis une autre fois c'est encore autrement... Quel beau jeu, si amusant.

Alors, c'est entendu, nous tâcherons de savoir rire avec le Seigneur.

14 janvier 1963

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84-87 (Le surnaturel est un naturel que nous n'avons pas encore atteint, ...)

84 — Le surnaturel est un naturel que nous n'avons pas encore atteint, ou que nous ne connaissons pas encore, ou dont nous n'avons pas encore conquis les moyens d'accès. Le goût du miracle, si répandu, est le signe que l'ascension de l'homme n'est pas encore terminée.

85—Il est rationnel et prudent de se méfier du surnaturel; mais y croire aussi est une sorte de sagesse.

86 — De grands saints ont accompli des miracles ; de plus grands saints les ont raillés; les plus grands d'entre eux les ont à la fois raillés et accomplis.

87 — Ouvre les yeux et vois ce qu'est réellement le monde et ce qu'est Dieu; débarrasse-toi des imaginations vaines et plaisantes.

Pourquoi Sri Aurobindo, ou toi, n'avez-vous pas utilisé davantage le miracle comme un moyen de vaincre les résistances dans les consciences humaines extérieures? Pourquoi cette espèce d'effacement vis-à-vis de l'extérieur, de non-intervention, ou de discrétion?

Pour Sri Aurobindo, je sais seulement ce qu'il m'a dit plusieurs fois. Les gens n'appellent "miracle" que des interventions dans le monde matériel ou dans le monde vital. Et ces interventions sont toujours mélangées à des mouvements d'ignorance ou d'arbitraire.

Mais le nombre de miracles dans le Mental que Sri Aurobindo a faits est incalculable; mais naturellement, c'était seulement si l'on avait une vision très droite, très sincère, très pure, qu'on pouvait le voir — quelques-uns l'ont vu. Mais il se refusait (cela, je le sais), il se refusait à faire aucun miracle vital et matériel, à cause de ce mélange.

Mon expérience est ainsi, c'est que dans l'état où le monde est maintenant, un miracle direct, matériel ou vital, doit tenir nécessairement compte d'une quantité d'éléments mensongers que l'on ne peut pas admettre — ce sont nécessairement des miracles mensongers. Et on ne peut pas l'admettre. J'ai vu ce que les gens appellent des miracles, j'en ai vu beaucoup à une époque, mais cela admettait qu'un tas de choses aient le droit d'être, qui pour moi sont inadmissibles.

Ce que les hommes appellent maintenant "miracle", c'est presque toujours fait par des êtres du vital, ou des hommes qui sont en rapport avec des êtres du vital, et c'est mélangé — cela admet la réalité de certaines choses, la vérité de certaines choses, qui ne sont pas vraies. Et c'est sur cette base que cela agit. Alors c'est inacceptable.

Je n'ai pas très bien compris ce que tu entends quand tu dis que Sri Aurobindo faisait "des miracles dans le Mental".1

C'est quand il introduisait dans la conscience mentale la Force supramentale. Il introduisait dans la conscience mentale (la conscience mentale qui régit tous les mouvements matériels) une formation, ou une puissance, ou une force supramentale, qui immédiatement changeait l'organisation. Et cela produit des effets immédiats, et en apparence illogiques, parce que cela ne suit pas le cours des mouvements selon la logique mentale.

Il le disait lui-même : c'est quand il était en possession et pouvait se servir volontairement de la Force, la Puissance supramentale, et qu'il la plaçait à un endroit donné, avec un but défini — c'était irrévocable, inévitable, l'effet était absolu. On peut appeler cela un miracle.

Par exemple, prends quelqu'un avec une maladie, une douleur; quand Sri Aurobindo était en possession de cette Puissance supramentale (il y a un moment où il disait que c'était tout à fait sous son contrôle, c'est-à-dire qu'il en faisait ce qu'il voulait, il la mettait où il voulait), alors il mettait cette Volonté, disons dans un désordre quelconque, physique ou vital, ou mental naturellement, il mettait cette Force d'harmonie supérieure, d'ordre supérieur, supramentale, la plaçait là, et elle agissait immédiatement. Et c'était un ordre — cela créait un ordre, une harmonie supérieure à l'harmonie naturelle. C'est-à-dire que s'il s'agissait d'une guérison, par exemple, la guérison était plus parfaite et plus complète qu'une guérison obtenue par les moyens ordinaires du physique et du mental.

Il y en a eu des quantités. Mais les gens sont si aveugles, n'est-ce pas, et si encroûtés dans leur conscience ordinaire, qu'ils donnent toujours des "explications"; ils peuvent toujours donner une explication. C'est seulement ceux qui ont la foi et l'aspiration, et quelque chose de très pur en eux, c'est-à-dire qui veulent vraiment savoir, ceux-là s'en apercevaient.

Quand le Pouvoir était là, il disait même que c'était sans un effort, il n'avait que cela à faire : mettre cette Puissance d'ordre, d'harmonie supramentale, et puis, instantanément, l'effet voulu était obtenu.

Qu'est-ce qu'un miracle? Parce que, souvent, Sri Aurobindo a 'dit qu'il n'y avait "pas de miracle1'1, et en même temps, dans Savitri, par exemple, il dit : "Tout est miracle ici-bas et par miracle peut changer¹."

Cela dépend comment on regarde, de ce côté-ci ou de ce côté-là.

On appelle miracle seulement les choses dont l'explication n'est pas claire, ou dont on n'a pas une explication mentale. De ce point de vue, on peut dire qu'il y a une quantité innombrable de choses qui arrivent et qui sont des miracles, parce qu'on ne peut expliquer ni le comment ni le pourquoi.

Qu'est-ce qui serait un vrai miracle?

Je ne vois pas ce qui peut être un vrai miracle, parce que, alors, qu'est-ce qu'un miracle? Un vrai miracle... ce n'est que le mental qui a la notion de miracle, parce que le mental décide, avec sa logique propre, qu'étant donné ceci et cela, telle autre chose peut ou ne peut pas être. Mais cela, ce sont toutes les limitations du mental. Parce que, au point de vue du Seigneur, comment peut-il y avoir un miracle? Tout est Lui-même qu'il objective.

Alors nous entrons dans le grand problème de la route suivie, cette Route éternelle comme l'explique Sri Aurobindo dans Savitri. Naturellement, on conçoit que ce qui s'est objectivé en premier est ce qui avait le goût de l'objectivation. La première chose à admettre, et qui paraît logique avec le principe de l'évolution, c'est que l'objectivation est progressive, elle n'est pas totale éternellement.

(Silence)

C'est très difficile à dire, parce que nous ne pouvons pas sortir de notre habitude de concevoir que c'est une quantité définie qui se déroule indéfiniment, et que ce n'est qu'avec une quantité définie qu'il peut y avoir un commencement. Nous avons toujours (au moins dans notre façon de parler) l'idée d'un "moment" (riant) où le Seigneur décide de s'objectiver. Et comme cela, l'explication est facile : Il s'objective graduellement, progressivement, ce qui donne une évolution progressive. Mais c'est seulement une façon de dire. Parce qu'il n'y a pas de commencement, il n'y a pas de fin, et, pourtant, il y a une progression. Le sens de la succession, le sens de l'évolution, le sens du progrès, n'existe qu'avec la Manifestation. C'est seulement si l'on parle de la terre que l'on peut expliquer très véridiquement et très rationnellement, parce que la terre a un commencement — pas dans son âme, mais dans sa réalité matérielle.

Probablement aussi, un univers matériel a un commencement.

(Silence)

Et si l'on regarde comme cela, un miracle serait, pour un univers, l'intrusion soudaine de quelque chose venant d'un autre univers. Et pour la terre (qui réduit le problème à quelque chose de très compréhensible), un miracle est l'intrusion subite de quelque chose qui n'appartenait pas à la terre — cela fait un changement radical et immédiat, par l'entrée d'un principe qui n'appartenait pas à ce monde physique qu'est la terre.

Mais là encore, il est dit qu'au centre même de chaque élément tout est, en principe; alors même ce miracle-là n'est pas possible.

On peut dire que le sens du miracle n'appartient qu'à un monde fini, qu'à une conscience finie, qu'à une conception finie. C'est l'entrée — l'intrusion, l'intervention, la pénétration — subite, sans préparation, de quelque chose qui n'existait pas dans ce monde physique. Alors, évidemment, toute manifestation d'une volonté ou d'une conscience qui appartient à un domaine plus infini et plus éternel que la terre, est nécessairement un miracle sur la terre. Mais si l'on sort du monde fini et de la compréhension du monde fini, le miracle n'existe pas. Le Seigneur peut jouer au miracle, si ça L'amuse, mais il n'y a pas de miracle — Il joue à tous les jeux possibles.

On ne peut commencer à le comprendre que quand on sent comme cela, qu'il joue à tous les jeux possibles, et "possible" ne veut pas dire possible selon la conception humaine, mais possible selon Sa conception à Lui!

Et là, il n'y a pas de place pour le miracle, sauf que cela a l'air d'être un miracle.

(Silence)

Si, au lieu d'une lente évolution, ce qui appartient au monde supramental apparaissait subitement, cela, l'homme, être mental, peut l'appeler miracle, parce que c'est l'intervention de quelque .chose qu'il ne porte pas consciemment en lui-même et qui intervient dans sa vie consciente. Et en fait, si l'on regarde ce goût du miracle, qui est très fort — beaucoup plus fort chez les enfants ou chez les coeurs qui sont restés enfants que chez les êtres très mentalisés —, c'est la foi dans la réalisation de l'aspiration au Merveilleux, de ce qui est supérieur à tout ce que l'on peut espérer de la vie normale.

Au fond, on devrait toujours, dans l'éducation, encourager les deux tendances parallèlement. La tendance à avoir soif du Merveilleux, de ce qui paraît irréalisable, de quelque chose qui vous remplit d'un sentiment de divinité; tout en encourageant, en même temps, dans la perception du monde tel qu'il est, l'observation exacte, correcte, sincère, l'abolition de toute imagination, le contrôle constant, le sens le plus pratique et le plus minutieux dans l'exactitude des détails. Il faudrait que les deux marchent parallèlement. Généralement, on tue l'un avec l'idée que c'est nécessaire pour faire croître l'autre — c'est tout à fait une erreur. Les deux peuvent être simultanés, et il y a un moment où la connaissance est suffisante pour savoir que ce sont les deux aspects d'une même chose, qui est la clairvoyance, un discernement supérieur. Mais au lieu d'une clairvoyance et d'un discernement limités, étroits, le discernement devient tout à fait sincère, correct, exact, mais il est immense, il inclut tout un domaine qui n'appartenait pas encore à la Manifestation concrète.

Au point de vue éducatif, ce serait très important.

Voir le monde tel qu'il est, exactement, crûment, de la façon la plus terre à terre et concrète, et voir le monde tel qu'il peut être, avec la vision la plus libre, la plus haute, la plus pleine d'espoir et d'aspiration et d'une certitude merveilleuse, comme les deux pôles du discernement. Tout ce que nous pouvons imaginer de plus splendide, de plus merveilleux, de plus puissant, de plus expressif, de plus total, n'est rien en comparaison de ce que cela peut être, et, en même temps, notre exactitude minutieuse du détail le plus minime n'est jamais suffisamment exacte. Et les deux doivent aller ensemble. Quand on sait cela (geste en bas) et qu'on connaît cela (geste en haut), on est capable de mettre les deux ensemble.

Et c'est le meilleur usage possible du besoin de miracles. Le besoin du miracle, c'est un geste d'ignorance : "Oh! je voudrais que ce soit ainsi!" c'est un geste d'ignorance et d'impuissance. Et ceux qui disent : "Vous vivez dans le miracle", ce sont ceux qui ne connaissent que le bout en bas — et encore ne le connaissent-ils qu'imparfaitement — et qui n'ont aucun contact avec autre chose.

Il faut changer ce besoin de miracle en une aspiration consciente vers quelque chose, qui est déjà, qui existe, et qui sera manifesté avec l'aide de toutes ces aspirations; toutes ces aspirations sont nécessaires, ou, si l'on regarde d'une façon plus vraie, sont un accompagnement — un accompagnement agréable — dans le déroulement éternel.

Au fond, les gens d'une logique très sévère vous disent : "Pourquoi prier? Pourquoi aspirer, pourquoi demander? Le Seigneur fait ce qu'il veut et Il fera ce qu'il veut." C'est de toute évidence, il n'est pas besoin de le dire, mais cet élan : "Seigneur, manifeste-Toi!", cela donne une vibration plus intense à Sa Manifestation.

Autrement, Il n'aurait jamais fait le monde comme il est — il y a une puissance spéciale, une joie spéciale, une vibration spéciale dans cette intensité d'aspiration du monde pour redevenir ce qu'il est.

Et c'est pour cela — "pour cela" en partie, fragmentairement — qu'il y a une évolution.

Un univers éternellement parfait, manifestant éternellement l'éternelle perfection, manquerait de la joie du progrès.

6 mars 1963

 


1 All's miracle hère and can by miracle change. (I.V.85) (En arrière)

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88-92 (Ce monde fut construit par la Mort afin qu'elle puisse vivre. ...)

88 — Ce monde fut construit par la Mort afin qu'elle puisse vivre. Voudrais-tu abolir la mort? Alors la vie périrait du même coup. Tu ne peux pas abolir la mort, mais tu peux la transformer en un mode de vie plus grand.

89 — Ce monde fut construit par la Cruauté afin qu'elle puisse aimer. Voudrais-tu abolir la cruauté? Alors l'amour périrait du même coup. Tu ne peux pas abolir la cruauté mais tu peux la transfigurer en son contraire : un Amour et un Délice ardents.

90 — Ce monde fut construit par l'Ignorance et par l'Erreur afin qu'elles puissent connaître. Voudrais-tu abolir l'ignorance et l'erreur? Alors la connaissance périrait du même coup. Tu ne peux pas abolir l'ignorance et l'erreur, mais tu peux les transmuer en ce qui dépasse la raison.

91 — Si la Vie seule existait sans la mort, il ne pourrait pas y avoir d'immortalité. Si l'amour seul existait, sans la cruauté, la joie ne serait qu'un tiède ravissement éphémère. Si la raison seule existait, sans l'ignorance, notre réalisation la plus haute ne dépasserait pas un rationalisme étroit et une sagesse mondaine.

92 — Transformée, la Mort devient la Vie qui est Immortalité; transfigurée, la Cruauté devient Amour qui est extase intolérable; transmuée, l'Ignorance devient la Lumière qui bondit par-delà la sagesse et la connaissance.

C'est la même idée, c'est-à-dire que l'opposition et les contraires sont un stimulant du progrès. Parce que, dire que sans Cruauté l'Amour serait tiède... le principe de l'Amour, tel qu'il est au-delà du Manifesté et du Non-Manifeste, n'a rien à voir avec la tiédeur ou la cruauté. Seulement, l'idée de Sri Aurobindo, semblerait-il, c'est que les opposés sont le moyen le plus efficace et le plus rapide de pétrir la Matière pour qu'elle puisse intensifier sa manifestation.

Comme expérience, c'est absolument certain, en ce sens que, d'abord, quand on entre en contact avec l'Amour éternel, l'Amour suprême, immédiatement on a une... comment appeler cela... une perception, une sensation— ce n'est pas une compréhension, c'est quelque chose de très concret : la conscience matérielle même la plus éclairée, la plus pétrie, la plus préparée est incapable de manifester Cela! La première impression, c'est cette espèce d'incapacité. Puis vient une expérience : justement, quelque chose qui manifeste une forme de... on ne peut pas dire exactement "cruauté", parce que ce n'est pas la cruauté telle que nous la connaissons, mais dans l'ensemble des circonstances, il y a une vibration qui se présente, avec une certaine intensité de refus de l'amour tel qu'il est manifesté ici. C'est exactement cela, quelque chose dans le monde matériel qui refuse la manifestation de l'amour telle qu'elle existe maintenant—je ne parle pas du monde ordinaire, je parle de la conscience à son maximum maintenant. (C'est une expérience, je parle de quelque chose qui a eu lieu.) Alors, la partie de la conscience qui a été touchée par cette opposition, fait un appel direct à l'origine de l'Amour, avec une intensité quelle Saurait pas eue sans l'expérience de ce refus. Il y a des limites qui se brisent, un flot qui descend, qui ne pouvait pas se manifester avant, et quelque chose s'exprime, qui n'était pas exprimé.

Et voyant cela, il y a évidemment une expérience analogue au point de vue de ce qu'on appelle la vie et la mort. C'est cette espèce de "surplombement" ou de présence constante de la Mort et de la possibilité de la mort, comme il est dit dans Savitri : on a un compagnon constant pendant tout le trajet entre le berceau et la tombe; on est constamment accompagné par cette menace ou cette présence de la Mort. Eh bien, il y a avec cela, dans les cellules, une intensité d'appel à une Puissance d'Éternité, qui ne serait pas là sans cette menace constante. Et on comprend, on commence à sentir d'une façon tout à fait concrète, que toutes ces choses sont seulement des moyens d'intensifier, de faire progresser et de rendre plus parfaite la Manifestation. Et si les moyens sont grossiers, c'est parce que la Manifestation est très grossière. Et à mesure qu'elle se perfectionnera et qu'elle deviendra plus propre à manifester ce qui est éternellement progressif, on passera des moyens très grossiers à des moyens plus subtils, et le monde progressera sans avoir besoin de ces oppositions si brutales. C'est seulement parce que le monde est dans l'enfance et que la conscience humaine est tout à fait dans l'enfance.

C'est une expérience très concrète.

Par conséquent, quand la terre n'aura plus besoin de mourir pour progresser, il n'y aura plus de mort. Quand la terre n'aura plus besoin de souffrir pour progresser, il n'y aura plus de souffrance. Et quand la terre n'aura plus besoin de haïr pour aimer, il n'y aura plus de haine.

(silence)

C'est le moyen le plus rapide et le plus efficace pour faire sortir la création de son inertie et la faire avancer vers son épanouissement.

(long silence)

Il y a un certain aspect de la création (qui est peut-être un aspect très moderne), c'est un besoin de sortir du désordre et de la confusion — de la désharmonie, la confusion. Une confusion, un désordre qui prend toutes les formes, qui se change en luttes, en efforts inutiles, en gaspillage. Cela dépend du domaine où l'on se trouve, mais matériellement, dans l'action, ce sont les complications inutiles, le gaspillage d'énergie et de matériel, la perte de temps, l'incompréhension, la mal-compréhension, la confusion, le désordre; c'est ce qu'autrefois on appelait crookedness dans les Véda (je ne sais pas l'équivalent de ce mot; quelque chose qui est tordu, qui, au lieu d'aller droit au but, va par des zigzags inutiles et aigus¹). C'est l'une des choses qui est le plus contraire à l'harmonie de l'action purement divine qui est d'une simplicité... qui paraît enfantine. Directe — directe, au lieu d'être en circonvolutions absurdes et complètement inutiles. Eh bien, il est évident que c'est la même chose : le désordre est une façon de stimuler le besoin de la simplicité pure et divine.

Le corps sent beaucoup, beaucoup, que tout pourrait être simple, si simple.

Et pour que l'être — cette espèce d'agglomérat individuel — puisse se transformer, il a justement besoin de se simplifier, simplifier, simplifier. Toutes ces complications de la Nature, que l'on commence a comprendre maintenant et à étudier, qui sont tellement compliquées pour la moindre chose (le moindre de nos fonctionnements est le résultat d'un système tellement compliqué que c'est presque impensable — certainement, il serait impossible à la pensée humaine de prévoir et de combiner toutes ces choses), maintenant la science les découvre, et l'on voit très clairement que pour que le fonctionnement puisse être divin, c'est-à-dire échapper à ce désordre et à cette confusion, il faut qu'il soit simplifié, simplifié, simplifié.

(long silence)

C'est-à-dire que dans la Nature... ou plutôt la Nature dans sa tentative d'expression a été obligée d'avoir recours à une complication incroyable, et presque infinie, pour reproduire la Simplicité première.

Et l'on revient à la même chose. C'est par cet excès de complication que vient la possibilité de la simplicité qui ne serait pas un vide — une simplicité pleine. Une simplicité qui contient tout; tandis que sans ces complications, la simplicité est un vide.

Ils sont en train de faire des découvertes comme cela. En anatomie, par exemple, ils font des découvertes pour les traitements par la chirurgie qui sont incroyables de complication! C'est comme leur division des éléments de la Matière — c'est d'une complexité! Effroyable. Et cela, c'est tout avec le but, dans l'effort pour exprimer l'Unité, la Simplicité une — l'état divin.

(silence)

Peut-être que cela ira vite... Mais la question se réduit à ceci, à l'aspiration suffisante, suffisamment intense et efficace, pour attirer Ce qui peut transformer cela : la complication en Simplicité, la cruauté en Amour, et ainsi de suite.

Et ce n'est pas la peine de se plaindre et de dire que c'est dommage. Parce que c'est comme cela. Pourquoi est-ce comme cela?... Probablement, quand ce ne sera plus, on saura. On pourrait dire autrement : si on le savait, ce ne serait plus.

Alors les spéculations : "Il aurait mieux valu que ce ne soit pas, etc.", tout cela, ce n'est pas pratique; cela ne sert à rien du tout, c'est inutile.

Il faut se dépêcher de faire le nécessaire pour que ce ne soit plus, c'est tout, c'est la seule chose pratique.

Pour le corps, c'est très intéressant. Mais c'est une montagne, n'est-ce pas, une montagne d'expériences, toutes petites en apparence, mais qui prennent leur place par leur multiplicité.1

1963. május 15.

 


1 Au moment de la publication de cette conversation, la Mère a fait cette remarque : 'Les savants vont nier, ils vont dire que je dis des bêtises; mais c'est parce que je n'emploie pas leurs mots, c'est seulement une question de vocabulaire.' (En arrière)

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93 (La douleur est comme la poigne de notre Mère qui nous apprend...)

93 — La douleur est comme la poigne de notre Mère qui nous apprend à supporter l'ivresse divine et à la laisser croître en nous. Sa leçon se fait en trois étapes : endurance d'abord, puis égalité d'âme, enfin l'extase.

 

Tant qu'il s'agit de choses morales, c'est absolument évident, c'est indiscutable — toutes les douleurs morales vous forment le caractère et vous conduisent tout droit à l'extase, quand on sait les prendre. Mais quand cela touche le corps...

Il est vrai que les docteurs ont dit que si l'on apprend au corps à supporter la douleur, il devient de plus en plus endurant et se désorganise moins vite — c'est un résultat concret. Les gens qui savent ne pas être complètement bouleversés dès qu'ils ont mal quelque part, qui arrivent à supporter tranquillement, à garder leur équilibre, il paraît que la capacité du corps de supporter le désordre sans se disloquer augmente. C'est une grande chose.

Je m'étais posé la question au point de vue purement pratique, extérieur, et il paraît que c'est comme cela. Intérieurement, il m'avait été dit bien des fois — dit et montré par des petites expériences — que le corps peut supporter beaucoup plus qu'on ne le croit, si à la douleur ne s'ajoutent pas la crainte ou l'anxiété; si l'on supprime ce facteur mental, le corps laissé à lui-même, qui n'a ni crainte ni peur, ni anxiété de ce qui va arriver — pas d'angoisse — peut supporter beaucoup.

Le second pas, c'est que quand le corps a décidé de supporter (n'est-ce pas, il prend la décision de supporter), immédiatement l'acuité, ce qui est aigu dans la douleur, disparaît. Je parle absolument matériellement.

Et si on a le calme (là intervient la nécessité d'un calme intérieur, qui est un autre facteur), si on a le calme intérieur, alors la douleur se change en une sensation qui est presque agréable — pas "agréable" au sens où on l'entend d'ordinaire, mais une impression presque confortable qui vient. Encore une fois, je parle purement physiquement, matériellement.

Et le dernier stade, quand les cellules ont la foi dans la Présence divine et la Volonté souveraine divine, et qu'elles ont cette confiance que c'est pour le bien que tout est, alors vient l'extase — les cellules s'ouvrent, comme cela, deviennent lumineuses et extatiques.

Cela fait quatre étapes (il n'est question que de trois ici).

La dernière n'est probablement pas à la portée de tout le monde, mais les trois premières sont tout à fait évidentes —je sais que c'est comme cela. La seule chose qui me tracassait, c'est que ce n'est pas une expérience purement psychologique et qu'il y a une usure dans le corps, du fait que l'on endure la souffrance. Mais je me suis enquise auprès des docteurs et il m'a été dit que si l'on apprend très jeune au corps à supporter la douleur, sa capacité de supporter augmente tellement qu'il peut résister vraiment à des maladies, c'est-à-dire que la maladie ne suit pas son cours, elle avorte. C'est précieux.

10 août 1963

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94 (Tout renoncement a pour but une joie plus grande pas encore conquise. ...)

94 —Tout renoncement a pour but une joie plus grande pas encore conquise. Certains renoncent pour la joie du devoir accompli, d'autres pour la joie de la paix, d'autres encore pour la joie de Dieu, et certains pour la joie de se torturer eux-mêmes ; renonce plutôt pour passer au-delà, dans la liberté et le ravissement immuable


Je n'ai jamais eu beaucoup cette expérience du renoncement — pour qu'il y ait renoncement, il faut tenir aux choses, et toujours il y avait cette soif, ce besoin d'aller plus loin, d'aller plus haut, d'aller mieux, de faire mieux, d'avoir mieux. Et au lieu d'avoir une impression de renoncement, on a plutôt l'impression d'un bon débarras — quelque chose dont on se débarrasse, qui vous encombre et qui vous alourdit, qui empêche la marche. C'est ce que je disais l'autre jour : nous sommes encore tout ce que nous ne voulons plus être, et Lui, Il est tout ce que nous voulons devenir — ce que nous appelons "nous" dans notre stupidité égoïste, c'est justement tout ce que nous ne voulons plus être, et on serait si content de jeter tout cela, de se débarrasser de tout cela pour pouvoir être ce que l'on veut être.

C'est une expérience très vivante.

Le seul processus que j'aie connu, et qui s'est répété plusieurs fois dans ma vie, c'est de renoncer à une erreur. Quelque chose que l'on croit vrai — qui probablement a été vrai pendant un certain temps —, sur quoi l'on base en partie son action, et qui, en fait, n'était qu'une opinion. On pensait que c'était une constatation véridique avec toutes ses conséquences logiques, et l'action (une partie de l'action) était basée là-dessus, et tout le déroulement était automatique; et soudain, une expérience, une circonstance, ou une intuition, vous met en garde que votre constatation n'est pas aussi vraie qu'elle en avait l'air. Alors il y a toute une période d'observation, d'étude (ou quelquefois cela vient comme une révélation, une preuve massive), et ce n'est pas seulement l'idée ni la fausse connaissance, mais toutes les conséquences qui doivent être changées, peut-être toute une manière d'agir sur un point quelconque. Et à ce moment-là, il y a une sorte de sensation, quelque chose qui ressemble à une sensation de renoncement; c'est-à-dire qu'il faut défaire tout un ensemble de choses qui avaient été bâties — quelquefois ce peut être assez considérable, quelquefois c'est une toute petite chose, mais l'expérience est la même : c'est le mouvement d'une force, d'an pouvoir qui dissout, et il y a la résistance de tout ce qui est à dissoudre, de toute l'habitude passée; et c'est ce mouvement de dissolution, avec la résistance correspondante, qui doit se traduire dans la conscience ordinaire humaine par le sentiment de renoncement.

J'ai vu cela tout dernièrement — c'est insignifiant, ce sont des circonstances qui n'ont aucune importance en elles-mêmes; c'est seulement dans l'ensemble de l'étude que c'est intéressant. C'est le seul phénomène, qui s'est répété plusieurs fois dans ma vie, que je connais bien à cause de cela. Et à mesure que l'être progresse, la puissance de dissolution augmente, devient de plus en plus immédiate, et la résistance diminue. Mais j'ai le souvenir de l'époque où il a eu le maximum de résistances (c'était il y a plus d'un demi-siècle) et ce n'était jamais que cela, c'était toujours quelque chose en dehors de moi — pas en dehors de ma conscience, mais en dehors de ma volonté —, quelque chose qui résiste à la volonté. Je n'ai jamais eu l'impression d'avoir à renoncer, mais j'ai eu l'impression d'avoir à presser sur les choses pour les dissoudre. Tandis que, maintenant, de plus en plus la pression est imperceptible : c'est immédiat; dès que la force qui dissout tout un ensemble se manifeste, il n'y a pas de résistance, tout se dissout; et au contraire, il y a à peine un sentiment de libération — il y a quelque chose qui est encore amusé et qui dit : "Ah! encore! que de fois on se limite..." Que de fois on croit que l'on avance, constamment, sans heurts, sans arrêt, et que de fois on se met une petite limite devant soi. Ce n'est pas une grosse limite parce que c'est une toute petite chose dans un immense tout, mais c'est une petite limite devant son action. Et alors, quand la Force agit pour dissoudre la limite, au début on se sent libéré, on a une joie; mais maintenant, ce n'est même plus cela, c'est un sourire. Parce que ce n'est pas le sentiment d'une libération, c'est tout simplement comme on enlève une pierre sur le chemin pour pouvoir passer.

Cette idée de renoncement ne peut venir que dans une conscience égocentrique. Naturellement, les gens (que j'appelle tout à fait primaires) tiennent aux choses — quand ils ont quelque chose, ils ne veulent pas le lâcher! Cela me paraît tellement enfantin !... Ceux-là, s'ils doivent la donner, ça fait mal ! Parce qu'ils s'identifient aux choses qu'ils tiennent. Mais c'est un enfantillage. Le vrai processus derrière, c'est la quantité (the amount) de résistance dans les choses formées sur une certaine base de connaissance — qui était une connaissance à un moment donné, qui ne l'est plus à un autre —, une connaissance partielle, pas fugitive mais impermanente ; il y a tout un ensemble de choses construites sur cette connaissance et cela résiste à la force qui dit : "Non! ce n'est pas vrai, (riant) votre base n'est plus vraie, on l'enlève", et alors, ah! ça fait mal— c'est cela que les gens sentent comme un renoncement.

Ce qui est difficile, ce n'est pas vraiment de renoncer, c'est d'accepter (Mère sourit) quand on voit la vie telle qu'elle est maintenant... Mais alors, comment, si l'on accepte, comment vivre au milieu de tout cela et avoir ce "ravissement immuable" — le ravissement immuable, pas là-bas, mais ici?

C'est mon problème depuis des semaines.

J'en suis venue à cette conclusion : en principe, c'est la conscience et l'union avec le Divin qui donne le ravissement, c'est le principe; par conséquent, la conscience et l'union avec le Divin, que ce soit dans le monde tel qu'il est ou dans la construction d'un monde futur, doit être le même — en principe. C'est ce que je me dis tout le temps : "Comment se fait-il que tu n'aies pas ce ravissement?"

Je l'ai — au moment où toute la conscience est centralisée dans l'union, à n'importe quel moment, au milieu de n'importe quoi, avec ce mouvement de concentration de la conscience sur l'union, le ravissement vient. Mais je dois dire qu'il disparaît quand je suis dans le travail... C'est un monde, mais un monde très chaotique, de travail, où j'agis sur tout ce qui m'entoure; et nécessairement je suis obligée de recevoir ce qui m'entoure de façon à pouvoir agir dessus. Je suis arrivée à l'état où toutes les réceptions, même celles que l'on considère comme les plus douloureuses, me laissent absolument tranquille et indifférente — "indifférente", pas une indifférence inactive : sans réaction pénible d'aucun genre, absolument neutre (geste tourné vers l'Éternel), d'une égalité parfaite. Mais dans cette égalité, il y a la connaissance précise de ce qui est à faire, ce qui est à dire, ce qui est à écrire, ce qui est à décider, enfin tout ce que comporte l'action. Tout cela se passe dans un état de neutralité parfaite, avec le sens du Pouvoir en même temps : le Pouvoir passe, le Pouvoir agit, et la neutralité reste — mais il n'y a pas le ravissement. Je n'ai pas l'enthousiasme, la joie, la plénitude de l'action.

Et je dois dire que l'état de conscience de ce ravissement serait dangereux dans l'état du monde tel qu'il est. Parce que cela a des réactions presque absolues—je vois que cet état de ravissement a un pouvoir formidable Mais j'insiste sur le mot formidable, dans le sens que c'est intolérant, ou intolérable — plutôt intolérable — pour tout ce qui n'est pas semblable. C'est la même chose, ou presque (pas la même tout à fait, mais presque) la même chose que l'Amour divin suprême; la vibration de cette extase, ou de ce ravissement, est un petit début de la vibration de l'Amour divin, et cela, c'est absolument... oui, il n'y a pas d'autre mot, c'est intolérant dans le sens que cela n'admet pas la présence de quelque chose qui est contraire.

Alors, cela aurait des résultats effroyables, n'est-ce pas, pour la conscience ordinaire. Je le vois bien, parce que, quelquefois cette Puissance vient — cette Puissance vient, on a l'impression que tout va éclater. Parce qu'elle ne peut tolérer qu'une union, elle ne peut tolérer que la réponse qui accepte — qui reçoit et qui accepte. Et ce n'est pas une volonté arbitraire, c'est du fait même de son existence, qui est toute-puissance—"toute-puissance", pas de la façon dont on comprend la toute-puissance : une toute-puissance réellement. C'est-à-dire qu'elle existe entièrement, totalement, exclusivement. Elle contient tout, mais ce qui est contraire à sa vibration est obligé de se changer, n'est-ce pas, puisque rien ne peut disparaître; et alors, ce changement immédiat, brutal pour ainsi dire, absolu, dans le monde tel qu'il est, c'est une catastrophe.

Voilà la réponse que j'ai reçue à mon problème.

Parce que c'était cela, je me disais : "Pourquoi? Moi qui suis... à n'importe quelle seconde je n'ai qu'à faire comme cela (geste vers le haut) et c'est... il n'y a plus que le Seigneur, tout est Ça — mais d'une façon si absolue que tout ce qui n'est pas Ça disparaît! Alors la proportion maintenant, (riant) c'est qu'il y aurait trop de choses qui devraient disparaître!

J'ai compris cela.

17 et 24 août 1963

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95 (C'est seulement en renonçant parfaitement au désir ou en le ...)

95 — C'est seulement en renonçant parfaitement au désir ou en le satisfaisant parfaitement que Dieu peut venir nous embrasser absolument, car dans les deux cas la condition première est remplie : le désir meurt.

95 — C'est seulement en renonçant parfaitement au désir ou en le satisfaisant parfaitement que Dieu peut venir nous embrasser absolument, car dans les deux cas la condition première est remplie : le désir meurt.

(long silence)

C'est dommage que je ne puisse pas noter toutes ces expériences qui viennent, parce que, justement, ces jours-ci et pendant toute une période, il y avait la perception très claire du fonctionnement vrai, qui est l'expression de la Volonté suprême qui se traduit spontanément, naturellement, automatiquement à travers l'instrument individuel; on pourrait même dire (parce que le mental est tranquille, il se tient tranquille) à travers le corps; et la perception du moment où cette expression de la Volonté divine est troublée, déformée — distorted — par l'introduction du désir, la vibration spéciale du désir, qui a une qualité tout à fait à elle, et qui vient pour beaucoup de raisons apparentes : ce n'est pas seulement la soif de quelque chose, le besoin de quelque chose ni l'attachement à quelque chose; cette même vibration peut être déclenchée par le fait, par exemple, que la volonté exprimée paraît être, ou en tout cas a été prise pour l'expression de la Volonté suprême, mais il y a eu confusion entre l'action immédiate, qui était évidemment l'expression de la Volonté suprême, et le résultat qui devait en découler — c'est une erreur que l'on fait très souvent. On a l'habitude de penser que quand on veut cela, c'est cela qui doit venir; parce que la vision est trop courte—trop courte et trop limitée —, au lieu d'avoir une vision d'ensemble qui ferait voir que cette vibration-là était nécessaire pour déclencher un certain nombre d'autres vibrations, et que c'est l'ensemble de tout cela qui produira un effet, qui n'est pas l'effet immédiat de la vibration émise. Je ne sais pas si c'est clair, mais c'est une expérience constante.

Et justement, pendant cette période, j'ai fait l'étude et l'observation du phénomène : comment la vibration de .désir s'ajoute à la vibration de la Volonté émise par le Suprême — pour les petits actes de tous les jours. Et avec la vision d'en haut (si l'on prend soin, n'est-ce pas, de garder la conscience de cette vision d'en haut), on voit comment cette vibration émise était exactement la vibration émise par le Suprême, mais au lieu d'obtenir le résultat immédiat que la conscience superficielle attendait, c'était pour déclencher tout un ensemble de vibrations et pour arriver à un autre résultat, plus lointain et plus complet. Je ne parle pas de grandes choses ni d'actions terrestres, je parle des toutes petites choses de la vie; par exemple, dire à quelqu'un : "Donne-moi cela", et ce quelqu'un, au lieu de donner cela, ne comprend pas et donne autre chose; alors, si l'on ne prend pas soin de garder une vision d'ensemble, il peut se produire une certaine vibration, mettons d'impatience, ou un manque de satisfaction, avec l'impression que la vibration du Seigneur n'est pas comprise et n'est pas reçue; eh bien, c'est cette petite vibration ajoutée, d'impatience, ou, en fait, d'incompréhension de ce qui arrive, cette impression d'un manque de réceptivité ou de réponse, qui est de la qualité du désir — on ne peut pas appeler cela un désir, mais c'est le même genre de vibration — et c'est cela qui vient compliquer les choses. Si on a la vision complète, exacte, on sait que le "donne-moi cela" produira autre chose que le résultat immédiat, et que cette autre chose amènera une autre chose qui est exactement celle qui doit être. Je ne sais pas si je suis claire, c'est un peu compliqué! Mais cela me donnait la clef de la différence de qualité entre la vibration de la Volonté et la vibration du désir. Et en même temps, la possibilité d'éliminer cette vibration de désir par une vision plus large et plus totale — plus large, plus totale et plus lointaine, c'est-à-dire d'un ensemble plus vaste.

Et j'insiste là-dessus, parce que cela élimine tout élément moral. Cela élimine cette notion péjorative du désir. De plus en plus, la vision élimine toutes les notions de bien, de mal, de bon, de mauvais, d'inférieur, de supérieur et tout cela; c'est seulement ce que l'on pourrait presque appeler une différence de qualité vibratoire — "qualité" donne encore l'idée d'une supériorité ou d'une infériorité, ce n'est pas qualité, ce n'est pas intensité; je ne sais pas le mot scientifique qu'ils emploient pour distinguer une vibration d'une autre, mais c'est cela.

Et alors, ce qui est remarquable, c'est que la vibration, ce que l'on pourrait appeler la qualité de la vibration qui vient du Seigneur, est constructrice — elle construit et elle est paisible et lumineuse; et cette autre vibration de désir et similaires complique, détruit et embrouille, tord les choses — les embrouille et les déforme, les tord —, et cela enlève la lumière; cela produit une grisaille, qui peut s'intensifier avec des mouvements violents allant jusqu'à des ombres très fortes. Mais même là où il n'y a pas de passion, où la passion n'intervient pas, c'est comme cela. N'est-ce pas, la réalité physique est devenue seulement un champ de vibrations qui s'entremêlent et qui, malheureusement, s'entrechoquent aussi, sont en conflit; et le choc, le conflit est un paroxysme de ce genre de trouble, de désordre et de confusion que créent certaines vibrations, au fond qui sont des vibrations d'ignorance — c'est parce que l'on ne sait pas. Ce sont des vibrations d'ignorance. Et trop petites, trop étroites, trop limitées — trop courtes. Ce n'est plus du tout le problème vu à un point de vue psychologique, ce sont seulement des vibrations.

Si l'on regarde à un point de vue psychologique... Sur le plan mental, c'est très facile; sur le plan vital, ce n'est pas très difficile; sur le plan physique, c'est un peu plus lourd, parce que cela prend l'allure de "besoins"; mais là aussi il y a eu un champ d'expériences ces jours-ci : l'étude des conceptions médicales et scientifiques de la construction du corps, de ses besoins et de ce qui lui est bon ou mauvais; et cela, réduit à son essence, revient encore à une même question de vibrations. C'était assez intéressant : il y a eu l'apparence (parce que toutes les choses telles que les voit la conscience ordinaire sont purement apparentes), il y a eu l'apparence d'un empoisonnement par la nourriture, et alors cela a été l'objet d'une étude particulière pour trouver s'il y avait un absolu dans l'empoisonnement, ou si c'était relatif, c'est-à-dire basé sur l'ignorance et la mauvaise réaction, et l'absence de la Vibration véritable. Et la conclusion était que c'est une question de proportion entre la quantité, la somme des vibrations qui appartiennent au Seigneur, et des vibrations qui appartiennent encore à l'obscurité; et suivant la proportion, cela prend l'allure de quelque chose de concret, de réel, ou de quelque chose qui peut être éliminé, c'est-à-dire qui ne résiste pas à l'influence de la vibration de Vérité. Et c'était très intéressant, parce que dès que la conscience a été avertie de la cause du trouble dans le fonctionnement du corps (n'est-ce pas, la conscience a perçu d'où cela venait, ce que c'était), immédiatement a commencé l'observation avec l'idée : "Voyons ce qui se passe." D'abord, mettre le corps dans un repos parfait avec cette certitude (qui est toujours là) que rien n'arrive que par la Volonté du Seigneur, et que l'effet aussi est la Volonté du Seigneur, toutes les conséquences sont la Volonté du Seigneur, et que, par conséquent, il faut être bien tranquille; alors le corps est bien tranquille : pas de trouble, il ne s'agite pas, pas vibrant, rien — très tranquille. Après cela, dans quelle mesure les effets sont-ils inévitables? Parce qu'une certaine quantité de matière, qui contenait un élément non favorable aux éléments du corps et à la vie du corps a été absorbée, quelle est la proportion entre les éléments favorables et les éléments défavorables, ou entre les vibrations favorables et les vibrations défavorables. Et alors, j'ai vu très clairement : la proportion diffère suivant la quantité de cellules du corps qui est sous l'influence directe, qui répond seulement à la Vibration suprême, et puis les autres qui appartiennent encore à la façon ordinaire de vibrer. Et c'était très clair, parce que l'on voyait tous les possibles, depuis la masse ordinaire qui est complètement bouleversée par cette intrusion et où il faut se battre avec tous les moyens ordinaires pour se débarrasser de l'indésirable élément, jusqu'à la totalité de la réponse cellulaire à la Force suprême, qui fait que cela ne peut avoir aucun effet; mais cela, c'est encore le rêve de demain — nous sommes en route. Et la proportion est devenue assez favorable—je ne peux pas dire toute-puissante, il s'en faut de beaucoup —, mais assez favorable, ce qui fait que les conséquences du malaise n'ont pas duré très longtemps et le dommage a été pour ainsi dire minime.

Mais toutes les expériences en ce moment, l'une après l'autre — toutes les expériences physiques, du corps — amènent à la même conclusion : tout dépend de la proportion entre les éléments qui répondent exclusivement à l'influence du Suprême, les éléments qui sont moitié-moitié, en cours de route de transformation, et les éléments qui sont encore dans le vieux processus de vibration de la Matière. Le nombre de ceux-là paraît diminuer; il paraît diminuer beaucoup, mais enfin il y en a encore assez pour produire des effets ou des réactions désagréables — des choses qui ne sont pas transformées, qui appartiennent encore à la vie ordinaire. Mais tous les problèmes — que ce soient des problèmes psychologiques, des problèmes — purement matériels, des problèmes chimiques —, tout le problème se réduit à cela : ce ne sont rien que des vibrations. Et il y a la perception de cet ensemble de vibrations et de ce que l'on pourrait appeler, d'une façon très grossière et très approximative, la différence entre les vibrations constructrices et les vibrations destructives. Nous pourrons (c'est une façon de parler, simplement) dire que toutes les vibrations qui viennent de l'Un et qui expriment l'Unité sont constructrices, et que toutes les complications de la conscience ordinaire séparatiste mènent à la destruction.

(long silence)

On dit toujours que c'est le désir qui crée les difficultés, et c'est comme cela, n'est-ce pas. Le désir peut être simplement quelque chose d'ajouté à une vibration de volonté. La volonté — quand c'est la Volonté une, la Volonté suprême qui s'exprime — est directe, immédiate, il n'y a pas d'obstacles possibles; alors tout ce qui retarde, empêche, complique, ou même fait échouer, est nécessairement le mélange du désir.

On voit cela pour tout. Par exemple, prenons un champ d'action extérieur, avec le monde extérieur, les choses extérieures. Naturellement, dire que c'est "extérieur", c'est simplement se mettre dans une position fausse mais, par exemple, on dit à quelqu'un, dans la conscience la plus haute, celle de la Vérité : "Va (je donne un exemple parmi des millions), va, vois celui-ci, dis-lui cela pour obtenir cela." Si la personne est réceptive, immobile intérieurement et surrendered, elle va, elle voit celui-ci, lui dit cela, et la chose se fait — sans aucune complication, comme cela. Si la personne a une conscience mentale active, n'a pas la foi totale et a tout le mélange de ce qu'apportent l'ego et l'Ignorance, elle voit les difficultés, elle voit les problèmes à résoudre, elle voit toutes les complications — naturellement, tout cela se produit; et alors, suivant la proportion (toujours, tout est une question de proportion), suivant la proportion, cela crée des complications, cela prend du temps, la chose est retardée, ou, un peu plus mal, elle est déformée, elle ne se produit pas exactement comme elle doit se produire, elle est changée, elle est diminuée, elle est déformée, ou, finalement, elle ne se fait pas du tout — il y a beaucoup, beaucoup de degrés, mais tout cela appartient au domaine des complications (des complications mentales) et du désir. Tandis que l'autre manière est immédiate. Des exemples de ces cas sont innombrables (de tous les cas) et aussi du cas immédiat. Alors les gens vous disent: "Oh! vous avez fait un miracle" — il n'y a pas de miracle fait : c'est comme cela que ça doit être toujours. C'est que l'intermédiaire ne s'est pas ajouté à l'action.

Je ne sais pas si c'est clair, mais enfin...

Alors, cela peut aller depuis la plus petite chose jusqu'à une action terrestre. Et il y a l'exemple, dans l'action terrestre, de choses qui ont été faites ainsi — si on a le bon intermédiaire. Personne n'a compris comment cela s'est fait, pourquoi cela s'est fait—comme cela, tout simplement, tout simplement, tout s'est arrangé. Et dans d'autres cas, pour obtenir un visa ou un permis, il faut soulever des montagnes. Alors, depuis la plus petite chose, le plus petit malaise physique, jusqu'à l'action la plus mondiale, c'est tout le même principe, tout se réduit au même principe.

4 novembre 1963

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96 - 100 (Que ton âme fasse l'expérience de la vérité des Écritures, puis, si...)

96 — Que ton âme fasse l'expérience de la vérité des Écritures, puis, si tu le veux, raisonne ton expérience et donne-lui une expression intellectuelle, et même alors méfie-toi de tes formules, mais ne doute jamais de ton expérience.

Cela ne demande pas d'explications.

C'est-à-dire qu'il faudrait expliquer, pour les enfants, que la formule, quelle qu'elle soit, les Écritures, quelles qu'elles soient, sont toujours une diminution de l'expérience, inférieures à l'expérience.

Il y a peut-être des gens qui ont besoin de le savoir.

97 — Quand tu affirmes l'expérience de ton âme et que tu nies, parce qu'elle est différente, l'expérience d'une autre âme, sache que Dieu se moque de toi. N'entends-tu pas son rire amusé derrière le rideau de ton âme?

Oh! c'est charmant.

On peut seulement faire une réflexion souriante : ne doute jamais de ton expérience, parce que ton expérience est la vérité de ton être, mais n'imagine pas que cette vérité soit universelle; et sur la base de cette vérité-là, ne nie pas la vérité des autres, parce que, pour chacun, son expérience est la vérité de son être. Et une Vérité totale ne serait que l'ensemble de toutes ces vérités individuelles... plus, l'expérience du Seigneur Lui-même!

98 — La révélation est une vision directe de la Vérité, une audition directe ou un souvenir inspiré, drishti, shrouti, smriti ; c'est l'expérience la plus haute et toujours susceptible d'un renouveau d'expérience. La parole des Écritures est la suprême autorité, non parce que Dieu l'a prononcée, mais parce que l'âme l'a vue.

Je suppose que c'est la réponse à la croyance biblique des "commandements de Dieu" reçus par Moïse, que le Seigneur aurait prononcés Lui-même et que Moïse aurait entendus — c'est une façon détournée de dire (Mère rit) que ce n'est pas possible.

"La suprême autorité parce que l'âme l'a vue" — mais ce ne peut être une suprême autorité que pour l'âme qui l'a vue, pas pour toutes les âmes. L'âme qui a eu cette expérience et qui a vu, pour elle c'est une suprême autorité, mais pas pour les autres.

C'était l'une des choses qui me faisait réfléchir quand j'étais tout enfant, ces dix "commandements", qui sont d'ailleurs d'une banalité extraordinaire. "Aime ton père et ta mère... ne tue pas..." c'est d'une écœurante banalité. Et Moïse est monté sur le Sinaï pour entendre cela.

Maintenant, je ne sais pas si Sri Aurobindo pensait aux Écritures indiennes... Il y a eu des Écritures chinoises aussi...

(silence)

De plus en plus, mon expérience est que la révélation (cela vient, n'est-ce pas), la révélation peut s'appliquer universellement, mais, dans sa forme, elle est toujours personnelle — toujours personnelle.

C'est comme si l'on avait un angle de vision de la Vérité. C'est forcément, forcément un angle, de la minute où c'est mis en mots.

On a l'expérience, sans mots et sans pensée, d'une espèce de vibration qui vous donne la sensation d'une vérité absolue, et puis, si l'on reste très immobile, sans rien chercher à savoir, au bout d'un certain temps c'est comme si cela passait à travers un filtre, et cela se traduit par une sorte d'idée. Puis cette idée... c'est une idée encore un peu floue, c'est-à-dire très générale, mais si l'on reste encore très immobile, attentif et silencieux, cela passe par un autre filtre, et alors c'est une sorte de condensation qui se produit, comme des gouttes, et cela devient des mots.

Mais cela, quand on a eu l'expérience tout à fait sincèrement (n'est-ce pas, que l'on ne se "monte pas le coup"), c'est nécessairement seulement un point, une façon de dire la chose, c'est tout. Et ce ne peut être que cela. Il y a, d'ailleurs, une observation très évidente, c'est que quand on se sert habituellement d'une certaine langue, cela vient dans cette langue; pour moi, cela vient toujours en anglais ou en français — cela ne vient pas en chinois, cela ne vient pas en japonais ! Les mots sont nécessairement anglais ou français; et quelquefois un mot sanskrit, mais parce que, physiquement, j'ai appris le sanskrit; il est arrivé que j'entende (pas physiquement) du sanskrit prononcé par un autre être, mais cela ne se cristallise pas, cela reste dans le flou; et quand je reviens à une conscience tout à fait matérielle, je me souviens d'un certain son vague, mais pas d'un mot précis. Par conséquent, c'est toujours un angle individuel, de la minute où cela se formule.

Il faut avoir une sorte de sincérité très austère. On est pris par un enthousiasme, parce que l'expérience apporte une puissance extraordinaire, la Puissance est là — elle est là avant les mots, elle diminue avec les mots — mais la Puissance est là, et avec cette Puissance on se sent très universel, on a l'impression : "C'est une Révélation universelle" — oui, c'est une révélation universelle, mais quand tu dis cela avec des mots, ce n'est plus universel; cela ne s'applique plus qu'aux cerveaux qui sont construits pour comprendre cette façon de dire. La Force est derrière, mais il faut dépasser les mots.

(silence)

De plus en plus me viennent ces sortes de choses que je griffonne sur un bout de papier, et c'est toujours le même processus : toujours, d'abord, une sorte d'éclatement — c'est comme un éclatement de puissance de vérité, cela fait comme un grand feu d'artifice bien blanc... (Mère sourit) beaucoup plus qu'un feu d'artifice! Et puis ça roule et ça roule (geste au-dessus de la tête), ça travaille et ça •travaille; puis l'impression d'une idée (mais l'idée est dessous, l'idée est comme un revêtement) et l'idée contient sa sensation, elle amène aussi la sensation — la sensation était avant, mais sans idée, alors on ne pouvait pas définir la sensation. Il n'y a qu'une chose : c'est toujours un éclatement de Pouvoir lumineux. Et puis, après, si l'on regarde cela et que l'on reste bien tranquille, que la tête se taise surtout — tout se tait (geste immobile tourné vers le haut), alors, tout d'un coup, quelqu'un parle dans la tête — quelqu'un parle. Et c'est cet éclatement qui parle. Alors je prends un crayon, un papier et j'écris. Mais entre ce qui parle et ce qui écrit, il y a encore un petit passage, là, qui fait que quand c'est écrit, il y a quelque chose là-haut qui n'est pas satisfait; alors je me tiens encore tranquille : "Non, pas ce mot-là, celui-ci" — quelquefois il faut deux jours pour que ce soit tout à fait définitif. Mais ceux qui se satisfont de la puissance de l'expérience, ils vous bâclent cela et ils vous envoient dans le monde des révélations sensationnelles qui sont des déformations de la Vérité.

Il faut être très pondéré, très tranquille, très critique — surtout très tranquille, silencieux, silencieux, silencieux; pas chercher à empoigner l'expérience : "Ah! qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est?", alors on abîme tout— mais regarder, regarder très attentivement. Et dans les mots, il y a un restant, quelque chose qui reste de la vibration première (si peu!), mais il y a quelque chose, quelque chose qui vous fait sourire, qui est agréable, qui pétille comme un vin mousseux, et puis ici (Mère montre un mot ou un passage d'une note imaginaire) c'est terne; alors on regarde avec sa connaissance de la langue, ou avec le sens du rythme des mots : "Là, il y a un caillou", il faut enlever le caillou; puis on attend, et tout d'un coup cela vient, poff! cela tombe à sa place, le vrai mot. Si l'on est patient, au bout d'un ou deux jours, cela devient tout à fait exact.

3 février 1964

99 —La parole de l'Écriture est infaillible; c'est dans l'interprétation qu'y ajoutent le cœur et la raison que se glisse l'erreur.

Je ne suis pas tout à fait sûre que ce ne soit pas ironique... Aux gens qui disent "L'Écriture est infaillible", il répond : "Oui, oui, c'est entendu, les Écritures sont infaillibles, mais méfie-toi de ta propre compréhension!"

Mais voici la parole de Vérité :

100 — Jette loin de toi toute bassesse, toute étroitesse, toute superficialité dans ta pensée et ton expérience religieuses. Sois plus vaste que les plus vastes horizons, plus élevé que les plus hauts Kanchanjanghâ, plus profond que les plus profonds océans.

5 février 1964

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101.-102. (Dans la vision de Dieu, il n'y a ni près ni loin, ni présent,...)

101 — Dans la vision de Dieu, il n'y a ni près ni loin, ni présent, ni passé, ni futur. Ces choses ne sont qu'une perspective commode pour son tableau du inonde.

102 — Pour les sens, il est toujours vrai que le soleil tourne autour de la terre; mais c'est faux pour la raison. Pour la raison, il est toujours vrai que la terre tourne autour du soleil; mais c'est faux pour la vision suprême. Ni la terre ni le soleil ne bougent; il y a seulement un changement dans la relation de la conscience du soleil et de la conscience de la terre.

(long silence)

Impossible, je ne peux rien dire.

Cela voudrait dire que notre perception habituelle du monde physique est une perception fausse.

Oui, naturellement.

Mais alors, à quoi ressemblerait la perception vraie...

Eh bien oui, voilà !

... La perception vraie du monde physique — des arbres, des gens, des pierres — à quoi cela ressemble pour un œil supramental?

C'est justement ce que l'on ne peut pas dire ! Quand on a la vision et la conscience de l'Ordre de Vérité, de ce qui est direct, l'expression directe de la Vérité, on a immédiatement l'impression de quelque chose d'inexprimable, parce que tous les mots appartiennent à l'autre domaine; toutes les images, toutes les comparaisons, toutes les expressions appartiennent à l'autre domaine.

J'ai eu cette grosse difficulté précisément (c'était le 29 février) ; pendant tout le temps que je vivais dans cette conscience de la manifestation directe de la Vérité, j'ai essayé de formuler ce que je sentais, ce que je voyais — c'était impossible. Il n'y avait pas de mots. Et immédiatement, rien que la formule faisait retomber instantanément dans l'autre conscience.

À cette occasion, le souvenir de cet aphorisme du soleil et de la terre m'était revenu... même dire : "changement de conscience" — changement de conscience, c'est encore un mouvement.

Je crois que l'on ne peut rien dire. Je ne me sens pas capable de dire, parce que tout ce que l'on dit, ce sont des approximations pas intéressantes.

Mais quand tu es dans cette Conscience de Vérité, est-ce une expérience "subjective" ou est-ce que la Matière elle-même change d'aspect?

Oui, tout — le monde tout entier est différent ! Tout est différent. Et l'expérience m'a convaincue d'une chose, que je continue à sentir constamment, c'est que les deux états (de Vérité et de Mensonge) sont simultanés, concomitants, et que c'est seulement... oui, ce qu'il appelle un "changement de conscience", c'est-à-dire que l'on est dans cette conscience-ci ou l'on est dans cette conscience-là, mais on ne bouge pas pour autant.

Nous sommes obligés d'employer des mots qui bougent, parce que, pour nous, tout bouge, mais ce changement de conscience n'est pas un mouvement — ce n'est pas un mouvement. Et alors, comment pouvons-nous parler de cela, décrire cela?...

Même si nous disons "un état qui prend la place d'un autre", prendre la place de... immédiatement nous introduisons le mouvement — tous nos mots sont comme cela, qu'est-ce que nous pouvons dire?

Encore hier, l'expérience était tout à fait concrète et puissante, qu'il n'est pas besoin de se déplacer ou de déplacer quoi que ce soit pour que cette Conscience de Vérité remplace la conscience de déformation ou de distorsion. C'est-à-dire que la capacité de vivre et d'être cette Vibration vraie — essentielle et vraie — paraît avoir le pouvoir de substituer cette Vibration à la vibration de Mensonge et de Déformation, au point que... Par exemple, le résultat de la Déformation ou de la vibration de Déformation, devait être naturellement un accident, ou une catastrophe ; mais si, au sein de ces vibrations, il y a une conscience qui a le pouvoir de devenir consciente de la Vibration de Vérité, et par conséquent de manifester la Vibration de Vérité, cela peut — et cela doit — annuler l'autre; ce qui se traduirait dans le phénomène extérieur par une intervention qui arrêterait la catastrophe.

C'est une impression qui vient grandissante, que le Vrai est le seul moyen de changer le monde; que tous les autres procédés de lente transformation sont toujours en tangente (on approche de plus en plus, mais on n'arrive jamais) et que le dernier pas, ce doit être cela, cette substitution de la Vibration vraie.

On a des preuves partielles. Mais comme elles sont partielles, elles ne sont pas probantes; parce que, pour la vision et la compréhension ordinaires, on peut toujours trouver des explications, dire que c'était "prévu" et "prédestiné" que l'accident avorterait, par exemple, et, par conséquent, que ce n'est pas du tout cette intervention qui l'a fait avorter, mais le "Déterminisme" qui l'avait décidé. Et comment prouver? Comment même se prouver à soi-même qu'il en est autrement? Ce n'est pas possible.

N'est-ce pas, dès que l'on exprime, on entre dans le mental, et dès que l'on entre dans le mental, il y a cette espèce de logique, qui est effroyable parce qu'elle est toute-puissante : si tout est déjà existant, coexistant, de toute éternité, comment peut-on changer une chose en une autre?... Comment quoi que ce soit peut-il "changer"?

On vous dit (Sri Aurobindo vient de le dire lui-même) que pour la conscience du Seigneur, il n'y a ni passé ni temps, ni mouvement, ni rien — tout est. Pour traduire, nous disons "de toute éternité", ce qui est une ânerie, mais enfin tout est. Alors tout est (Mère se croise les bras) et puis c'est fini, il n'y a rien à faire. N'est-ce pas, cette conception-là, ou plutôt cette façon de dire (parce que c'est seulement une façon de dire) annule le sens du progrès, annule l'évolution, annule... On vous dit : il fait partie du Déterminisme que vous devez faire l'effort de progrès — oui, tout cela, c'est de la rhétorique.

Et notez que cette façon de dire, c'est une minute d'expérience, mais ce n'est pas l'expérience totale. Il y a un moment où l'on sent comme cela, mais ce n'est pas total, c'est partiel. C'est seulement une façon de sentir, ce n'est pas tout. Il y a quelque chose de beaucoup plus profond et de beaucoup plus inexprimable, dans la conscience éternelle, que cela — beaucoup plus. Cela, c'est seulement le premier ahurissement que l'on a quand on sort de la conscience ordinaire, mais ce n'est pas tout. Ce n'est pas tout. Quand le souvenir de cet aphorisme m'est revenu, ces jours-ci, j'avais l'impression que c'était seulement juste un petit aperçu que l'on a tout d'un coup et une sensation d'opposition entre les deux états, mais ce n'est pas tout — ce n'est pas tout. Il y a autre chose que cela.

Il y a autre chose, qui est tout autre chose que ce que nous comprenons, mais qui se traduit par ce que nous comprenons.

Et cela, on ne peut pas le dire. On ne peut pas le dire parce que c'est inexprimable, inexprimable.

Ceci revient à sentir que tout ce qui, dans notre conscience ordinaire, devient faux, mensonger, déformé, tortueux, tout est essentiellement vrai pour la Conscience de Vérité. Mais de quelle manière est-ce vrai? C'est justement quelque chose qui ne peut pas se dire avec des mots, parce que les mots appartiennent au Mensonge.

C'est-à-dire que la matérialité du monde ne serait pas annulée par cette Conscience, elle serait transfigurée?... Ou est-ce que ce serait un tout autre monde?

(silence)

Il faudrait s'entendre... J'ai peur que ce que nous appelons "la Matière" ne soit justement l'apparence mensongère du monde.

Il y a quelque chose qui correspond, mais...

N'est-ce pas, cet aphorisme aboutirait à une subjectivité absolue, et ce serait seulement cette subjectivité absolue qui serait vraie—eh bien, ce n'est pas comme cela. Parce que c'est le pralaya, c'est le Nirvana. Eh bien, il n'y a pas que le Nirvana, il y a une objectivité qui est réelle, qui n'est pas mensongère — mais comment dire!... C'est une chose que j'ai sentie plusieurs fois — plusieurs fois, pas seulement en un éclair—la réalité de... comment s'exprimer? on est toujours trompé par ses mots... Dans le parfait sens de l'Unité et dans la conscience de l'Unité, il y a place pour l'objectif, l'objectivité — l'un ne détruit pas l'autre, du tout; on peut avoir la sensation d'une différenciation; non pas que ce ne soit pas soi, mais c'est une vision différente... Je vous l'ai dit, tout ce que l'on peut dire n'est rien, ce sont des âneries, parce que les mots sont faits pour exprimer le monde irréel, mais... Oui, c'est peut-être ce que Sri Aurobindo appelle le sens de la "Multiplicité dans l'Unité", cela correspond peut-être un peu; de même que l'on sent la multiplicité interne de son être, quelque chose comme cela... Je n'ai plus du tout la sensation du moi séparé, plus du tout, du tout, même dans le corps, et cela ne m'empêche pas d'avoir un certain sens du rapport objectif— oui, tiens, cela revient à sa "relation de conscience entre la terre et le soleil", qui change. (Riant) C'est vrai que c'est peut-être la meilleure façon de dire ! C'est une relation de conscience. Ce n'est pas du tout la relation de soi et "d'autres" — du tout, c'est complètement annulé —, mais cela pourrait ressembler à la relation de conscience entre les différentes parties de son être. Et cela donne de l'objectivité aux différentes parties, évidemment.

(long silence)

Pour en revenir à cet exemple très facilement compréhensible de l'accident qui avorte, on peut très bien concevoir que l'intervention de la Conscience de Vérité était décidée "de toute éternité" et qu'il n'y a aucun élément "nouveau", mais cela n'empêche pas que c'est cette intervention qui a arrêté l'accident (ce qui donne une image exacte du pouvoir de cette Conscience vraie sur l'autre). Si l'on projette sa manière d'être sur le Suprême, on peut concevoir qu'il s'amuse à faire beaucoup d'expériences, pour voir comment cela joue (c'est autre chose, cela n'empêche pas qu'il y ait une Toute-Conscience qui sache de toute éternité toutes choses — tout cela avec des mots absolument inadéquats), mais cela n'empêche pas que quand on regarde le procédé, c'est cette intervention qui a pu faire avorter l'accident : la substitution d'une conscience vraie à une conscience mensongère a arrêté le processus de la conscience mensongère.

Et cela me paraît se passer assez souvent — beaucoup plus souvent qu'on ne le croit. Par exemple, chaque fois qu'une maladie est guérie, chaque fois qu'un accident est évité, chaque fois qu'une catastrophe, même terrestre, est évitée, tout cela, c'est toujours l'intervention de la Vibration d'Harmonie dans la vibration de Désordre qui permet que le Désordre cesse.

Alors les gens, les fidèles qui disent toujours : "Par la grâce de Dieu, ceci est arrivé", ce n'est pas si faux.

Je constate seulement un fait, que c'est cette Vibration d'Ordre et d'Harmonie qui est intervenue (les raisons de son intervention n'ont rien à voir, c'est seulement une constatation scientifique), et cela, j'en ai eu un assez grand nombre d'expériences.

Ce serait le processus de transformation du monde?

Oui.

Une incarnation de plus en plus constante de cette Vibration d'Harmonie.

C'est cela, oui, exactement. Exactement.

Et même, à ce point de vue, j'ai vu... N'est-ce pas, l'idée ordinaire que c'est nécessairement dans le corps, où la Conscience s'exprime d'une façon plus constante, que le phénomène [de transformation] doit se produire en premier, cela paraît tout à fait inutile et secondaire; au contraire, cela se produit partout en même temps où cela peut se produire le plus facilement et le plus totalement, et ce n'est pas nécessairement cet agglomérat de cellules (Mère désigne son propre corps) qui est le plus prêt à cette opération. Par conséquent, il peut rester pendant très longtemps apparemment ce qu'il est, même si sa compréhension et sa réceptivité sont particulières. Je veux dire que la conscience (awareness), la perception consciente de ce corps est infiniment supérieure à celle que peuvent avoir tous ceux avec lesquels il est mis en rapport, excepté à des minutes — des minutes — où d'autres corps ont, comme une grâce, la Perception; tandis que, pour lui, c'est un état naturel et constant; c'est le résultat effectif du fait que cette Conscience de Vérité est plus constamment concentrée sur cet ensemble de cellules que sur les autres — plus directement; mais le remplacement d'une vibration par l'autre, dans les faits, dans l'action, dans l'objet, cela vient à l'endroit où c'est le plus frappant et le plus efficace au point de vue des résultats.

C'est une chose que j'ai sentie d'une façon très, très claire, et que l'on ne peut pas sentir tant que l'ego physique est là, parce que l'ego physique a le sens de son importance, et cela disparaît tout à fait avec l'ego physique; quand il disparaît, on a la perception exacte que l'intervention ou la manifestation de la Vibration vraie ne dépend pas des ego ni des individualités (individualités humaines ou individualités nationales, ou même individualité de la Nature : animaux, plantes, etc.), cela dépend d'un certain jeu des cellules et de la Matière où il y a des agglomérations qui sont particulièrement favorables pour produire la transformation—pas "transformation", la substitution, pour être exact, la substitution de la Vibration de Vérité à la vibration de Mensonge. Et le phénomène peut être très indépendant des groupements et des individualités (ce peut être un morceau ici, un morceau là, une chose là, une chose là) ; et cela correspond toujours à une certaine qualité de vibration, qui produit comme un gonflement — un gonflement réceptif —, alors là, le phénomène peut se produire.

Malheureusement, je le disais au début, tous les mots appartiennent au monde de l'apparence.

(silence)

Et c'est mon expérience de tous ces temps-ci, avec une vision et une conviction (la conviction d'une expérience) : les deux vibrations sont comme cela (geste indiquant une superposition et une infiltration), tout le temps. Tout le temps, tout le temps.

Peut-être que l'émerveillement vient quand la quantité infiltrée est suffisamment grande pour être perceptible. Mais j'ai l'impression — et une impression très aiguë — que c'est un phénomène qui se produit tout le temps, tout le temps, partout, d'une façon minuscule (geste d'infiltration en pointillement), infinitésimale; et que dans certaines circonstances, conditions, qui sont visibles — visibles pour cette vision-là (c'est une sorte de gonflement lumineux, je ne peux pas expliquer) — là, la masse de l'infiltration est suffisante pour donner l'impression du miracle. Mais autrement, c'est quelque chose qui se produit tout le temps, tout le temps, sans arrêt, dans le monde (même geste de pointillement), comme une quantité infinitésimale de Mensonge remplacée par la Lumière, Mensonge remplacé par la Lumière... constamment.

Et cette Vibration (que je sens et que je vois), cela donne l'impression d'un feu. C'est cela que les rishi védiques devaient traduire par cette "Flamme"—dans la conscience humaine, dans l'homme, dans la Matière. Ils parlaient toujours d'une "Flamme".1 C'est en effet une vibration de l'intensité d'un feu supérieur.

Même le corps a senti, plusieurs fois, quand le Travail était très concentré ou condensé, que c'est l'équivalent d'une fièvre.

Il y a deux ou trois nuits, quelque chose comme cela s'est passé : il y a eu cette descente de Force, descente de cette Puissance de Vérité avec une intensité particulière... Eh bien, c'est ce qui se passe — qui se passe partout, tout le temps. Alors, si c'est dans un agglomérat assez considérable, cela donne l'apparence d'un miracle — mais c'est le miracle de la terre tout entière.

Et il faut tenir bon, parce que cela a des conséquences, cela amène une sensation de Pouvoir, et très peu de gens peuvent le sentir, l'éprouver sans être plus ou moins dérangés dans leur équilibre, parce qu'ils n'ont pas une base de paix suffisante — de paix vaste et très, très tranquille. Maintes fois j'ai dit : "Il n'y a qu'une réponse, une seule réponse. Il faut être tranquille, tranquille, et encore plus tranquille, et de plus en plus tranquille; et ne pas essayer avec votre tête de trouver une solution, parce qu'elle ne peut pas. Il faut seulement être tranquille — tranquille, tranquille, immuablement tranquille. Le calme et la paix, le calme et la paix... Et c'est la seule réponse."

Je ne dis pas que ce soit la guérison, mais c'est la seule réponse : durer dans le calme et la paix, durer dans le calme et la paix....

Alors il se passera quelque chose.

25 mars 1964

 


1 Agni, le feu védique. (En arrière)

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103 -107 (Vivékânanda, exaltant le sannyâsa1 , disait que dans toute...)

103 — Vivékânanda, exaltant le sannyâsa,1 disait que dans toute l'histoire de l'Inde, il n'y avait qu'un Janaka.2 Il n'en est rien, car Janaka n'est pas le nom d'un seul individu, c'est une dynastie de rois maîtres d'eux-mêmes et le cri de triomphe d'un idéal.

104 — Parmi les milliers et les milliers de sannyâsin vêtus d'ocré, combien sont parfaits? C'est le petit nombre des accomplissements et le grand nombre des approximations qui justifient un idéal.

105 — S'il y a eu des centaines de sannyâsin parfaits, c'est parce que le sannyâsa a été partout prêché et abondamment pratiqué; qu'il en soit de même pour la liberté idéale, et nous aurons des centaines de Janaka.

106 — Le sannyâsa a une robe officielle et des signes extérieurs, c'est pourquoi les hommes se figurent le reconnaître aisément; mais la liberté d'un Janaka ne s'affiche pas, elle porte la robe du monde; Nârada 3 lui-même était aveugle à sa présence.

107 — Il est dur d'être homme libre dans le monde, tout en vivant la vie ordinaire des hommes; mais justement parce que c'est dur, il faut tenter de l'accomplir.

Cela paraît tellement évident!

C'est évident, mais c'est difficile.

N'est-ce pas, être libre de tout attachement, cela ne veut pas dire fuir les occasions d'attachement. Tous ces gens qui affirment leur ascétisme, non seulement fuient mais préviennent les autres qu'ils ne doivent pas essayer !

Cela me paraît tellement évident. Quand on a besoin de fuir une chose pour ne pas l'éprouver, cela veut dire que l'on n'est pas au-dessus, on est encore à ce niveau-là.

Tout ce qui supprime et diminue, ou amoindrit, ne libère pas. La liberté doit être éprouvée dans la totalité de la vie et des sensations.

Justement, j'ai fait toute une série d'études à ce sujet, sur le plan purement physique... Pour être au-dessus de toute erreur possible, on a tendance à supprimer les occasions d'erreur. Par exemple, si l'on ne veut pas dire de paroles inutiles, on ne parle plus; les gens qui se vouent au silence s'imaginent que c'est contrôler la parole — ce n'est pas vrai! c'est seulement supprimer l'occasion de parler, et par conséquent de dire des choses inutiles. Pour la nourriture, c'est la même chose: ne manger que juste ce qu'il faut. Dans l'état transitoire où nous nous trouvons, nous ne voulons plus vivre cette vie entièrement animale fondée sur les échanges matériels et la nourriture, mais ce serait folie de croire que l'on est arrivé à l'état où le corps peut subsister absolument sans nourriture (pourtant, il y a déjà une grande différence puisque l'on est en train d'essayer de trouver l'essence nutritive des choses, pour diminuer le volume), mais la tendance naturelle, c'est le jeûne—c'est une erreur!

De crainte de nous tromper dans nos actions, nous ne faisons plus rien; de crainte de nous tromper dans nos paroles, nous ne disons plus rien; de crainte de manger pour le plaisir de manger, on ne mange plus rien — ce n'est pas la liberté, c'est tout simplement réduire la manifestation à son minimum. Et l'aboutissement naturel, c'est le Nirvana. Mais si le Seigneur voulait seulement le Nirvana, il n'y aurait que le Nirvana! Il est évident qu'il conçoit la coexistence de tous les contraires, et que, pour Lui, ce doit être le commencement d'une totalité. Alors on peut, évidemment, si l'on se sent fait pour cela, choisir une seule de Ses manifestations, c'est-à-dire l'absence de manifestation. Mais c'est encore une limitation. Et ce n'est pas la seule manière de Le trouver, il s'en faut!

C'est une tendance très répandue, qui provient probablement d'une suggestion ancienne, ou peut-être d'une pauvreté, d'une incapacité — réduire, réduire, réduire ses besoins, réduire ses activités, réduire ses paroles, réduire sa nourriture, réduire sa vie active, et tout cela devient si étriqué. Dans l'aspiration de ne plus faire de fautes, on supprime l'occasion de les faire — ce n'est pas une guérison.

Mais l'autre chemin est beaucoup, beaucoup plus difficile.

(silence)

Non, la solution, c'est de n'agir que sous l'impulsion divine, de ne parler que sous l'impulsion divine, de ne manger que sous l'impulsion divine. C'est cela qui est difficile, parce que, naturellement, on confond immédiatement l'impulsion divine avec les impulsions personnelles.

C'était cela l'idée, je crois, de tous les apôtres du renoncement : supprimer tout ce qui vient du dehors ou d'en bas, de façon que si quelque chose d'en haut se manifeste, on soit en état de le recevoir. Mais au point de vue collectif, c'est un processus qui peut prendre des milliers d'années. Au point de vue individuel, c'est possible; mais alors il faut garder intacte l'aspiration à recevoir la vraie impulsion — pas l'aspiration à la "libération" complète, mais l'aspiration à l'identification active avec le Suprême, c'est-à-dire ne vouloir que ce qu'il veut, ne faire que ce qu'il veut, n'exister que par Lui, en Lui.

Alors on peut essayer la méthode du renoncement, mais c'est la méthode de celui qui veut se couper des autres. Et peut-il y avoir une intégralité dans ce cas-là?... Cela ne me paraît pas possible.

Afficher publiquement ce que l'on veut faire, cela aide considérablement. Cela peut susciter des objections, des mépris, des conflits, mais c'est largement compensé par l'"attente" publique, si l'on peut dire, par ce que les autres attendent de vous. C'était certainement la raison de ces robes : prévenir les gens. Évidemment, cela peut attirer sur vous le mépris de certaines personnes et des mauvaises volontés, mais il y a tous ceux qui sentent qu'il ne faut pas toucher cela, ne pas s'en occuper, que ça ne les regarde pas.

Je ne sais pour quelle raison, mais cela m'a toujours paru un cabotinage — ce peut ne pas l'être, et dans certains cas ce ne l'est pas, mais c'est tout de même une façon de dire aux gens : "Ah! voilà ce que je suis." Et je dis que cela peut aider, mais il y a des inconvénients.

C'est encore un enfantillage.

Tout cela, ce sont des moyens, des étapes, des marches, mais... la vraie liberté, c'est d'être libre de tout — de tous les moyens aussi.

(silence)

C'est une restriction, un resserrement, tandis que la Vraie Chose, c'est l'épanouissement, l'élargissement, l'identification avec le tout.

Quand on se réduit, se réduit, se réduit, on n'a pas le sentiment de se perdre, cela vous enlève la crainte de vous perdre — on devient quelque chose de solide et de compact. Mais si l'on choisit la méthode de l'élargissement — l'élargissement maximum —, il ne faut pas avoir peur de se perdre.

C'est beaucoup plus difficile.

Justement, comment est-ce possible dans un monde extérieur qui vous absorbe constamment? Je pense, par exemple, à ceux qui vivent en Occident; ils sont constamment avalés par le travail, les rendez-vous, les téléphones, ils n'ont pas une minute pour purifier ce qui tombe sans arrêt sur eux et se ressaisir. Dans ces conditions, comment est-ce possible?

Ah! il faut en prendre et en laisser.

C'est l'autre extrême... Il est certain que les monastères, les retraites, la fuite dans les forêts ou les cavernes, sont nécessaires pour contrebalancer la suractivité moderne, et pourtant cela existe moins maintenant qu'il y a mille ou deux mille ans. Mais il me semble que c'était une incompréhension — cela n'a pas duré.

C'est évidemment l'excès d'activité qui rend nécessaire l'excès d'immobilité.

Mais comment trouver le moyen d'être ce qu'il faut dans les conditions ordinaires?

Comment ne tomber ni dans un excès, ni dans l'autre?

Oui, vivre normalement, et être libre.

Mon petit, c'est pour cela que l'on a fait l'Ashram! C'était cela, l'idée. Parce que, en France, j'étais tout le temps à me demander : "Comment a-t-on le temps de se trouver? Comment a-t-on même le temps de comprendre le moyen de se libérer" Alors j'avais pensé : un endroit où les besoins matériels seront suffisamment satisfaits pour que si, vraiment, on veut se libérer, on puisse se libérer. Et c'est sur cette idée que l'Ashram a été fondé, non sur une autre — un endroit où les gens auraient des moyens d'existence suffisants pour avoir le temps de penser à la Vraie Chose.

(Mère sourit) La nature humaine est telle que la paresse a pris la place de l'aspiration (pas pour tous, mais enfin d'une façon assez générale) et la licence ou le libertinage, la place de la liberté. Ce qui tendrait à prouver que l'espèce humaine doit passer par une période de manipulation brutale afin d'être prête à se retirer plus sincèrement de l'esclavage à l'activité.

Le premier mouvement est bien celui-ci : "Enfin! trouver l'endroit où l'on puisse se concentrer, se trouver soi-même, vivre vraiment sans avoir la préoccupation des choses matérielles", c'est la première aspiration (c'est même là-dessus — en tout cas au début — que les disciples étaient choisis), mais ça ne dure pas ! Les choses deviennent faciles, alors on se laisse aller. On n'a pas de contraintes morales, alors on fait des bêtises.

Mais on ne peut même pas dire que ce soit une erreur de recrutement — on serait tenté de le croire, mais ce n'est pas vrai; parce que le recrutement s'est fait sur un signe intérieur, assez précis et clair... C'est probablement une difficulté de garder sans mélange l'attitude intérieure. C'est justement cela que Sri Aurobindo voulait, essayait; il disait : "Si je trouve cent personnes, cela me suffit."

Mais ce n'était pas cent pendant longtemps, et je dois dire que quand c'était cent, c'était déjà mélangé.

Beaucoup de gens sont venus, attirés par la Vraie Chose, mais... on se relâche. C'est-à-dire une impossibilité de se maintenir ferme dans sa position vraie.

Oui, j'ai remarqué que dans l'extrême difficulté des conditions extérieures du monde, V aspiration était beaucoup plus intense.

Mais oui!

C'est beaucoup plus intense, c'est presque une question de vie ou de mort.

Oui, c'est cela! C'est-à-dire que l'homme est encore si fruste qu'il a besoin des extrêmes. C'est ce que Sri Aurobindo disait : pour que l'Amour soit vrai, il fallait la Haine; l'Amour vrai ne pouvait naître que sous la pression de la haine.4 C'est cela. Eh bien, il faut accepter les choses telles qu'elles sont et tâcher d'aller plus loin, c'est tout.

C'est probablement pour cela qu'il y a tant de difficultés — les difficultés s'accumulent ici : difficultés de caractère, difficultés de santé et difficultés de circonstances — c'est parce que la conscience s'éveille sous l'impulsion des difficultés.

Si tout est facile et paisible, on s'endort.

C'est comme cela aussi que Sri Aurobindo expliquait la nécessité de la guerre. Dans la paix, on s'avachit. C'est dommage.

Je ne peux pas dire que je trouve cela très joli, mais cela paraît être ainsi.

Au fond, c'est ce que Sri Aurobindo disait dans The Hour of God : si vous avez la Force et la Connaissance, et que vous ne profitiez pas de l'occasion, eh bien, malheur à vous. Ce n'est pas du tout une vengeance, ce n'est pas du tout une punition, mais vous attirez une nécessité, la nécessité d'une impulsion violente — réagir contre une violence.

(silence)

C'est une expérience que j'ai de plus en plus : le contact avec cet Amour Divin véritable, pour qu'il puisse se manifester, c'est-à-dire s'exprimer librement, cela demande une puissance extraordinaire dans les êtres et dans les choses! qui n'existe pas encore. Autrement, tout se disloque.

Il y a des tas de détails très probants, mais naturellement, comme ce sont des "détails" ou des choses très personnelles, on ne peut pas en parler; mais sur la preuve ou les preuves d'expériences répétées, je suis obligée de dire ceci : quand cette Puissance d'Amour pur, merveilleuse n'est-ce pas, qui dépasse toute expression, dès qu'elle commence à se manifester amplement, librement, c'est comme si des quantités de choses s'écroulaient tout de suite — elles ne peuvent pas tenir. Elles ne peuvent pas tenir, c'est dissous. Alors... alors tout s'arrête. Et cet arrêt, que l'on pourrait croire une disgrâce, c'est le contraire! C'est une Grâce infinie.

Rien que la perception, un tout petit peu concrète et tangible, de la différence entre la vibration dans laquelle on vit d'une façon normale et presque continue, et cette Vibration-là, rien que la constatation de cette infirmité, que j'appelle nauséeuse — vraiment, cela donne la nausée —, cela suffit à tout arrêter.

Pas plus tard qu'hier, ce matin, il y a de longs moments où cette Puissance se manifeste, puis, tout d'un coup, il y a comme une Sagesse — une Sagesse incommensurable — qui fait que tout se détend dans une tranquillité parfaite : ce qui doit être sera, cela prendra le temps qu'il faudra. Et alors tout va bien. Comme cela, tout va bien, immédiatement. Mais la Splendeur s'éteint.

Il n'y a qu'à être patient.

Sri Aurobindo l'a écrit aussi : "Aspire intensément, mais sans impatience"... La différence entre l'intensité et l'impatience est très subtile — tout est une différence de vibration; c'est subtil, mais cela fait toute la différence.

Intensément, mais sans impatience. C'est cela, il faut être dans cet état-là.

Et pendant très longtemps, très longtemps, se contenter des résultats intérieurs, c'est-à-dire des résultats de réactions personnelles et individuelles, de contacts intérieurs avec le reste du monde — ne pas espérer, ou vouloir trop tôt, que les choses se matérialisent. Parce que l'on a une hâte qui généralement retarde les choses.

Si c'est comme cela, c'est comme cela.

Nous vivons — les hommes, je veux dire, vivent harcelés. C'est une espèce de sentiment semi-conscient de la durée si courte de leur vie; ils n'y pensent pas, mais ils le sentent d'une façon semi-consciente; et alors ils sont tout le temps à vouloir — vite, vite, vite — se précipiter d'une chose à l'autre, faire une chose vite pour passer à la suivante, au lieu que chaque chose vive dans son éternité propre. On est toujours à vouloir : en avant, en avant, en avant... Et on gâte le travail.

C'est pour cela que d'aucuns ont prêché : le seul moment important est le moment présent — pratiquement ce n'est pas vrai, mais au point de vue psychologique ce devrait être vrai. C'est-à-dire, vivre au maximum de sa possibilité, à chaque minute, sans prévoir ou vouloir ou attendre ou préparer la suivante. Parce que l'on est tout le temps pressé, pressé, pressé... et on ne fait rien de bien. Et on est dans une tension intérieure qui est tout à fait fausse — tout à fait fausse.

Tous ceux qui ont essayé d'être sages l'ont toujours dit (les Chinois l'ont prêché, les Indiens l'ont prêché) : vivre dans le sens de l'Éternité. En Europe aussi, on a dit qu'il faudrait contempler le ciel, les astres, et s'identifier à leur infinitude — toutes choses qui vous élargissent et vous apaisent.

Ce sont des moyens, mais c'est indispensable.

Et j'ai observé cela dans les cellules du corps : on dirait qu'elles sont toujours en hâte de faire ce qu'elles ont à faire, de peur qu'elles n'aient pas le temps de le faire. Alors elles ne font rien convenablement. Les gens brouillons (il y a des gens qui bousculent tout, leurs mouvements sont brusques et brouillons) ont cela à un grand degré, cette espèce de hâte—faire vite, faire vite, faire vite... Hier, quelqu'un se plaignait de douleurs rhumatismales et il disait : "Oh! cela fait perdre tant de temps, je fais les choses si lentement!" J'ai dit (Mère rit) : "Et puis après!" Il n'était pas content. N'est-ce pas, se plaindre quand on a mal, cela veut dire que l'on est douillet, et puis c'est tout, mais dire: "Je perds tant de temps, je fais les choses si lentement!" C'était le tableau très clair de cette hâte où sont les hommes — on traverse la vie en bolide... pour aller où?... patatras au bout!

À quoi cela sert?

(silence)

Au fond, la morale de tous ces aphorismes est qu'il est bien plus important d'être que de paraître — il faut vivre et non prétendre; et qu'il est beaucoup plus important de réaliser une chose entièrement, sincèrement, parfaitement, que de faire savoir aux autres qu'on la réalise.

C'est encore la même chose; quand on est dans la nécessité de dire ce que l'on fait, on abîme la moitié de son action.

Et pourtant, en même temps, cela vous aide à faire le point, à savoir exactement où vous en êtes.

C'était la sagesse du Bouddha quand il disait "le chemin du milieu", pas trop comme ceci, pas trop comme cela, pas tomber dans ceci, pas tomber dans cela — un peu de tout et un chemin équilibré... mais pur.

La pureté et la sincérité, c'est la même chose.

16 septembre 1964

 


1 Renoncement à la vie du monde et aux œuvres. (En arrière)

2 Roi de Mithilâ et père de Sîtâ, l'épouse de Rama. Il figure non seulement dans le Râmâyana, mais dans les Oupanishad. Il était célèbre pour sa connaissance spirituelle et sa réalisation divine bien qu'il menât la vie ordinaire du monde. (En arrière)

3 Sage errant qui va en jouant de la vînâ. Immortel comme les dieux dont il est le messager, il apparaît sur la terre quand il veut. On en parle dès le temps des Oupanishad. (En arrière)

4 Voir aphorismes 88 à 92. (En arrière)

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108 ( Quand il observait les actes de Janaka, Nârada lui-même, le sage ...)

108 — Quand il observait les actes de Janaka, Nârada lui-même, le sage divin, pensait que c'était un mondain adonné au luxe et un libertin. Si tu ne vois pas l'âme, comment peux-tu dire qu'un homme est libre ou esclave?

Cela soulève toutes sortes de questions. Par exemple, comment se fait-il que Nârada ne pouvait pas voir l'âme?

Pour moi, c'est très simple. Nârada était un demi-dieu, n'est-ce pas, il appartenait au monde surmental et il avait la possibilité de se matérialiser, et ces êtres-là n'ont pas de psychique. Les dieux n'ont pas en eux l'étincelle divine qui est le centre du psychique, puisque c'est seulement sur la terre (je ne parle même pas de l'univers matériel), seulement sur la terre qu'il y a eu cette Descente de l'Amour Divin qui a été à l'origine de la Présence divine au centre de la Matière. Et naturellement, comme ils n'ont pas d'être psychique, ils ne connaissent pas l'être psychique. Il y a même de ces Êtres qui ont voulu prendre un corps physique afin d'avoir l'expérience de l'être psychique — il n'y en a pas beaucoup.

Généralement, ils ne l'ont fait que partiellement, par une "émanation", mais pas une descente totale. On dit, par exemple, que Vivékânanda était une incarnation (une vibhoûti) de Shiva; mais Shiva lui-même a clairement exprimé la volonté de ne venir sur la terre qu'avec le monde supramental. Quand la terre sera prête pour la vie supramentale, il viendra. Et presque tous ces êtres se manifesteront — ils attendent ce moment, ils ne veulent pas de la lutte et de l'obscurité de maintenant.

Et certainement, Nârada faisait partie de ceux qui venaient ici... au fond, c'était par amusement! Il jouait beaucoup avec les circonstances. Mais il n'avait pas la connaissance de l'être psychique et cela devait l'empêcher de reconnaître l'être psychique là où il était.

Mais toutes ces choses ne peuvent pas s'expliquer : ce sont des notions, des expériences personnelles, ce n'est pas une connaissance suffisamment objective pour être enseignée. On ne peut rien dire d'un phénomène qui dépend d'une expérience personnelle et qui n'a d'autre valeur que pour celui qui a l'expérience.

Ce que Sri Aurobindo a dit était fondé sur l'érudition de la tradition de l'Inde et il disait ce qui concordait avec son expérience propre.

Pour voir l'âme, il faut donc soi-même connaître sa propre âme?

Oui, pour être en rapport avec l'âme, c'est-à-dire l'être psychique, il faut porter soi-même un être psychique, et il n'y a que les hommes — les hommes de l'évolution, ceux qui sont issus de la création terrestre — qui possèdent un être psychique.

Tous ces dieux n'ont pas d'être psychique, c'est seulement en descendant, en s'unissant à l'être psychique d'un homme, qu'ils peuvent en avoir, mais eux-mêmes n'en ont pas.

12 janvier 1965

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109 (Tout ce qui dépasse son niveau semble dur à l'homme, et...)

109 – Tout ce qui dépasse son niveau semble dur à l'homme, et c'est dur, en effet, pour son seul effort et sans aide; mais la même chose devient facile aussitôt, et simple, quand Dieu en l'homme prend le travail en main.

C'est parfait.

Justement, j'écrivais quelque chose il y a deux ou trois jours, en réponse à une question, et je disais à peu près ceci : Sri Aurobindo est le Seigneur, mais seulement une partie du Seigneur, pas le Seigneur dans Sa totalité, parce que le Seigneur est tout — tout ce qui est manifesté et tout ce qui n'est pas manifesté. Puis j'ai mis : il n'y a rien qui ne soit le Seigneur, rien — there is nothing —, il n'y a rien qui ne soit le Seigneur, mais très rares sont ceux qui sont conscients du Seigneur. Et c'est cette inconscience de la création qui constitue son Mensonge.

C'était tout d'un coup si évident : "Voilà! voilà!" Comment est venu le Mensonge? Mais c'est cela, c'est l'inconscience de la création qui constitue le Mensonge de la création. Et dès que la création redeviendra consciente d'être le Seigneur, le Mensonge cessera.

Et c'est cela, n'est-ce pas : tout est difficile, tout est laborieux, tout est pénible, tout est douloureux, parce que tout est fait en dehors de la conscience du Seigneur. Mais quand Il reprendra possession de Son domaine (ou plutôt qu'on Lui laissera reprendre possession de Son domaine) et que ce sera dans Sa conscience, avec Sa conscience que les choses seront faites, tout deviendra, non seulement facile, mais merveilleux, glorieux — et dans une joie inexprimable.

C'est venu comme une évidence. On dit : "Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que l'on appelle le Mensonge? Pourquoi la création est-elle mensongère?" Ce n'est pas une illusion au sens où ce serait inexistant — c'est tout à fait existant, mais... ce n'est pas conscient de ce que c'est! Non seulement pas conscient de son origine, mais pas conscient de son essence, de sa vérité — ce n'est pas conscient de sa vérité. Et c'est pour cela que ça vit dans le Mensonge.

Cet aphorisme est magnifique. Il n'y a rien à dire, n'est-ce pas, ça dit tout.

3 mars 1965

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110 (Voir la composition du soleil ou les lignes de Mars est sans...)

110 — Voir la composition du soleil ou les lignes de Mars est sans doute un grand exploit, mais quand tu auras l'instrument qui te fera voir l'âme de l'homme comme tu vois un tableau, alors tu souriras des merveilles de la science physique comme d'un jouet pour les bébés.

C'est la continuation de ce que nous disions tout à l'heure à propos de ceux qui veulent "voir". Il paraît que Râmakrishna avait dit à Vivékânanda : "Vous pouvez voir le Seigneur comme vous me voyez et entendre Sa voix comme vous entendez ma voix." Il y a des gens qui ont pris cela pour une déclaration que le Seigneur était en chair et en os sur la terre. J'ai dit : "Non, ce n'est pas cela! Ce qu'il voulait dire, c'est que si vous entrez dans la vraie conscience, vous pouvez L'entendre (moi, je dis : entendre beaucoup plus clairement que l'on n'entend physiquement, et voir beaucoup plus clairement qu'on ne voit physiquement)." —"Ah! mais..." Tout de suite, on ouvre de grands yeux, cela devient quelque chose d'irréel!

Est-ce que les merveilles de la science physique te font sourire?

Les "merveilles", c'est très bien, c'est leur affaire. Mais c'est leur assurance outrecuidante qui me fait sourire. Ils s'imaginent qu'ils savent. Ils s'imaginent qu'ils ont la clef, c'est cela qui fait sourire. Ils s'imaginent qu'avec tout ce qu'ils ont appris, ils sont les maîtres de la Nature — c'est un enfantillage. Il y aura toujours quelque chose qui leur échappera tant qu'ils ne seront pas en rapport avec la Force créatrice et la Volonté créatrice.

C'est une expérience que l'on peut faire facilement. Un savant peut expliquer tous les phénomènes que l'on voit, il peut même se servir des forces physiques et leur faire faire ce qu'il veut, et ils sont arrivés à des résultats stupéfiants au point de vue matériel; mais si on leur pose seulement cette question, cette simple question : "Qu'est-ce que la mort?" au fond, ils n'en savent rien. Ils vous décrivent le phénomène tel qu'il se produit matériellement, mais, s'ils sont sincères, ils sont obligés de dire que cela n'explique rien.

Il y a toujours un moment où cela n'explique plus rien. Parce que savoir... savoir, c'est pouvoir.

(silence)

En définitive, ce qui est le plus accessible à la pensée matérialiste, la pensée scientifique, c'est le fait qu'ils ne peuvent pas prévoir. Ils prévoient beaucoup de choses, mais le déroulement des événements terrestres est au-delà de leurs prévisions. Je crois que c'est la seule chose qu'ils peuvent admettre — il y a un aléatoire, il y a un champ d'imprévu qui échappe à tous leurs calculs.

Je n'ai jamais parlé avec le savant type ayant la connaissance la plus moderne, alors je ne suis pas tout à fait sûre, je ne sais pas dans quelle mesure ils admettent un imprévu ou un incalculable.

Ce que Sri Aurobindo veut dire, je crois, c'est que quand on est en communion avec l'âme et que l'on a la connaissance de l'âme, c'est une connaissance tellement plus merveilleuse que la connaissance matérielle, que c'est presque un sourire de dédain. Je ne pense pas qu'il veuille dire que la connaissance de l'âme vous apprenne sur la vie matérielle des choses que l'on n'apprend pas avec la science.

Le seul point (je ne sais pas si la science y est arrivée), c'est l'imprévisible de l'avenir. Mais il se peut qu'ils disent que c'est parce qu'ils ne sont pas encore arrivés à la perfection des instruments et des méthodes. Par exemple, ils pensent peut-être qu'au moment où l'homme a fait son apparition sur la terre, s'ils avaient eu les instruments qu'ils ont maintenant, ils auraient été capables de prévoir la transformation de l'animal en homme ou l'apparition de l'homme à la suite de "quelque chose" dans l'animal —je ne suis pas au courant (Mère sourit) de leurs prétentions les plus modernes. En ce cas, ils devraient être capables de mesurer ou de percevoir la différence de l'atmosphère, maintenant, avec l'intrusion de quelque chose qui n'y était pas, parce que cela appartient encore au domaine matériel.1 Mais je ne pense pas que ce soit cela que Sri Aurobindo voulait dire; je crois qu'il voulait dire que le monde de l'âme et les réalités intérieures sont tellement plus merveilleuses que les réalités physiques, que toutes les "merveilles" physiques vous font sourire — c'est plutôt cela.

Mais la clef dont tu parles, cette clef qu'ils n'ont pas, est-ce que ce n'est pas justement l'âme? Un pouvoir de l'âme sur la matière, de changer la matière — de faire aussi des merveilles physiques. L'âme n'a-t-elle pas ce pouvoir?

Elle a ce pouvoir et elle l'exerce constamment, mais la conscience humaine n'en est pas consciente; et la grande différence, c'est qu'elle devient consciente. Mais elle devient consciente de quelque chose qui est toujours là! Et que les autres nient parce qu'ils ne l'aperçoivent pas.

Par exemple, j'ai eu l'occasion d'étudier cela. Pour moi, les circonstances, les caractères, tous les événements et tous les êtres se meuvent selon certaines "lois", si l'on peut dire, qui ne sont pas rigides mais que je perçois et qui font que je vois : ceci mènera à cela, et cela mènera là, et celui-ci étant comme cela, il lui arrivera cela. C'est de plus en plus précis. Je pourrais, si c'était nécessaire, faire des prédictions à cause de cela. Mais cette relation de cause à effet dans ce domaine-là, pour moi, est tout à fait évidente et corroborée par les faits — pour eux, qui n'ont pas cette vision et cette conscience de l'âme, comme dit Sri Aurobindo, les circonstances se déroulent selon d'autres lois, superficielles, qu'ils considèrent comme les conséquences naturelles des choses — des lois tout à fait superficielles et qui ne résistent pas à l'analyse profonde; mais ils n'ont pas la capacité intérieure, par conséquent cela ne les gêne pas, cela leur paraît évident.

Je veux dire que cette connaissance intérieure n'a pas le pouvoir de les convaincre. Si bien que quand moi, à propos d'un événement quelconque, je vois : "Oh! mais c'est tout à fait (pour moi), tout à fait évident : j'ai vu la Force du Seigneur agir là, j'ai vu telle chose se produire, et tout naturellement c'est cela qui doit arriver" — pour moi, c'est de toute évidence; mais je ne dis pas ce que je sais, parce que cela ne correspond à rien dans leur expérience; ça leur paraîtrait des divagations ou des prétentions. C'est-à-dire que quand on n'a pas soi-même l'expérience, l'expérience d'un autre n'est pas convaincante, elle ne peut pas convaincre.

Le pouvoir n'est pas tant d'agir sur la matière — c'est une chose qui se produit constamment —, mais (à moins que l'on n'use de moyens hypnotiques qui ne valent rien, qui ne mènent à rien) c'est d'ouvrir la compréhension (geste de percée au sommet du crâne) c'est cela qui est si difficile... La chose dont on n'a pas l'expérience est inexistante.

Même si, devant eux, une espèce de miracle se produisait, ils en auraient l'explication matérielle, ce ne serait pas, pour eux, un miracle, au sens d'une intervention d'une autre force et d'une autre puissance que les forces et les puissances matérielles. Pour eux, ils auraient leur explication matérielle, ce ne serait pas convaincant.

On ne peut comprendre que si, soi-même, on a touché ce domaine dans son expérience.

Et on voit bien — on voit bien : c'est dans la mesure où quelque chose est éveillé qu'il y a une possibilité de compréhension. C'est là-dessus que l'on s'appuie, c'est la base.

En somme, il ne s'agirait peut-être pas tellement d'une "transformation de la matière" que d'une prise de conscience du vrai déroulement.

C'est justement ce que je veux dire. La transformation peut avoir lieu jusqu'à un certain point sans même que l'on en soit conscient.

On dit, n'est-ce pas, qu'il y a une grande différence : quand l'homme est venu, l'animal n'avait pas les moyens de s'en apercevoir. Eh bien, je dis que c'est exactement la même chose; en dépit de tout ce que l'homme a réalisé, l'homme n'a pas le moyen — certaines choses peuvent se produire, il ne le saura que beaucoup plus tard, quand "quelque chose" en lui sera suffisamment développé pour qu'il s'en aperçoive.

Même le développement scientifique poussé à l'extrême, là où, vraiment, on a l'impression qu'il n'y a presque plus de différence, quand ils sont arrivés à cette unité de la substance, par exemple, et qu'il semble qu'il n'y ait plus qu'un passage, presque insensible ou imperceptible, entre une condition et l'autre (matérielle et spirituelle), eh bien, non, ce n'est pas comme cela. Pour percevoir cette sorte d'unité, il faut déjà porter en soi l'expérience de Vautre chose, autrement on ne peut pas.

Et justement, parce qu'ils ont acquis la capacité d'expliquer", ils expliquent, pour eux-mêmes, les phénomènes extérieurs de telle façon qu'ils restent dans leur négation de la réalité des phénomènes intérieurs—ils disent que ce sont comme des continuations de ce qu'ils ont étudié.

Seulement, à cause même de sa constitution, parce qu'il n'y a pour ainsi dire pas d'être humain qui n'ait au moins la réflexion ou l'ombre, ou le commencement d'une relation avec son être subtil, son être interne, son "âme", à cause de cela il y a toujours une faille dans leur négation. Mais ils considèrent cela comme une faiblesse — c'est leur seule force.

(silence)

C'est vraiment quand on a l'expérience — l'expérience et la connaissance et l'identité avec les forces supérieures — que l'on voit la relativité des connaissances extérieures; mais jusque-là, non, on ne peut pas, on nie les autres réalités.

Je pense que c'est cela que Sri Aurobindo voulait dire; c'est seulement quand l'autre conscience sera développée que le savant sourira — il dira : "Oui, c'était très bien, mais..."

Au fond, l'un ne peut pas mener à l'autre — excepté par un phénomène de grâce; s'il y a intérieurement une sincérité absolue qui fait que le savant voit, a la prescience, la perception du point où cela lui échappe, alors cela peut le mener à l'autre état de conscience, mais pas par ses procédés. Il faut... il faut que quelque chose abdique et accepte les moyens nouveaux, les perceptions nouvelles, la vibration nouvelle, l'état d'âme nouveau.

Alors, c'est une question individuelle. Ce n'est pas une question de classe ou de catégorie — c'est le savant qui est prêt à être... autre chose.

(silence)

On peut seulement poser une affirmation : tout ce que vous savez, si beau que ce soit, n'est rien en comparaison de ce que vous pouvez savoir si vous pouvez employer les autres méthodes. Voilà.

(silence)

C'était tout l'objet de mon travail ces temps derniers : comment toucher ce refus de savoir?... Il y a long-temps que c'est là. Et c'est la continuation de ce que Sri Aurobindo disait dans l'une de ses lettres : il dit que l'Inde avec ses méthodes a fait beaucoup plus pour la vie spirituelle que l'Europe avec tous ses doutes et ses questions. C'est tout à fait cela. C'est une espèce de refus — un refus d'accepter une certaine méthode de savoir qui n'est pas la méthode purement matérielle, et la négation de l'expérience, de la réalité de l'expérience. Comment les convaincre de cela?... Et alors, il y a la méthode de Kâlî, qui est de flanquer une bonne tripotée. Mais c'est beaucoup de dégâts pour peu de résultats, selon moi.

C'est encore un grand problème.

Il semble que la seule méthode qui puisse avoir raison de toutes les résistances soit la méthode de l'Amour; mais justement, les forces adverses ont perverti cela de telle façon qu'une quantité de gens très sincères, de chercheurs sincères, sont comme cuirassés contre cette méthode, à cause de sa déformation. C'est cela, la difficulté. C'est pour cela que ça prend du temps. Enfin....

29 mai 1965

 


1 Le disciple ayant demandé à Mère si ce "quelque chose" était bien la force supramentale. Mère répondit ceci : "J'aime mieux ne pas le nommer, parce que l'on en fera un dogme. C'est ce qui s'est passé quand il y a eu ce que l'on a appelé la "première manifestation supramentale", en 56. J'ai essayé de mon mieux que l'on n'en fasse pas un dogme. Mais si je dis : "À telle date, telle chose s'est passée", ce sera écrit en gros caractères, puis, si quelqu'un dit autre chose, on lui déclarera : "Vous êtes un hérétique." Alors je ne veux pas. Mais il est incontestable que l'atmosphère a changé : il y a quelque chose de nouveau dans l'atmosphère —on peut appeler cela la "descente de la vérité supramentale", parce que, pour nous, ces mots ont un sens, mais je ne veux pas en faire une déclaration, parce que je ne veux pas que ce soit la façon classique ou "vraie" de dire l'événement. C'est pourquoi je laisse ma phrase dans le vague, exprès." (En arrière)

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111.-112. (La connaissance est comme un enfant avec ses exploits;...)

111 — La connaissance est comme un enfant avec ses exploits; dès qu'elle a découvert quelque chose, elle court les rues ça et là, criant et s'exclamant; la Sagesse cache les siens longtemps dans un silence pensif et puissant.

112 — La science pérore et se conduit comme si elle avait conquis toute la connaissance. La Sagesse chemine, et elle entend l'écho de son pas solitaire au bord des océans immenses.

Le silence... oh! il vaut mieux le pratiquer que d'en parler.

C'est une expérience que j'ai eue ici, il y a longtemps : la différence entre vouloir répandre et utiliser ce que l'on a appris, immédiatement, et puis le contact avec les connaissances supérieures où l'on reste aussi tranquille que l'on peut pour que cela ait un effet transformateur. J'en ai eu l'expérience vivante — une demi-journée d'expérience vivante —, mais maintenant cela me paraît vieux, vieux, loin derrière.

Quel est le pouvoir de ce Silence? Quand on monte au-dessus, on entre dans une espèce de grand silence, qui est gelé, qui est partout, mais quel est le pouvoir de ce Silence? Est-ce que cela fait quelque chose?

C'est ce que les gens cherchaient autrefois quand ils voulaient sortir de la vie. Ils se mettaient en transe, ils laissaient leur corps immobile, et puis ils entraient là-dedans, et puis ils étaient parfaitement heureux. Et les sannyâsins qui se faisaient enterrer vivants, c'était comme cela. Ils disaient : "Maintenant, j'ai fini mon travail (ils faisaient de belles phrases), j'ai fini, j'entre en samâdhi", et ils se faisaient enterrer vivants. Ils entraient dans une chambre, ou n'importe, puis on fermait, et puis c'était fini. Et c'est ce qui arrivait : ils entraient en transe, et leur corps, au bout d'un certain temps, naturellement se dissolvait, et eux, ils étaient dans la Paix.

Mais Sri Aurobindo dit que ce Silence est puissant.

Puissant, oui.

NEh bien, je voudrais savoir comment il est puissant, justement? Parce qu'on a l'impression que l' on pourrait rester là-dedans une éternité...

Pas une éternité — l'Éternité.

... sans que ça change rien.

Non, parce que ce n'est pas manifesté, c'est en dehors de la Manifestation. Mais ce que Sri Aurobindo veut, c'est qu'on le fasse descendre ici. C'est ça, c'est ça la difficulté. Et il faut accepter l'infirmité et l'apparence même de l'imbécillité, tout, et il n'y a pas un être sur cinquante millions qui ait le courage de cela.

Il y a des millions de manières de s'enfuir. Il n'y en a qu'une de rester, c'est vraiment d'avoir du courage et de l'endurance, d'accepter toutes les apparences de l'infirmité, les apparences de l'impuissance, les apparences de l'incompréhension, l'apparence, oui, d'une négation de la Vérité. Mais si l'on n'accepte pas, ce ne sera jamais changé. Ceux qui veulent rester grands, lumineux, forts, puissants, et patati-patata, eh bien, qu'ils restent là-bas, ils ne peuvent rien faire pour la terre.

Et cette incompréhension est une toute petite chose (une toute petite chose parce que la conscience est suffisante pour ne pas en être le moins du monde affectée), mais c'est une incompréhension générale et totale ! C'est-à-dire que l'on reçoit des insultes, des expressions de mépris et tout, justement à cause de ce que l'on fait, parce que, selon eux (toutes les "grandes intelligences" de la terre) on a renoncé à sa divinité. Ils ne le disent pas comme cela, ils disent : "Quoi? vous prétendez avoir une conscience divine, et puis..." Et on retrouve cela dans tous les gens et toutes les circonstances. De temps en temps, quelqu'un pour un instant a un éclair, mais c'est tout à fait exceptionnel, tandis que : "Eh bien, montrez votre pouvoir", c'est partout.

Pour eux, le Divin sur terre doit être tout-puissant, évidemment.

C'est cela : "Montrez votre pouvoir, changez le monde. Et pour commencer, faites ce que je veux." N'est-ce pas, la première chose la plus importante, c'est de faire ce que je veux. "Montrez votre pouvoir!" Voilà ce qu'ils disent constamment.

25 septembre 1965

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117-121 ("Il n'est pas vrai qu'il y ait eu un temps ou Je n'étais point, ni toi ...)

117 — "Il n'est pas vrai qu'il y ait eu un temps ou Je n'étais point, ni toi ni ces rois; il n'est pas vrai non plus qu'aucun de nous doive jamais cesser d'être." Non seulement le Brahman est éternel, mais les êtres et les choses dans le Brahman sont éternels; leur création et leur destruction sont un jeu de cache-cache avec notre conscience extérieure.

118 — L'amour de la solitude est le signe d'une disposition à la connaissance; mais on ne parvient à la connaissance que quand on perçoit la solitude invariablement et partout, dans la foule et dans la bataille, et sur la place du marché.

119 — Si tu peux percevoir que tu ne fais rien, alors même que tu accomplis de grandes actions et que tu mets en mouvement des résultats formidables, sache que Dieu a retiré son sceau de tes paupières.

120 — Si tu peux percevoir que tu conduis des révolutions, alors même que tu es assis tout seul, immobile et sans paroles au sommet de la montagne, tu as la vision divine et tu es libre des apparences.

121 —L'amour de l'inaction est sottise, et sottise le mépris de l'inaction — il n'y a pas d'inaction. La pierre inerte sur le sable, que tu envoies promener d'un coup de pied distrait, a produit son effet sur les hémisphères.

C'est l'expérience que j'ai eue ces jours-ci, hier ou avant-hier. Le sentiment d'une Puissance irrésistible qui gouverne tout : le monde, les choses, les gens, tout, tout, sans que l'on ait besoin de bouger matériellement, et que cette suractivité matérielle est seulement comme l'écume qui se forme quand l'eau court très vite — l'écume de la surface —, mais que la Force court dessous comme un flot tout-puissant.

Il n'y a rien d'autre à dire.

On en revient toujours à cela : savoir, ça va bien; dire, c'est bon; faire, c'est bien; mais être, c'est la seule chose qui ait du pouvoir.

N'est-ce pas, les gens sont à s'agiter parce que cela ne va "pas vite"; alors j'avais cette vision de la formation, de la création divine qui se fait, en dessous, toute-puissante, irrésistible, et en dépit de tout, tout ce brouhaha extérieur.

Mais ce grand courant de Puissance, pour s'exprimer, il a besoin d'instruments?

Un cerveau.

Mais justement, pas seulement d'un cerveau. Cette Puissance peut s'exprimer, comme dans le passé, d'une façon mentale ou surmentale ; elle peut s'exprimer vitalement par la force ; elle peut s'exprimer par des muscles ; mais comment peut-elle s'exprimer physiquement, purement, directement (parce que tu parles souvent du "pouvoir matériel") ? Quelle différence y a-t-il entre l'Action là-haut et l'Action vraie ici?

Chaque fois que j'ai été consciente du Pouvoir, l'expérience a été similaire. La Volonté d'en haut se traduit par une vibration, qui certainement se revêt de puissance vitale, mais agit dans un physique subtil. On a la perception d'une certaine qualité de vibration, qu'il est difficile de décrire mais qui donne l'impression d'une chose coagulée (pas morcelée), quelque chose qui semble plus dense que l'air, qui est extrêmement homogène, d'une luminosité dorée, avec une puissance de propulsion formidable, et qui exprime une certaine volonté (qui n'a pas la nature de la volonté humaine, qui a plutôt la nature de la vision que celle de la pensée; c'est comme une vision qui s'impose pour être réalisée) dans un domaine très proche de la Matière matérielle, mais invisible, excepté pour la vision intérieure; et ça, cette Vibration-là, exerce une pression sur les gens, les choses, les circonstances, pour les mouler selon sa vision. Et c'est irrésistible. Même les gens qui pensent le contraire, qui veulent le contraire, font ce qui est voulu sans le vouloir; même les choses qui s'opposent par leur nature même sont retournées.

Pour les événements nationaux, les rapports entre les nations, les circonstances terrestres, ça agit comme cela, constamment, constamment, comme une Puissance formidable. Et alors, si l'on est soi-même en état d'union avec la Volonté divine, sans intervention de la pensée et de toutes les conceptions ou les idées, on suit, on voit et on sait 1

Les résistances de l'inertie dans les consciences et dans la Matière font que cette Action, au lieu d'être directe et parfaitement harmonieuse, devient confuse, pleine de contradictions, de chocs et de conflits; au lieu que tout s'arrange, on pourrait dire "normalement", sans heurts (comme cela devrait être), toute cette inertie qui résiste, qui s'oppose, fait que cela commence à avoir un mouvement entremêlé où les choses s'entrechoquent et où il y a des désordres et des destructions, qui ne sont rendus nécessaires que par la résistance, mais qui n'étaient pas indispensables, qui auraient pu ne pas être — qui n'auraient pas dû être, pour dire la vérité. Parce que cette Volonté, ce Pouvoir, est un Pouvoir de parfaite harmonie, où chaque chose est à sa place, et il organise merveilleusement : ça vient comme une organisation absolument lumineuse et parfaite, que l'on peut voir quand on a la vision, mais quand ça descend et que ça presse sur la Matière, tout commence à bouillonner et à résister. Par conséquent, vouloir imputer à l'Action divine, au Pouvoir divin, les désordres et les confusions et les destructions, c'est encore une sornette humaine. C'est l'inertie (sans parler de la mauvaise volonté), l'inertie qui produit la catastrophe. Ce n'est pas que la catastrophe soit voulue, ce n'est même pas qu'elle soit prévue : elle est produite par la résistance.

Et alors, s'ajoute à cela la vision de l'action de la Grâce, qui vient atténuer les résultats partout où c'est possible, c'est-à-dire partout où elle est acceptée. Et c'est cela qui explique que l'aspiration, la foi, la confiance totale de l'élément terrestre, humain, ont un pouvoir d'harmonisation, parce qu'elles permettent à la Grâce de venir réparer les conséquences de la résistance aveugle.

C'est une vision claire, claire, même claire dans les détails.

On pourrait, si l'on voulait, prophétiser en disant ce qui est vu. Mais il y a une sorte de super-compassion qui empêche cette prophétie, parce que la Parole de Vérité a un pouvoir de manifestation, et que d'exprimer le résultat de la résistance concrétiserait cet état et diminuerait l'action de la Grâce. Et c'est pourquoi, même quand on voit, on ne peut pas dire, on ne doit pas dire.

Mais certainement, Sri Aurobindo voulait dire que c'est ce Pouvoir ou cette Force qui fait tout — qui fait tout. Quand on la voit ou que l'on est un avec elle, en même temps on sait, et on sait que ça, c'est vraiment la seule chose qui agit et qui crée; le reste, c'est le résultat du domaine ou du monde ou de la matière ou de la substance dans laquelle ça agit — c'est le résultat de la résistance, mais ce n'est pas l'Action. Et s'unir avec ça veut dire que l'on s'unit avec l'Action; s'unir avec ce qui est en bas veut dire que l'on s'unit avec la résistance.

Et alors, parce que ça frétille, ça bouge, ça s'agite, ça veut, ça pense, ça fait des plans... ça s'imagine que ça fait quelque chose — ça résiste.

Plus tard (un peu plus tard) je pourrai donner des exemples pour de toutes petites choses, montrant comment la Force agit et ce qui intervient et qui se mélange, ou qui est mû par cette Force et qui déforme son mouvement, et le résultat, c'est-à-dire l'apparence physique telle que nous la voyons. Même un exemple pour une toute petite chose absolument sans importance mondiale donne une claire notion de la façon dont tout se produit et se déforme ici.

Et c'est pour tout, pour tout, tout le temps, tout le temps. Et alors, quand on fait le yoga des cellules, on s'aperçoit que c'est la même chose: il y a la Force qui agit, et puis (Mère rit) ce que le corps fait de cette Action !...

(silence)

Tout de suite vient le pourquoi et le comment. Mais c'est du domaine des curiosités mentales, parce que le fait important, c'est de faire cesser la résistance. Ça, c'est la chose importante, c'est de faire cesser la résistance afin que l'univers devienne ce qu'il doit être : l'expression d'une puissance harmonieuse, lumineuse, merveilleuse, d'une beauté sans pareille. Après, quand la résistance aura cessé, si par curiosité on veut savoir pourquoi elle s'est produite... cela n'aura plus d'importance. Mais maintenant, ce n'est pas en cherchant le pourquoi que l'on peut amener le remède, c'est en prenant la position véritable. C'est la seule chose qui importe.

Faire cesser la résistance par l'abandon total, le don de soi total, dans toutes les cellules si l'on peut le faire.

Elles commencent à avoir cette joie intense de ne plus être que par le Seigneur, pour le Seigneur, dans le Seigneur.

Quand ce sera établi partout, ce sera bien. .

6 juillet 1966

 


1 Il est intéressant de noter que, peu avant cette conversation, Mère avait reçu la question suivante :

La présence et l'intervention des Américains au Vietnam sont-elles justifiables?

À quoi Mère avait répondu :

À quel point de vue poses-tu cette question?

Si c'est au point de vue politique — la politique est en plein mensonge et je ne m'en occupe pas.

Si c'est au point de vue moral — la morale est le bouclier que les hommes ordinaires brandissent pour se protéger de la Vérité.

Si c'est au point de vue spirituel — seule la Volonté Divine est justifiable et c'est Elle que les hommes travestissent et déforment dans toutes leurs actions. (En arrière)

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122-124 (Si tu ne veux pas être le jouet des opinions, vois d'abord en quoi ...)

122 — Si tu ne veux pas être le jouet des opinions, vois d'abord en quoi ta pensée est vraie, puis étudie en quoi son contraire est vrai; enfin découvre la cause de ces différences et la clef de l'harmonie de Dieu.

122 — Si tu ne veux pas être le jouet des opinions, vois d'abord en quoi ta pensée est vraie, puis étudie en quoi son contraire est vrai; enfin découvre la cause de ces différences et la clef de l'harmonie de Dieu.

124 — Sers-toi des opinions dans la vie, mais ne les laisse pas enchaîner ton âme dans leurs fers.

(après un silence)

J'étais en train d'essayer de trouver en quoi les opinions étaient utiles... Sri Aurobindo dit qu'elles sont "utiles ou inutiles" — en quoi une opinion peut-elle être utile?

Elles aident momentanément dans l'action.

Non, c'est justement cela que je déplore; les gens agissent d'après leur opinion, et ça n'a aucune valeur. Tout le temps, je reçois des lettres de gens qui veulent ou ne veulent pas faire quelque chose et qui me disent : "C'est mon opinion, ceci est vrai, cela ne l'est pas", et toujours, plus de quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, c'est faux, c'est une sottise.

On a l'impression très claire — enfin, c'est visible — que l'opinion opposée a autant de valeur, que c'est simplement une question d'attitude, c'est tout. Et naturellement, il s'y mêle toujours les préférences de l'ego : on aime mieux que ce soit comme cela, alors on a l'opinion que c'est comme cela.

Mais tant que l'on n'a pas la lumière supérieure pour agir, on a besoin de se servir des opinions.

Il vaudrait mieux avoir une sagesse qu'une opinion, c'est-à-dire, justement, considérer toutes les possibilités, tous les aspects de la question, et alors essayer d'être aussi peu égoïste que possible et voir, par exemple, pour une action, celle qui peut être utile au plus grand nombre de gens ou qui démolit le moins de choses, qui est la plus constructrice. Enfin, même en se plaçant à un point de vue qui n'est pas spirituel, qui est seulement utilitaire et non égoïste, il vaut mieux agir selon la sagesse que selon son opinion.

Oui, mais quelle serait la bonne façon de procéder quand on n'a pas la lumière, sans y mêler son opinion ou son ego ?

Je crois que c'est de considérer tous les aspects du problème, de les mettre d'une façon aussi désintéressée que possible devant sa conscience et de voir ce qui est le meilleur (si c'est possible) ou ce qui est le moins mauvais si cela a des conséquences fâcheuses.

Je voulais demander quelle est la meilleure attitude? Est-ce une attitude d'intervention ou une attitude de laisser-faire ? Quel est le meilleur?

Ah! justement, pour intervenir il faut être sûr que l'on a raison; il faut être sûr que votre vision des choses est supérieure, préférable ou plus vraie que celle des autres ou de l'autre. Ça, il est toujours plus sage de ne pas intervenir — les gens interviennent sans rime ni raison, simplement parce qu'ils ont l'habitude de donner leur opinion aux autres.

Même lorsqu'on a la vision de la vraie chose, il est rarement sage d'intervenir. Cela ne devient indispensable que si quelqu'un veut faire quelque chose qui, nécessairement, se terminera par une catastrophe. Et même là, l'intervention (souriant) n'est pas toujours très efficace.

Au fond, il n'est légitime d'intervenir que lorsqu'on est absolument sûr d'avoir la vision de vérité. Non seulement cela, mais aussi la vision claire des conséquences. Pour intervenir dans les actions d'un autre, il faut être un prophète — un prophète. Et un prophète avec une bienveillance et une compassion totales. Il faut même avoir la vision de la conséquence qu'aura l'intervention dans la destinée de l'autre. Les gens sont tout le temps à se donner des conseils : "Fais ceci, ne fais pas cela"; je vois, ils n'imaginent pas à quel point ils créent une confusion, ils augmentent la confusion, le désordre. Et quelquefois ils nuisent au développement normal de l'individu.

Je considère que les opinions sont des choses toujours dangereuses et, la plupart du temps, absolument sans valeur.

On ne devrait se mêler des affaires d'autrui que, d'abord, si l'on est infiniment plus sage que l'autre —naturellement, on se croit toujours plus sage !... mais je veux dire d'une façon objective et non selon sa propre opinion—, si l'on voit plus, mieux, et si l'on est soi-même en dehors des passions, des désirs, des réactions aveugles. Il faut être soi-même au-dessus de toutes ces choses pour avoir le droit d'intervenir dans la vie d'un autre — même quand il vous le demande. Et quand il ne vous le demande pas, c'est simplement se mêler de ce qui ne vous regarde pas.

(Mère entre dans une longue contemplation, puis reprend)

Je viens de voir une drôle d'image! C'était comme le versant d'une montagne, très abrupte, et quelqu'un (comme le symbole de l'homme) qui grimpait. Un être... c'est curieux, j'ai vu cela plusieurs fois, des êtres qui sont sans vêtements et qui ne sont pas nus! C'est-à-dire qu'ils ont une espèce de vêtement de lumière. Mais cela ne donne pas l'impression d'une lumière qui irradie ni rien de ce genre. C'est comme une atmosphère. Ce serait plutôt l'aura, l'aura devenue visible; alors cette transparence ne cache pas la forme, et en même temps la forme n'est pas nue... Et alors, du ciel — il y avait un grand ciel qui allait d'en bas jusqu'en haut (c'était comme un tableau), un ciel très clair, très lumineux, très pur — il y avait d'innombrables... des centaines de choses comme des oiseaux qui volaient vers lui et il les attirait d'un geste. Et c'était généralement bleu pâle, blanc; de temps en temps, il y avait comme un bout d'aile ou comme un haut de crête un petit peu sombre, mais c'était accidentel. Et ça venait et ça venait par centaines, et il les rassemblait d'un geste, puis il les envoyait sur la terre (il était debout sur une pente abrupte), il les envoyait en bas, dans la vallée. Et alors, là ça devenait... (Mère rit) c'étaient des opinions! Ça devenait des opinions! Il y en avait des foncées, des claires, des brunes, des bleues...

C'étaient comme des espèces d'oiseaux qui s'en allaient vers la terre, comme ça. Mais c'était une image — ce n'était pas une image puisque ça bougeait. C'était très amusant.

Et il a dit : "Voilà comment se forment les opinions." Ça venait du ciel, un ciel immense, immense et lumineux, clair, qui n'était ni bleu ni blanc ni rosé ni... c'était lumineux, c'était simplement lumineux; et de ce ciel, c'était par... je dis centaines, c'était par milliers qu'ils arrivaient, et lui il était là et il recevait ça, puis il faisait un mouvement des mains et il les envoyait sur la terre, et... ça devenait des opinions! Je crois que j'ai commencé à rire, ça m'a amusée.

C'est curieux.

Et il y avait tout ça qui descendait, qui descendait — le bas, on ne le voyait pas —, ça descendait.

Bon. Alors il se peut que les opinions viennent d'un ciel de lumière! (Mère rit)

Au fond, c'est beaucoup plus expressif par des images que par des mots.

14 septembre 1966

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JNÂNA (La Connaissance) - Commentaires Quatrième Période (1969)

Commentaires Quatrième Période (1969)

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125-126 (Toute loi, si compréhensive ou tyrannique soit-elle, se heurte ...)

125 — Toute loi, si compréhensive ou tyrannique soit-elle, se heurte quelque part à une loi contraire qui fait échec à son action, la modifie, l'annule ou la déjoue.

126 — La loi la plus obligatoire de la Nature est seulement un processus fixe que le Seigneur de la Nature a formulé et dont Il se sert constamment. C'est l'Esprit qui l'a faite et l'Esprit peut la dépasser, mais nous devons d'abord ouvrir les portes de notre prison et apprendre à vivre dans l'Esprit plus que dans la Nature.

 

Il n'y a pas de loi de la Nature qui ne puisse être surmontée et changée si nous avons la foi que tout est régi par le Seigneur et que nous avons la possibilité d'entrer en contact direct avec Lui, si nous savons sortir de la prison des habitudes millénaires pour nous donner sans réserve à Sa volonté.

En vérité, il n'y a rien de fixe, tout est en perpétuel changement; et c'est cette transformation ascendante qui ramènera, d'étape en étape, cette création inconsciente et mortelle vers la conscience éternelle et toute-puissante du Seigneur.

3 août 1969

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127 (Les lois sont des processus ou des formules, mais l'âme se ...)

127 — Les lois sont des processus ou des formules, mais l'âme se sert des processus et dépasse les formules.

 

Les lois de la Nature ne sont impératives pour la nature physique que lorsque cette nature n'est pas sous l'influence de l'être psychique (l'âme); car l'être psychique est en possession du pouvoir divin qui peut se servir, pour ses propres fins, de tous les processus et de toutes les formules, et les transformer à volonté.

5 août 1969

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128-129 ("Vis selon la Nature", telle est la maxime de l'Occident, mais ...)

128 — "Vis selon la Nature", telle est la maxime de l'Occident, mais quelle nature? La nature du corps ou la nature qui dépasse le corps? C'est cela que nous devons d'abord déterminer.

129 — O fils de l'Immortalité, ne vis pas selon la Nature, mais selon Dieu; et contrains aussi la Nature à vivre selon la divinité qui est en toi.

 

Douce Mère,

Qu'est-ce que Sri Aurobindo veut dire ici par "''la nature qui dépasse le corps" ?

 

La nature qui dépasse le corps, c'est celle qui continue à vivre après la disparition du corps, c'est la nature psychique qui est immortelle et d'essence divine. Le psychique peut et doit prendre conscience du Divin qui est à son centre et s'unir consciemment à Lui.

7 août 1969

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130 (La Fatalité est la pré-connaissance de Dieu en dehors de l'Espace ...)

130 — La Fatalité est la pré-connaissance de Dieu en dehors de l'Espace et du Temps, qui voit tout ce qui doit arriver dans l'Espace et dans le Temps; ce qu'il a prévu, le Pouvoir et la Nécessité l'exécutent par le conflit des forces.

 

Douce Mère,

Si tout est prévu, quel est alors le rôle de l'aspiration et de l'effort humains?

 

Dans chaque domaine (physique, vital et mental) tout est prévu; mais l'intrusion d'un domaine supérieur (surmental et au-dessus) introduit dans les événements un autre déterminisme et peut changer le cours des choses. C'est cela que l'aspiration peut accomplir.

Quant à l'effort humain, il fait partie des choses déterminées et son rôle est prévu dans l'ensemble du jeu des forces.

9 août 1969

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131.-132.

131 — Ce n’est pas parce que Dieu a voulu et prévu toute chose que tu dois t’asseoir inactif et compter sur Sa providence, car ton action est l’une de Ses principales forces d’exécution. Lève-toi donc et agis, non pas avec égoïsme mais comme l’instrument circonstanciel et la cause apparente de l’événement qu’Il a prédéterminé.

132 — Quand je ne savais rien, j’abhorrais le criminel, le pécheur et l’impur, parce que j’étais moimême plein de crimes, de péchés et d’impuretés ; mais quand je fus nettoyé et que mes yeux furent dessillés, alors je m’inclinai en mon esprit devant le voleur et le meurtrier, et j’adorai les pieds de la prostituée ; car je vis que ces âmes avaient accepté le fardeau terrible du mal et drainé pour nous tous la plus grande part du poison bouillonnant de l’océan du monde.

 

Pour celui qui a pleinement réalisé que le monde n’est pas autre chose que l’Un Suprême dans Sa manifestation, toutes les notions morales humaines disparaissent nécessairement pour faire place à une vision d’ensemble où toutes les valeurs sont changées — ô combien changées !

14 août 1969

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133.

133 — Les Titans sont plus forts que les dieux parce qu’ils se sont mis d’accord avec Dieu pour affronter et porter le fardeau de Sa colère et de Son inimitié ; les dieux n’ont su accepter que le fardeau plaisant de Son amour et de Son extase plus aimable.

 

Pour bien comprendre ce que Sri Aurobindo veut vraiment dire, il faut connaître le merveilleux sens de l’humour qu’il avait dans sa pensée.

16 août 1969

(Quelques années auparavant, Mère avait répondu à la question suivante à propos du même aphorisme :) Alors les dieux sont des lâches ! Où donc est leur grandeur et leur splendeur ? Pourquoi adorons-nous des entités inférieures ? Et les Titans doivent être les plus aimables fils du Divin ?

 

Ce que Sri Aurobindo écrit là est un paradoxe pour éveiller les esprits un peu endormis. Mais il faut comprendre toute l’ironie contenue dans ces phrases et surtout l’intention qu’il met derrière les mots. D’ailleurs, lâches ou non, je ne vois aucune nécessité que nous adorions les dieux, petits ou grands. Notre adoration doit aller seulement au Seigneur Suprême, un en toutes choses et en tout être.

6 novembre 1961

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134.-136.

134 — Quand tu es capable de voir combien la souffrance est nécessaire à la félicité finale, l’échec à la réalisation totale et le délai à la rapidité ultime, alors tu peux commencer, si vaguement que ce soit, à comprendre quelque chose à la façon dont Dieu travaille.

135 — Toute maladie est un moyen d’arriver à une nouvelle joie de santé, tout mal et toute douleur, une préparation de la Nature à une béatitude et à un bien plus intenses, toute mort, une ouverture sur une immortalité plus vaste. Pourquoi et comment doit-il en être ainsi, tel est le secret de Dieu que seule l’âme purifiée de l’égoïsme peut pénétrer.

136 — Pourquoi ton mental ou ton corps souffrent-ils ? Parce que ton âme, derrière le voile, souhaite la douleur et y trouve une félicité ; mais si tu veux — et si tu persévères dans ta volonté —, tu peux imposer à tes éléments inférieurs la loi de l’esprit et sa félicité sans mélange.

 

Il n’y a qu’à tenter l’expérience et persévérer dans l’effort ; alors on trouvera que ce qui est affirmé ici est tout à fait vrai.

19 août 1969

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137.

137 — Il n’existe pas de loi de fer inexorable qui veuille que tel contact crée la douleur ou le plaisir ; c’est la manière dont ton âme reçoit du dehors l’assaut ou la pression du Brahman sur les différentes parties de ton être, qui détermine l’une ou l’autre de ces réactions.

 

Il est évident que le même événement ou le même contact produit chez l’un le plaisir et chez l’autre la souffrance, suivant l’attitude intérieure prise par chacun.

Et cette constatation mène sur le chemin d’une grande réalisation, car lorsqu’on a non seulement compris mais aussi senti que le Seigneur Suprême est l’auteur de toutes choses et que l’on reste constamment en contact avec Lui, toute chose devient l’effet de Sa Grâce et se change en félicité lumineuse et calme.

21 août 1969

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138.

138 — La force d’âme en toi, rencontrant la même force du dehors, n’arrive pas à harmoniser l’intensité du contact en termes d’expérience mentale et d’expérience corporelle ; par suite, tu éprouves une douleur, un chagrin ou un malaise. Si tu es capable d’apprendre à ajuster les réponses de la force en toi‑même aux questions de la force dans le monde, tu t’apercevras que la douleur devient agréable ou qu’elle se change en pur délice. La relation juste est la condition de la félicité, ritam la clef de l’ânanda.

 

Les êtres humains ont l’habitude de baser leur relation avec les autres sur les contacts physiques, vitaux et mentaux, c’est pourquoi il y a presque toujours discorde et souffrance. Si au contraire ils basaient leurs relations sur les contacts psychiques (d’âme à âme), ils s’apercevraient que derrière les apparences troublées, il y a une harmonie profonde et durable qui peut s’exprimer dans toutes les activités de la vie et grâce à laquelle le désordre et la souffrance seraient remplacés par la paix et la félicité.

28 août 1969

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139.

139 — Qui est le surhomme ? Celui qui peut s’élever au-dessus de cet individu mental humain fragmentaire aux yeux tournés vers la matière et se posséder lui-même, universalisé et déifié dans une force divine, un amour divin, une joie et une connaissance divines.

 

Le surhomme est en voie de formation maintenant et une nouvelle conscience s’est manifestée tout dernièrement sur la terre pour parfaire cette formation.

Mais il est peu probable qu’aucun être humain soit encore arrivé à cet accomplissement, d’autant plus qu’il doit s’accompagner d’une transformation du corps physique qui n’est pas encore accomplie.

30 août 1969

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140.

140 — Si tu gardes cet ego humain limité et crois être un surhomme, tu n’es que la dupe de ton propre orgueil, le jouet de ta propre force et l’instrument de tes propres illusions.

 

Il s’ensuit naturellement que tous les ambitieux qui se déclarent maintenant des surhommes ne peuvent être que des imposteurs ou des orgueilleux qui se trompent eux-mêmes et essayent de tromper les autres.

30 août 1969

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141.

141 — Nietzsche a vu le surhomme comme une âme de lion sortant de l’état de chameau, mais le vrai emblème héraldique, le signe du surhomme, est le lion assis sur le chameau qui se tient debout sur la vache de plénitude. Si tu ne peux pas être l’esclave de toute l’humanité, tu n’es pas capable d’en être le maître, et si tu ne peux pas rendre ta nature semblable à la vache d’abondance de Vasishtha afin que toute l’humanité puisse traire le pis son content, à quoi sert ta surhumanité léonine ?

 

Être l’esclave de toute l’humanité veut dire être prêt à servir l’humanité ; et se rendre semblable à la vache d’abondance veut dire être capable de distribuer en abondance toutes les forces, les lumières, les pouvoirs, dont l’humanité a besoin pour sortir de son ignorance et de son incapacité ; car s’il n’en était pas ainsi, un être surhumain serait un fardeau plutôt qu’une aide pour la terre.

31 août 1969

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142.

142 — Sois pour le monde comme un lion d’intrépidité et de souveraineté, comme un chameau de patience et de service, comme une vache de bienfaisance maternelle, tranquille et endurante. Repais-toi de toutes les joies divines comme le lion se repaît de sa proie, mais conduis aussi toute l’humanité dans ce champ infini d’extase luxuriante afin qu’elle s’y vautre et y pâture.

 

Telles sont les qualités requises pour la croissance de l’être jusqu’à sa divinisation ; c’est aussi un rappel qu’une transformation ne peut être complète sans l’ascension de l’humanité.

1er septembre 1969

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143.-144.

143 — Si l’Art ne sert qu’à imiter la Nature, alors mettez le feu à toutes les galeries de tableaux et ayons à la place des studios de photographie. C’est parce que l’Art révèle ce que la Nature cache, qu’un petit tableau vaut davantage que tous les joyaux des millionnaires et les trésors des princes.

144 — Si vous ne faites qu’imiter la Nature visible, vous produirez un cadavre, une esquisse sans vie ou une monstruosité ; la Vérité vit dans ce qui se trouve derrière et par-delà le visible et le sensible.

 

Douce Mère, On dit que la photographie est un intermédiaire de l’art moderne. Quelle est ton opinion à ce sujet ?

Tout dépend de l’usage que l’on fait de la photographie. Dans son but naturel et son usage courant, elle est documentaire ; et plus elle est exacte et précise, plus elle est utile.

Mais il est incontestable qu’il y a des artistes qui se servent de la photographie comme d’un moyen d’expression. Mais alors ce qu’ils font n’est plus une copie exacte de la Nature, c’est un arrangement de formes et de couleurs destiné à exprimer quelque chose d’autre qui est généralement caché par l’apparence physique.

4 septembre 1969

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145.

145 – O Poet, O Artist, if thou but holdest up the mirror to Nature, thinkest thou Nature will rejoice in thy work? Rather she will turn away her face. For what dost thou hold up to her there? Herself? No, but a lifeless outline and reflection, a shadowy mimicry. It is the secret soul of Nature thou hast to seize, thou hast to hunt eternally after the truth in the external symbol, and that no mirror will hold for thee, nor for her whom thou seekest.

 

Douce Mère, Quel est ce « symbole éternel » dont Sri Aurobindo parle ici ?

C’est l’âme secrète de la Nature qui est l’éternel symbole, et c’est la Vérité de cette âme que le poète et l’artiste doivent rechercher et exprimer.

7 septembre 1969

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146.-150.

146 — Je trouve en Shakespeare un universaliste bien plus grand et plus conséquent que chez les Grecs. Toutes ses créations sont des types universels, depuis Lancelot Gobbo et son chien jusqu’à Lear et Hamlet.

147 — Les Grecs ont recherché l’universalité en omettant toutes les nuances individuelles plus délicates ; Shakespeare l’a recherchée avec plus de succès en universalisant les détails de caractère individuels les plus rares. Ce que la Nature utilise pour nous cacher l’Infini, Shakespeare l’a utilisé pour révéler aux yeux de l’humanité l’Anantaguna dans l’homme.

148 — Shakespeare, qui inventa l’image du miroir présenté à la Nature, fut le seul poète qui ne condescendit jamais à copier, photographier ou imiter. Le lecteur qui voit en Falstaff, Macbeth, Lear ou Hamlet des imitations de la Nature, n’a pas l’oeil intérieur de l’âme ou a été hypnotisé par une formule.

149 — Où, dans la Nature matérielle, trouves-tu Falstaff, Macbeth ou Lear ? Elle en possède des ombres ou des suggestions, mais eux-mêmes la dominent de très haut.

150 — Pour deux sortes d’êtres, il est de l’espoir : pour l’homme qui a senti le contact de Dieu et qui a été attiré par lui, et pour le chercheur sceptique ou l’athée convaincu ; quant aux formulistes de toutes les religions et aux perroquets de la libre pensée, ce sont des âmes mortes qui suivent une mort qu’ils appellent vivre.

 

Douce Mère, Les « formulistes » des religions n’aident-ils pas les masses ordinaires en leur donnant une image de Dieu ?

Ne crois-Tu pas que la religion aide les gens ordinaires ?

Tout ce qui arrive, arrive par la volonté du Seigneur Suprême afin d’amener la création tout entière à la connaissance du Suprême.

Mais l’immense majorité de l’action agit par contraste et par négation. Et c’est ainsi que les religions agissent pour la majorité des soi-disant croyants qui suivent la religion sans avoir la foi et encore moins l’expérience.

14 septembre 1969

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151.

151 — Un homme alla trouver un savant avec le désir d’être instruit ; cet instructeur lui montra les révélations du microscope et du télescope, mais l’homme se mit à rire et dit : « Ce sont évidemment des hallucinations imposées à l’oeil par les verres dont vous vous servez comme instrument ; je ne croirai rien tant que vous ne m’aurez pas montré ces merveilles à l’oeil nu. » Alors le savant lui prouva, par beaucoup d’expériences et de faits concomitants, le bien-fondé de sa connaissance, mais l’homme se mit à rire encore et dit : « Ce que vous appelez preuve, moi je l’appelle coïncidence, et le nombre des coïncidences ne constitue pas une preuve ; quant à vos expériences, elles sont évidemment effectuées dans des conditions anormales et constituent une sorte d’aberration de la Nature. » Quand il fut mis en présence des résultats des mathématiques, il devint furieux et s’écria : « Ceci est visiblement une imposture, un charabia et une superstition ; voulez-vous essayer de me faire croire que ces absurdes chiffres cabalistiques ont une force et une signification réelles ? » Alors le savant le chassa comme un incorrigible imbécile, car il ne reconnut pas là son propre système de démenti et sa propre méthode de raisonnement négatif. Si nous désirons réfuter une enquête impartiale et sans parti pris, nous pouvons toujours trouver des polysyllabes très respectables pour couvrir notre refus, ou imposer des preuves et des conditions qui rendent l’enquête absurde.

 

Les savants, pour la plupart matérialistes, emploient le même procédé pour nier le savoir occulte et spirituel que les imbéciles ignorants pour nier la science.

Car ce qui est preuve évidente pour l’homme de bonne volonté devient imposture pour celui qui se refuse à apprendre.

17 septembre 1969

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152.-153.

152 — Quand notre mental est absorbé dans la matière, il pense que la matière est la seule réalité ; quand nous nous retirons dans une conscience immatérielle, nous voyons la matière comme un masque et nous sentons que l’existence dans la conscience a seule le cachet de la réalité. Lequel des deux est-il donc vrai ? Dieu seul le sait ; mais celui qui a les deux expériences peut dire aisément quelle condition est plus fertile en connaissance, plus puissante et plus heureuse.

153 — Je crois que la conscience immatérielle est plus vraie que la conscience matérielle. Parce que, dans la première, je connais ce qui m’est caché dans la seconde, et en même temps j’ai à ma disposition ce que le mental sait dans la matière.

 

Douce Mère, Comment peut-on toujours rester dans une conscience immatérielle ?

On ne peut pas et ce ne serait pas bon.

Sri Aurobindo ne parle pas ici de la conscience supérieure aux deux consciences matérielle et immatérielle dont il parle, c’est-à-dire de la conscience supramentale qui contient en ellemême toutes les autres consciences et peut ainsi tout savoir sur tous les plans de l’être. C’est à cette conscience-là qu’il faut aspirer, c’est elle qui peut nous apprendre la Vérité totale.

18 septembre 1969

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154.-156.

154 — L’Enfer et le Ciel n’existent que dans la conscience de l’âme. Très bien, mais il en est de même pour la terre et tous ses continents, ses mers et ses champs, ses déserts, ses montagnes et ses rivières. Le monde entier n’est rien autre qu’un arrangement de la vision de l’Âme.

155 — Il n’y a qu’une seule âme et qu’une seule existence, c’est pourquoi, tous, nous voyons une seule objectivité ; mais il est bien des noeuds du mental et de l’ego dans l’unique existence de l’âme, c’est pourquoi, tous, nous voyons l’Objet unique avec des lumières et des ombres différentes.

156 — Les idéalistes s’égarent ; ce n’est pas le Mental qui a créé les mondes, mais ce qui a créé le mental a créé les mondes aussi. Le mental voit mal parce qu’il voit partiellement et seulement des détails de ce qui est créé.

 

Douce Mère, De quelle façon l’idéalisme peut-il nous aider dans notre vie ici ?

Il semble que Sri Aurobindo parle ici d’une école de philosophie qui déclare que l’Idée a créé les mondes. Naturellement ceci est faux.

Les idéalistes qui se refusent à être les esclaves de la matière, peuvent ne pas être des adeptes de cette philosophie et peuvent aider par leur idéalisme à ne plus être les esclaves des désirs matériels.

22 septembre 1969

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157.-158.

157 — « Ainsi a dit Râmakrishna » et « ainsi a dit Vivékânanda ». Oui, mais je veux savoir aussi les vérités que l’Avatâr n’a pas exprimées en paroles et celles que le prophète a omises de ses enseignements. En Dieu, il y aura toujours beaucoup plus que ce que la pensée de l’homme a jamais conçu ou que la langue de l’homme a jamais prononcé.

158 — Qui était Râmakrishna ? Dieu manifesté dans un être humain ; mais derrière, il y a Dieu dans Son impersonnalité infinie et il y a Sa Personnalité universelle. Et qui était Vivékânanda ? Un coup d’oeil radieux de Shiva ; mais derrière lui se trouve le regard divin d’où il est venu, et Shiva lui-même et Brahmâ et Vishnu et ÔM qui surpasse tout.

 

  Douce Mère, Les Avatârs auront-ils encore besoin de naître sur la terre une fois que la conscience supramentale sera bien établie ?

Voilà une question à laquelle il sera plus facile de répondre quand le Supramental sera manifesté par des êtres vivants sur la terre.

J’avais toujours entendu dire que Sri Aurobindo était « le dernier Avatâr » ; mais sans doute est-il le dernier Avatâr dans un corps humain — après, on ne sait pas...

23 septembre 1969

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159.

159 — Celui qui ne reconnaît pas Krishna, le Dieu dans l’homme, ne connaît pas Dieu complètement ; celui qui connaît seulement Krishna, ne connaît même pas Krishna. Pourtant, la vérité opposée est aussi pleinement vraie : si tu peux voir Dieu tout entier dans une insignifiante petite fleur pâle et sans parfum, alors tu as saisi Sa suprême réalité.

 

Douce Mère, Une fois que l’on a pris le chemin du yoga de Sri Aurobindo, ne doit-on pas abandonner le culte de tous les autres dieux et déesses ?

Celui qui suit vraiment le chemin donné par Sri Aurobindo, dès qu’il commencera à avoir l’expérience de ce chemin, sera dans l’impossibilité de réduire sa conscience au culte de n’importe quel dieu ou déesse, ou même d’eux tous à la fois.

26 septembre 1969

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160.-161.

160 — Évite le piège aride d’une métaphysique creuse et la sèche poussière d’une intellectualité stérile. Seule vaut d’être acquise la connaissance qui peut être utilisée pour une félicité vivante et traduite en caractère, en action, en création et en être.

161 — Deviens et vis la connaissance que tu as ; alors ta connaissance est le Dieu vivant en toi.

 

Douce Mère, Jusqu’à quel point « la culture intellectuelle » peutelle nous aider sur notre chemin ?

Si la culture intellectuelle est poussée à son extrême limite, elle conduit le mental à la constatation insatisfaisante qu’il est incapable de savoir la Vérité et, chez ceux qui aspirent sincèrement, à la nécessité de se taire et de s’ouvrir dans le silence aux régions supérieures qui peuvent vous donner la connaissance.

27 septembre 1969

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162.

162 — L’évolution n’est pas terminée ; la raison n’est pas le dernier mot de la Nature, ni l’animal raisonnant sa forme suprême. Tel l’homme a émergé de l’animal, tel le surhomme émerge de l’homme.

 

Je voudrais voir l’anglais pour savoir à quel temps Sri Aurobindo a employé son verbe « émerge » — au présent ou au futur ?


Si c’est au futur, c’est une promesse que nous connaissons tous et à la réalisation de laquelle nous travaillons. Si c’est au présent... je n’ai rien à ajouter .1

29 septembre 1969

 


1 C’est en effet au présent. (En arričre)

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163.-164.

163 — Le pouvoir d’observer rigidement la loi est la base de la liberté ; c’est pourquoi, dans la plupart des disciplines, l’âme doit subir et accomplir la loi dans son être inférieur avant de pouvoir s’élever à la liberté parfaite de son être divin. Les disciplines qui commencent par la liberté sont faites seulement pour les êtres puissants et naturellement libres ou qui, en des vies antérieures, ont fondé leur liberté.

164 — Ceux qui sont incapables d’observer librement, pleinement et intelligemment la loi qu’ils se sont imposée à eux-mêmes, doivent être assujettis à la volonté des autres. C’est l’une des causes principales de la sujétion des nations. Une fois que leur égoïsme désordonné a été écrasé sous les pieds d’un maître, il leur est donné une nouvelle chance, ou, si elles ont de la force en elles, elles obtiennent une nouvelle chance de mériter la liberté par la liberté.

 

Douce Mère, Quelles sont ces disciplines qui « commencent par la liberté » dont Sri Aurobindo parle ici ?

Je suppose que Sri Aurobindo fait allusion aux diverses disciplines d’initiation qui étaient en pratique dans les diverses écoles initiatiques au temps où elles avaient de l’importance et de l’autorité.

Notre époque, devenue très matérialiste, ne donne plus la même importance ni la même autorité à ce genre d’écoles.

30 septembre 1969

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165.

165 — Observer la loi que nous nous sommes imposée à nous-mêmes plutôt que la loi des autres, telle est la signification de la liberté dans notre condition non régénérée. C’est seulement en Dieu et par la suprématie de l’esprit que nous pouvons jouir d’une liberté parfaite.

 

La liberté véritable est d’être en union constante avec le Divin et de ne faire que ce que le Divin nous fait faire.

Mais jusque-là, il vaut mieux s’imposer à soi-même une loi supérieure d’action et de conduite, et la suivre scrupuleusement, plutôt que d’obéir à la loi des autres hommes et des conventions sociales et morales.

1er octobre 1969

Douce Mère, Quand on vit dans une communauté, ne devient-il pas nécessaire, souvent, d’obéir aux lois imposées par les autres au lieu de suivre les disciplines que l’on voudrait pour soi-même ?

Il est évident que si l’on a choisi ou accepté de vivre dans une communauté, il faut suivre les lois de cette communauté, autrement on devient un élément de désordre et de confusion.

Mais une discipline acceptée volontairement ne peut pas nuire au développement intérieur et à la croissance de la conscience supérieure.

3 octobre 1969

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166.

166 — La double loi du péché et de la vertu nous est imposée parce que nous n’avons pas la vie idéale ni la connaissance intérieure qui guident l’âme spontanément et infailliblement vers son accomplissement. La loi du péché et de la vertu cesse pour nous quand le soleil de Dieu brille sur l’âme, dans la vérité et l’amour, en sa splendeur dévoilée. Moïse est remplacé par le Christ, le Shâstra par le Véda.1

 

Douce Mère, Crois-tu que cette idée de vertu et de péché ait fait aucun bien à l’humanité ?

Ainsi que Sri Aurobindo le dit, la loi de la vertu et du péché était sûrement nécessaire au progrès de l’humanité quand elle lui a été donnée, il y a plusieurs milliers d’années. Mais à présent, elle n’a plus ni sens ni utilité et ne devrait plus être écoutée.

Cela fait partie d’un passé qui ne devrait plus avoir d’autorité.

Mais pour qu’il puisse en être ainsi, il faut qu’elle soit remplacée par une loi plus lumineuse et plus vraie, et non par le désordre et la corruption.

4 octobre 1969

Et quelle est cette loi plus lumineuse? 2

C’est l’obéissance parfaite et spontanée à l’ordre divin qui doit remplacer toute loi.

26 septembre 1970

Douce Mère, Est-il bon de casser toutes les conventions sociales et morales, comme le fait la nouvelle génération ? Ces choses n’ont-elles aucune valeur ?

Ce qui a une valeur à une époque n’en a plus à une autre, à mesure que la conscience humaine progresse. Mais il faut prendre grand soin de remplacer la loi à laquelle on n’obéit plus par une loi plus haute et plus vraie qui favorise le progrès vers la réalisation future.

On n’a le droit de renoncer à une loi que lorsqu’on est capable de connaître et de suivre une loi supérieure et meilleure.

P.S. Relis ce que j’ai écrit hier, je te l’avais déjà expliqué.

5 octobre 1969

Comment suivre cette loi supérieure? 3

À chaque minute, faire ce que Dieu veut.

26 septembre 1970

 


1 Les Écritures (Shâstra) par la Connaissance (Véda). (vissza)

2 Cette question a été posée plus tard à Mère, au moment de la première publication de ces commentaires. (vissza)

3 Cette question a été posée plus tard à Mère, au moment de la première publication de ces commentaires. (vissza)

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167.

167 — Dieu en nous conduit toujours correctement, même lorsque nous sommes dans les chaînes de l’ignorance ; mais alors, bien que sûr, le but est atteint en décrivant des cercles et par des déviations.

 

Le but prévu par le Divin est toujours atteint, mais seuls ceux dont la conscience est unie à la Conscience Divine, l’atteignent directement et sciemment ; les autres — l’immense majorité de ceux qui ne sont conscients que de leur être extérieur — n’atteignent ce but qu’après avoir fait beaucoup de détours, qui parfois même semblaient tourner le dos à ce but.

6 octobre 1969

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168.-169.

168 — Dans le yoga, la croix est le symbole de l’union forte et parfaite de l’âme et de la nature ; mais du fait de notre chute dans les impuretés de l’ignorance, elle est devenue le symbole de la souffrance et de la purification.

169 — Le Christ est venu dans le monde pour purifier, non pour accomplir. Il a lui-même prévu l’échec de sa mission et la nécessité de son retour, le glaive de Dieu en main, dans un monde qui l’avait rejeté.

 

Douce Mère, Que représente « le glaive de Dieu » dans cet aphorisme ?

Le glaive de Dieu est le pouvoir auquel rien ne peut résister.

7 octobre 1969

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170.-171.

170 — La mission de Mahomet était nécessaire, autrement nous aurions pu finir par penser, dans l’exagération de notre effort de purification, que la terre était faite seulement pour le moine, et la cité seulement créée comme un vestibule du désert.

171 — Quand tout est dit, l’Amour et la Force ensemble peuvent finalement sauver le monde, mais pas l’Amour seul ni la Force seule. C’est pourquoi le Christ attendait une deuxième venue, et la religion musulmane, là où elle n’est pas stagnante, attend par les Imams la venue d’un Mehdi.

 

L’amour seul, tel que le Christ l’a prêché, n’a pu transformer les hommes. La force seule, telle que Mahomet l’a prêchée, n’a pas transformé les hommes, loin de là.

C’est pourquoi la conscience qui est à l’oeuvre pour transformer l’humanité unit la force à l’amour, et Celui qui devra réaliser cette transformation viendra sur terre avec le Pouvoir de l’Amour Divin.

10 octobre 1969

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172.

172 — La loi ne peut pas sauver le monde ; par conséquent les commandements de Moïse sont morts pour l’humanité et le Shâstra des brâhmanes est corrompu et mourant. La loi transformée en liberté est le libérateur. Non le pandit mais le yogi, non la vie monastique mais le renoncement intérieur au désir, à l’ignorance et à l’égoïsme.

 

C’est d’une clarté indiscutable, et c’est justement ce que nous essayons de faire. Mais la nature humaine est rebelle et trouve difficile d’obtenir la liberté au prix du renoncement au désir, à l’ignorance et à l’égoïsme.

La plupart des êtres humains préfèrent l’esclavage du désir, de l’ignorance et de l’égoïsme plutôt que la liberté sans eux.

13 octobre 1969

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173.-174.

173 — Même Vivékânanda avait admis une fois, poussé par l’émotion, ce sophisme qu’un Dieu personnel serait trop immoral pour être toléré, et que le devoir de tout homme de bien serait de Lui résister. Mais si une Volonté, une Intelligence supramorale et toute-puissante gouverne le monde, il est sûrement impossible de Lui résister ; notre résistance ne pourrait que servir Ses fins et en réalité serait dictée par Lui. N’est-il donc pas préférable, au lieu de condamner ou de nier, de L’étudier et de Le comprendre ?

174 — Si nous voulons comprendre Dieu, nous devons renoncer à nos critères humains égoïstes et ignorants, ou bien les ennoblir et les universaliser.

 

Selon la compréhension humaine, le monde est terriblement immoral, plein de souffrance et de laideur, surtout depuis l’apparition de l’espèce humaine. Ainsi, il est difficile pour la conscience humaine d’admettre que ce monde soit l’oeuvre d’un Dieu personnel, car, pour l’homme, cela paraît être l’oeuvre d’un monstre tout-puissant.

Mais Sri Aurobindo ajoute qu’il est préférable de tâcher de comprendre au lieu de condamner.

Et la meilleure façon de comprendre n’est-elle pas de s’unir à cette Conscience Suprême pour voir comme Elle voit et comprendre comme Elle comprend ? Ceci est certainement la seule vraie sagesse.

Et le yoga est la vraie manière de s’unir au Suprême.

15 octobre 1969

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175.

175 — Parce qu’un homme bon meurt ou échoue et que le méchant vit et triomphe, devons-nous en conclure que Dieu est mauvais ? Je ne vois pas la logique de cette conséquence. Je dois d’abord être convaincu que la mort et l’échec sont un mal ; je pense, parfois, lorsqu’ils nous viennent, qu’ils sont notre suprême bien momentané. Mais nous sommes les dupes de notre coeur et de nos nerfs et nous soutenons que ce qu’ils n’aiment pas ou ne désirent pas, doit évidemment être un mal !

 

Douce Mère, Mais que dire de ceux qui ont de la malchance et qui échouent toujours en tout ce qu’ils font ?

D’abord, une fois pour toutes, il faut savoir que la chance n’existe pas, ni bonne ni mauvaise.

Ce qui apparaît à notre ignorance comme une chance, est tout simplement l’effet de causes que nous ignorons.

Il est certain que pour celui qui a des désirs, si ces désirs ne sont pas satisfaits, c’est un signe que la Grâce Divine est avec lui et veut, par l’expérience, le faire progresser rapidement en lui apprenant que la soumission volontaire et spontanée à la Volonté Divine est un beaucoup plus sûr moyen d’être heureux dans la paix et la lumière que la satisfaction de n’importe quel désir.

17 octobre 1969

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176.-177.

176 — Quand je regarde derrière moi ma vie passée, je vois que si je n’avais pas échoué et souffert, j’aurais perdu les bénédictions suprêmes de ma vie ; et cependant, au moment de la souffrance et de l’échec, j’étais fâché et j’avais le sentiment d’une calamité. Parce que nous ne pouvons rien voir d’autre que ce qui est juste sous notre nez, nous nous laissons aller à tous ces cris et ces reniflements. Soyez silencieux, ô coeurs stupides ! Tuez l’ego, apprenez à voir et à sentir vastement, universellement.

177 — La vision et le sentiment cosmiques parfaits sont la guérison de toute erreur et de toute souffrance ; mais la plupart des hommes réussissent seulement à élargir l’étendue de leur ego.

 

Douce Mère, Qu’est‑ce que la « vision et le sentiment cosmiques » et comment peut-on y parvenir ?

Cela veut simplement dire la vision de toute la terre à la fois et le sentiment qui résulte de cette vision du tout. Ce tout contient toute chose en même temps, la lumière et l’obscurité, la souffrance et le plaisir, le bonheur et le malheur, et tout ensemble fait une vibration d’adoration tournée vers le Divin comme tous les bruits entendus ensemble font la suprême invocation au Divin : ÔM.

18 octobre 1969

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178.

178 — Les hommes disent et pensent : « Pour mon pays ! », « Pour l’humanité ! », « Pour le monde ! », mais en fait ils veulent dire : « Pour moimême, vu dans mon pays ! », « Pour moi-même, vu dans l’humanité ! », « Pour moi-même, représenté selon ma fantaisie comme le monde ! » C’est peut-être un élargissement, mais ce n’est pas la libération. Être au large et être dans une large prison ne sont pas une même condition de liberté.

 

Pour être libre, il faut sortir de la prison. La prison, c’est l’ego, le sens de la personnalité séparée. Pour être libre, il faut s’unir consciemment et totalement au Suprême et, par cette identification, briser les limites de l’ego et supprimer l’existence même de l’ego en s’universalisant, quoique l’individualisation de la conscience soit préservée.

19 octobre 1969

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179.

179 — Vis pour Dieu dans ton voisin, Dieu en toimême, Dieu dans ton pays et le pays de ton ennemi, Dieu dans l’humanité, Dieu dans l’arbre, la pierre et l’animal, Dieu dans le monde et hors du monde ; alors tu seras dans le droit chemin de la libération.

 

Il n’y a rien à ajouter. C’est vrai, de toute évidence vrai, et pour être sûr, il faut en faire l’expérience, car seule l’expérience est absolument convaincante.

21 octobre 1969

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180.

180 — Il y a des éternités moindres et plus grandes ; car l’éternité est un terme de l’âme et peut exister dans le temps autant qu’elle peut le dépasser. Quand les Écritures disent : shâshwatîh samâh , elles entendent une longue étendue et permanence de temps ou des âges difficilement mesurables ; seul Dieu Absolu a l’éternité absolue. Cependant, quand on va au-dedans, on voit que toutes choses sont réellement éternelles ; il n’y a pas de fin, pas plus qu’il n’y a jamais eu de commencement.

 

Douce Mère, Comment peut-on avoir l’expérience de l’éternité ?

En s’unissant à l’Éternel, c’est-à-dire au Divin.

23 octobre 1969

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181.-182.

181 — Quand tu appelles quelqu’un d’autre « imbécile », comme il t’arrive parfois, n’oublie pas cependant que tu as été toi-même le suprême imbécile dans l’humanité.

182 — Dieu aime à jouer le sot à propos ; l’homme le fait à propos et hors de propos. C’est la seule différence.

 

Douce Mère, Depuis plusieurs années, presque tous nos enfants, grands et petits, ont l’habitude de toujours utiliser des mots vulgaires dans leur langage quotidien. Par exemple, ils ponctuent chaque phrase par des mots comme « idiot », « fou », etc., et autres expressions indiennes similaires, sans aucune intention mauvaise. Comment peut-on les aider à éliminer cette mauvaise habitude si répandue ?

Le seul remède est d’apprendre à réfléchir avant de parler et de ne dire que les mots absolument indispensables à l’expression de sa pensée.

Moins on parle, mieux cela vaut. Et s’il est indispensable de communiquer quelque chose aux autres ou à un autre, il est sage de ne prononcer que juste les mots indispensables, rien de plus.

24 octobre 1969

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183.-184.

183 — Au point de vue bouddhique, avoir sauvé une fourmi qui se noyait est une oeuvre plus grande que d’avoir fondé un empire. L’idée contient une vérité, mais c’est une vérité qui peut facilement être exagérée.

184 — Exalter indûment une vertu — même la compassion — par-dessus toutes les autres, c’est couvrir de sa main les yeux de la sagesse. Dieu avance toujours vers une harmonie.

 

Toute exagération, tout exclusivisme, est un manque d’équilibre et une faute à l’égard de l’harmonie, et par conséquent une erreur pour celui qui recherche la perfection. Car la perfection ne peut exister que dans une suprême harmonie.

28 octobre 1969

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185.-186.

185 — Tant que ton âme fait des distinctions, la pitié peut être réservée pour les animaux qui souffrent ; mais l’humanité mérite de toi quelque chose de plus noble : elle demande l’amour, la compréhension, la camaraderie, l’aide de l’égal et du frère.

186 — Les contributions du mal au bien du monde, et le mal que l’homme vertueux fait parfois, désolent l’âme amoureuse du bien. Pourtant, ne sois pas désolé ni confondu, mais plutôt étudie et comprends calmement les voies de Dieu dans l’humanité.

 

Sri Aurobindo means that there is a height in the consciousness where the ordinary notions of good and bad lose all their value.

Et il nous conseille, au lieu d’être affectés par la manière dont se passent les choses sur la terre, de nous élever dans la conscience jusqu’à la communion avec le Divin, alors nous comprendrons pourquoi les choses sont ainsi.

29 octobre 1969

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187.-188.

187 — Dans la Providence de Dieu, le mal n’existe pas ; seul le bien existe, ou sa préparation.

188 — La vertu et le vice furent faits pour la lutte et le progrès de ton âme ; quant aux résultats, ils appartiennent à Dieu, qui s’accomplit par-delà le vice et la vertu.

 

Le vice et la vertu sont des inventions de la pensée humaine pour les besoins de l’évolution et du progrès — mais dans la Conscience Divine, vice et vertu n’existent pas.

L’univers tout entier est dans une lente évolution ascendante vers Ce qu’il doit manifester.

30 octobre 1969

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189.-191.

189 — Vis au-dedans ; ne sois pas bouleversé par les circonstances extérieures.

190 — Ne prodigue pas partout tes aumônes avec une charité ostentatoire ; comprends et aime quand tu aides. Que ton âme croisse au-dedans de toi.

191 — Aide les pauvres tant que les pauvres sont près de toi ; mais aussi étudie et fais effort pour qu’il n’y ait plus de pauvres à secourir.

 

Vivre au-dedans dans une constante aspiration vers le Divin, cela nous rend capables de regarder la vie avec un sourire et de rester en paix, quelles que soient les circonstances extérieures.

Quant aux pauvres, Sri Aurobindo dit que de leur venir en aide est bien, pourvu que cela ne soit pas une vaniteuse ostentation de charité, mais qu’il est bien supérieur de chercher le remède de la misère pour qu’il n’y ait plus de pauvres sur la terre.

31 octobre 1969

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192.

192 — L’ancien idéal social de l’Inde exigeait du prêtre une simplicité de vie volontaire, la pureté, le savoir et l’enseignement gratuit de la communauté ; du prince, elle exigeait la guerre, le gouvernement, la protection du faible et le don de sa vie sur le champ de bataille ; du marchand, le commerce, le gain et le retour de ses gains à la communauté par de libres dons ; du serf, de travailler pour tous les autres et d’acquérir des possessions matérielles. En compensation de sa servitude, il était exempté de l’impôt de l’abnégation, de l’impôt du sang et de l’impôt sur ses richesses.

 

Au début, environ six mille ans passés, ceci était tout à fait vrai, et chacun était classé selon sa nature. Ensuite, c’est devenu une commodité sociale (d’après la naissance) rigide et de plus en plus arbitraire, par laquelle la vraie nature de l’individu était complètement ignorée. Étant devenue une conception fausse, elle devait disparaître.

Mais peu à peu, avec le progrès humain, les occupations humaines se trouvent de plus en plus classées d’une façon similaire (d’après la nature et les capacités de chacun), moins rigide, mais beaucoup plus vraie.

7 novembre 1969

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193.-196.

193 — L’existence de la pauvreté est la preuve d’une société injuste et mal organisée, et nos charités publiques ne sont que le premier éveil tardif d’une conscience de voleur.

194 — Vâlmîki, notre ancien poète épique, inclut parmi les signes d’un état social juste et éclairé, non seulement l’instruction universelle, la moralité et la spiritualité, mais ceci aussi, que nul ne soit obligé de manger une nourriture grossière, que tous soient rois et oints, et que personne ne vive comme un mesquin et méprisable esclave du luxe.

195 — L’acceptation de la pauvreté est noble et bienfaisante pour une classe ou un individu, mais elle devient fatale et appauvrit la richesse de la vie et son épanouissement si elle est perversement organisée et que l’on en fasse un idéal général ou national.

196 — La pauvreté n’est pas plus une nécessité pour la vie sociale que ne l’est la maladie pour un corps naturel ; de mauvaises habitudes de vie et l’ignorance de notre organisation vraie sont, dans les deux cas, les causes pécheresses d’un désordre évitable.

 

Douce Mère,
Un jour viendra-t-il où il n’y aura plus de pauvres et plus de souffrances dans le monde ?

Ceci est absolument certain pour tous ceux qui comprennent l’enseignement de Sri Aurobindo et ont foi en lui.

C’est avec l’intention de créer un endroit où il puisse en être ainsi que nous voulons fonder Auroville.

Mais pour que cette réalisation soit possible, il faut que chacun fasse effort pour se transformer lui-même, car la majorité des souffrances des êtres humains est le produit de leurs propres erreurs, physiques et morales.

8 novembre 1969

Comment crois-tu qu’à Auroville il n’y aura plus de souffrance — tant que les gens qui viendront vivre à Auroville seront des hommes de ce même monde, nés avec les mêmes faiblesses et les mêmes défauts ?

Je n’ai jamais pensé qu’il n’y aurait plus de souffrance à Auroville, parce que les hommes, tels qu’ils sont, aiment la souffrance et l’appellent, tout en la maudissant.

Mais on tâchera de leur enseigner à aimer vraiment la paix et à essayer de pratiquer l’égalité d’âme.

C’est de la pauvreté involontaire et de la mendicité dont je voulais parler.

La vie à Auroville sera organisée de telle sorte que cela n’existera pas — et si des mendiants viennent du dehors, ou bien ils devront partir, ou bien on les hospitalisera et leur apprendra la joie du travail.

9 novembre 1969

Quelle est la différence fondamentale entre l’idéal de l’Ashram et celui d’Auroville ?

Il n’y a pas de différence fondamentale dans l’attitude à l’égard de l’avenir et du service du Divin.

Mais les gens de l’Ashram sont considérés comme ayant consacré leur vie au yoga (excepté naturellement les élèves qui ne sont ici que pour leurs études et à qui l’on ne demande pas d’avoir fait leur choix dans la vie).

Tandis qu’à Auroville, la seule bonne volonté de faire une expérience collective pour le progrès de l’humanité suffit pour être admis.

10 novembre 1969

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Karma (Les OEuvres) - Commentaires Quatrième Période (1969 – 1970)

Commentaires Quatrième Période (1969 – 1970)

 

Le développement et l’aspiration spirituelle rendent

capable de maîtriser son karma.
                                                                          La Mère

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206.

206 — Dieu conduit l’homme alors même que l’homme s’égare ; la nature supérieure veille sur les trébuchements de l’être mortel inférieur ; telle est la confusion et telle la contradiction dont nous devons nous échapper dans une connaissance claire, en l’unité du moi qui seule est capable d’une action impeccable.

 

La seule sécurité dans la vie, la seule manière d’échapper aux conséquences des erreurs passées, est le développement intérieur permettant l’union consciente avec la Présence Divine ; le seul guide efficace, la Vérité de notre être et de tout être.

25 novembre 1969

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207.

207 — Que tu aies de la pitié pour les créatures est bien, mais ce n’est pas bien si tu es l’esclave de ta pitié. Ne sois l’esclave de rien, sauf de Dieu, pas même de Ses anges les plus lumineux.

 

Pour ceux qui veulent vivre selon la Vérité, le seul moyen est de devenir conscient de la Présence Divine et de vivre uniquement selon Sa Volonté.

C’est le seul moyen d’échapper au mal et à la souffrance, le seul moyen d’être toujours dans la paix, la lumière et la joie.

26 novembre 1969

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208.-209.

208 — La béatitude est le but de Dieu pour l’humanité ; obtiens ce bien suprême pour toi-même, d’abord, afin que tu puisses le distribuer entièrement à tes semblables.

209 — Celui qui acquiert pour lui seul acquiert mal, même s’il appelle cela ciel et vertu.

 

L’homme a droit à la béatitude puisqu’il a été créé pour cela. Mais tout mouvement égocentrique est le contraire même de cette béatitude. Ainsi, en la cherchant pour soi seul, on la repousse au lieu de l’attirer. C’est dans l’oubli de soi, dans le don de soi sans rien demander en échange, en se fondant pour ainsi dire dans cette béatitude afin qu’elle rayonne sur tous, que l’on trouve la paix et la joie intérieure qui ne vous quittent jamais.

29 novembre 1969

Douce Mère,

Quelle est la différence entre « l’oubli de soi » et « le don de soi » ?

L’oubli de soi peut simplement être un état passif résultant de l’absence totale d’égoïsme. Le don de soi, qui prend toute sa valeur quand il est fait au Divin, est un mouvement actif qui comporte l’amour sous sa forme la plus pure et la plus élevée.

Le don total de soi au Divin est la vraie raison d’être de l’existence.

30 novembre 1969

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341.-343.

341 — La démocratie était la protestation de l’âme humaine contre le despotisme combiné de l’autocrate, du prêtre et du noble ; le socialisme est la protestation de l’âme humaine contre le despotisme d’une démocratie ploutocratique ; l’anarchie sera probablement la protestation de l’âme humaine contre la tyrannie d’un socialisme bureaucratique. Une marche turbulente et assoiffée qui va d’illusion en illusion et d’échec en échec, telle est l’image du progrès de l’Europe.

342 — En Europe, la démocratie est le gouvernement du ministre d’État, du député corrompu ou du capitaliste égoïste, masqué par la souveraineté occasionnelle d’une populace irrésolue. Il est probable que le socialisme en Europe sera le gouvernement du fonctionnaire et de la police, masqué par la souveraineté théorique d’un État abstrait. Il est chimérique de demander quel est le meilleur des deux systèmes ; il serait difficile de décider lequel est le pire.

343 — L’avantage de la démocratie est la sécurité de la vie de l’individu, de sa liberté et de ses biens contre les caprices d’un tyran ou d’une minorité égoïste ; son mal est le déclin de la grandeur dans l’humanité.

 

Tous les gouvernements humains sont mensongers ou chimériques. On ne peut espérer que la terre soit un jour gouvernée par la Vérité que si le Seigneur Suprême rend cette Vérité évidente pour tous.

18 février 1970

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